Abandon de poste: nouvelle attaque du gouvernement contre l’assurance chômage et le droit de choisir son emploi

Publié le 4 mai. 2023
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Le décret concernant la présomption de démission pour abandon de poste est paru au Journal officiel le 18 avril dernier. Il est donc entré en application dès le lendemain de sa parution. Désormais toutes et tous les salariés décidant d'abandonner leur poste sont considérés comme démissionnaires. Les privant donc d’indemnités chômage, pendant au moins quatre mois,  au motif qu’il s’agirait de « chômage volontaire ».

Le gouvernement n’ayant comme d’habitude mené aucune étude d’impact, il faut se référer à l’étude de l’Unedic :  l’abandon de poste touche majoritairement les jeunes (78% ont moins de 40 ans) et les moins diplômé∙es (52% sont sans diplôme ou titulaires d’un CAP/BEP). Les abandons de postes sont par ailleurs plus importants dans le commerce, les transports, l’entreposage ainsi que l’hébergement et la restauration ; secteurs dont les salarié∙es ont déjà été impacté∙es de plein fouet par la réforme de l’assurance chômage de 2019.

L’Unedic constate que la plupart des abandons de postes sont dus à des conditions de travail dégradées, des salaires trop bas, un manque d’évolution, une charge de travail trop élevée, du harcèlement moral, psychologique…  L’Unedic estime également que plus de 20% des abandons de postes sont à l’initiative de l’employeur de manière à ne pas porter la responsabilité d’un licenciement ou d’une rupture conventionnelle, et à économiser les indemnités afférentes. Le gouvernement ne prend décidément pas la mesure de la souffrance au travail des salarié∙es et préfère les contraindre à rester en poste plutôt que de faire pression sur le patronat, directement responsable des conditions de travail dégradées et notamment de fait, des abandons de poste. 

Pour tenter de répondre aux multiples questions de la CGT et des organisations syndicales en commission de consultation (CNNCEFP), le ministère du travail a tenu à préciser les modalités d’application de celui-ci[1], encore plus injustes que dans le décret initialement prévu. 

 Aussi, nous apprenons qu’en cas d’abandon de poste d’un salarié, l’employeur peut faire le choix de maintenir le∙la salarié∙e dans ses effectifs sans lui verser de salaire, ou de mettre en œuvre la procédure de présomption de démission par l’envoi d’une mise en demeure. L’abandon de poste ne produira donc plus les effets d’un licenciement pour faute. C’est-à-dire que dans tous les cas de figure, le∙la salarié∙e ne pourra ni bénéficier des allocations chômage, ni de son salaire.

C’est également l’employeur, via le courrier de mise en demeure, qui fixe la date maximale de reprise du travail (elle ne peut être inférieure à 15 jours) sans quoi le∙la salarié∙e sera considéré∙e comme démissionnaire.

Si le ou la salarié∙e répond au courrier de mise en demeure justifiant son absence par l’un des motifs suivants : raisons médicales, exercice du droit de retrait, exercice du droit de grève, refus du ou de la  salarié∙e d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ou modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, cela fait alors échec à la présomption de démission.

 En revanche, si le ou la salarié∙e n’a pas repris son poste au-delà de ladite date fixée par l’employeur et n’a pas contesté le motif de mise en demeure, l’employeur est tenu de remettre au ou à la  salarié∙e ses documents de fin de contrat : le certificat de travail, le reçu de solde de tout compte ainsi que l’attestation employeur à destination de Pôle Emploi, au titre d’une démission. 

En tout état de cause, l’abandon de poste écartera le salarié de l’indemnisation du chômage pour au moins quatre mois. Aux termes de ce délai, le ou la  salarié∙e aura alors intérêt à invoquer auprès de Pôle Emploi un motif de démission légitime[2]  de manière à ouvrir ses droits au chômage. 

Nos organisations syndicales sont parfois amenées à soutenir des salarié-es isolées en souffrance, n’obtenant pas de rupture conventionnelle, et ne peuvent plus les laisser partir en abandon de poste, en vue d’un licenciement pour faute. Il devient encore plus nécessaire de les accompagner aux Prud’hommes, voire au pénal, pour contester les situations de harcèlement.  

 Après la énième réforme de l’assurance chômage qui réduit la durée maximale des droits de 25% depuis le 1er février, le gouvernement souhaite maintenant maintenir de force les salarié∙es les plus précaires dans des emplois dégradés et en même temps générer de nouvelles économies, de 500 à 800 millions € par an sur les allocations chômage, pour environ 75.000 salarié.es.

Cette mesure va en outre impliquer une démultiplication des contentieux devant les juridictions prudhommales, déjà largement surchargées, puisqu’il s’agit du seul moyen de bloquer la requalification du licenciement en démission. Cependant, la privation des allocations chômage serait immédiate mais la possibilité d’obtenir une annulation de la qualification de l’abandon de poste en démission serait incertaine et dans un délai trop long, même en référé. 

 

[1] https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-rupture-du-contrat-de-travail/article/questions-reponsespresomption-de-demission-en-cas-d-abandon-de-poste

[2] https://www.pole-emploi.fr/candidat/mes-droits-aux-aides-et-allocati/a-chaque-situation-sonallocatio/quelle-est-ma-situation-professi/je-perds-ou-je-quitte-un-emploi/je-veux-demissionner-pour-unmot.html

Repère revendicatif