Actu Emploi n°2 - Décembre 2023

Publié le 16 sep. 2025
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Edito : Le 10 novembre dernier s’est conclu la négociation relative à l’assurance chômage. La CGT n’a pas signé cet accord qui prévoit 2,5 milliards € de baisses de droits pour les privé.e.s d’emploi et 1,5 milliard € de baisses de cotisations patronales. Les signataires dont le MEDEF poursuivent une politique de remise en cause des droits des salarié.es en situation de chômage. Mais le gouvernement n’a pas agréé cet accord déjà régressif, parce qu’il continue d’exiger encore plus d’économies, habillées en critiques de l’inefficacité de la protection sociale. Or la courbe du chômage se retourne déjà et les prévisions économiques de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE) sont moroses. Les signaux de fragilité de l’emploi en France se multiplient : risque d’arrêt de sites industriels historiques comme Valdunes et Flins, banalisation de la plateformisation de l’emploi, concurrence potentielle entre les bénéficiaires du RSA qui seront désormais obligés de travailler 15H/semaine et les autres travailleur.se.s, dépendance économique au secteur fluctuant du tertiaire marchand.
Les chiffres du chômage et les prévisions économiques

Le retournement de la courbe du chômage

 

Comme nous l’avons vu dans l’Actu emploi n°11, pour apprécier le phénomène du chômage deux relevés statistiques sont couramment utilisés : le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) évalué par l’enquête emploi de l’INSEE et le nombre de privé.es d’emploi inscrit.es au service public de l’emploi (Pôle emploi) selon le nombre d’heures d’activité validées dans le mois. D’après ces deux sources, après une relative embellie post-covid, les chiffres du chômage repartent à la hausse en cette fin d’année 2023.

 

Les derniers indicateurs de l'emploi

Enquête emploi INSEE T3/ 2023

Statistiques pôle emploi T3 / 20232

 

Taux de chômage au sens

du BIT

 

7,4%

 

+0.2%

Cat. A (aucune activité)

0.7%

Cat. B (activité < 78H/mois)

+3.1%

Cat. C (activité > 78H/mois)

-2.3%

Cat. A,B,C

+0,2%

 

Le bulletin de l’OFCE du 17 octobre dernier nous annonçait déjà un retournement de la situation de l’emploi pour cette fin d’année avec une hausse du chômage. Pour l’OFCE, les causes de ce retournement sont multiples :

-        La fin des aides exceptionnelles aux entreprises (en gris sur l’histogramme)

 

1https://analyses-propositions.cgt.fr/sites/analyses-propositions.cgt.fr/files/2023-

07/Actu_emploi_Juin_2023_rvLB.pdf

2   Le  dernier  Communiqué  de  Presse  de  la  CGT  sur  les  chiffres  du  chômage  montre  qu’il  touche particulièrement   les   moins   de   25   ans   et   que   l’emploi   en   contrat   court   à   augmenté   de   25% (https://www.cgt.fr/comm-de-presse/chiffres-du-chomage-explosion-des-contrats-courts-le-gouvernement- vise-le-plein-emploi-precaire).

 

-        La reprise normale3 du temps de travail des salariés (en orange sur l’histogramme). En effet, le financement sur denier public des entreprises a contribué à repousser certaines faillites et permis de maintenir l’emploi malgré un niveau de production modéré.

-        De plus il est à noter que la montée des taux d’intérêt finit par amputer la croissance économique (en bleu ciel sur l’histogramme). Les crédits pour les investissements des entreprises ou la consommation des ménages coutent alors de plus en plus chers ce qui pénalise l’activité économique et l’emploi.

-        Enfin cette situation est aggravée par la mise en application de la réforme des retraites qui est entrée  en vigueur en septembre dernier (en bleu marine sur l’histogramme). Elle accroît mécaniquement la population active notamment au bout de la pyramide des âges. Avec la réforme, si une partie de nos aînés reste en emploi une autre ne s’y maintient pas et se retrouve donc au chômage. Ainsi même si la baisse du salaire réel (rapport entre les salaires nominaux  et  l’inflation  des

prix, en jaune sur l’histogramme) permet aux entreprises de jouir d’une meilleure situation financière et de maintenir en emploi leurs salariés, l’OFCE prévoit un taux de chômage à 7.9% pour la fin de l’année 2024. Cette prévision est alors en contradiction avec les objectifs du gouvernement qui vise à faire passer le chômage sous la barre des 5 % d’ici la  fin du quinquennat.

Emploi et territoires

Valdunes : une ineptie sociale et environnementale

 

Valdunes est l’unique producteur de roues et d’essieux pour le ferroviaire sur le territoire français. Il devrait donc être un fournisseur stratégique et incontournable pour le bon fonctionnement de la filière d’excellence que représente le rail français. Or la stratégie d’approvisionnement de l’entreprise publique SNCF a été de se détourner de son fournisseur tricolore qui est passé depuis la reprise en 2014 par le chinois MA Steel de 45 000 roues de train commandées par an à 3 500 aujourd’hui, alors que 60 000 seraient nécessaires pour arriver à l’équilibre budgétaire de cette entreprise. De ce fait l’actionnaire ne réinvestit pas dans l’outil productif et le nombre d’emplois de l’entreprise Valdunes diminue. Aujourd’hui elle emploie 95 salariés sur la forge de Leffrinckoucke près de Dunkerque (Nord) et 245 salariés à Trith-Saint-Léger dans le valenciennois alors qu’elle a salarié jusqu’à 3100 personnes. À l’heure du retour des discours sur l’État stratège pour le développement d’une industrie nationale écologiquement responsable, prôné par Macron, la mise en faillite programmée de cette entreprise par l’Etat et son entreprise du rail (SNCF) semble bien contradictoire. Le dossier Valdunes est actuellement suivi par la Confédération, les fédérations de la Métallurgie et des Cheminots et l’UD du Nord. À notre initiative, une table-ronde a réuni les acteurs du rail français et la Région Hauts-de- France le 19 octobre dernier pour un projet de reprise par ces institutions. Cependant du fait de l’incurie des actionnaires, ce projet n’a malheureusement pas abouti et l’entreprise a été placée en redressement judiciaire le 20 novembre dernier. Le tribunal de commerce estime pourtant qu’un « plan de relance est envisageable ». De plus, le rapport d’expertise sur les perspectives économiques de Valdunes commandité par le ministère démontre aussi la capacité du groupe à dégager des marges à la condition d’investissements conséquents par un repreneur qui s’engage sur du long terme. La bataille continue avec une nouvelle étape décisive le 17 janvier prochain au tribunal de commerce. La CGT continue de peser à tous les niveaux pour assurer un développement pérenne pour les deux sites de Valdunes.

 

 

Usine Renault de Flins : fin de la production d’un véhicule électrique

 

La CGT a organisé un rassemblement devant l’usine Renault de Flins le 15 novembre dernier. Des restructurations inédites sont à l’œuvre faisant peser le risque de suppressions d’emplois. Ce complexe industriel existe depuis 1952. Il s’agit d’un des plus importants sites de construction d’automobiles français qui a produit des véhicules emblématiques tels que la Twingo et la Clio. Au plus fort de son activité dans les années 70, le site employait 20 000 salariés en CDI alors qu’aujourd’hui le site n'emploie plus que 2500 personnes dont 1850 en CDI. Pourtant la Direction se veut optimiste en arrêtant la construction de la Zoé d’ici fin mars 2024 sur ce site pour le dédier au reconditionnement d’anciens véhicules et au recyclage d’ancienne pièce détachée (Refactory)4. Avec ce projet de reconversion, elle se vante de créer 150 emplois d’ici 2026 sans préciser le nombre d’emplois qui devrait être supprimés. On constate pourtant que l’activité de refactory n’a pas eu le succès escompté sur un autre site du groupe à Choisy-Le-Roi dont l’activité est deux fois moindre à celle des projections initiales. Ce projet de transformation de l’appareil productif ne semble donc pas garantir le développement des emplois de demain. À l’heure des engagements bas carbone et de la fin du véhicule thermique, c’est bien l’arrêt de la chaîne de construction d’un véhicule électrique en France qui est programmé par le groupe Renault.

 

Le trajet domicile-travail : Une écrasante majorité de travailleurs dépend d’un véhicule motorisé

 

Le 23 septembre dernier, l’INSEE a publié une étude comparée sur les trajets domicile-travail entre l’Ile-de-France et le reste de la France métropolitaine5. Elle montre que même en Ile-de-France l’utilisation d’un engin motorisé (deux-roues ou voitures) pour aller au travail est légèrement plus répandue que celle des transports en commun. En effet, 45.6% des franciliens utilisent leur véhicule pour aller travailler contre 45.1% pour les transports publics. En comparaison, en province, 83.7% des travailleurs sont dépendants de leur voiture ou deux-roues motorisés pour se rendre sur leur lieu de travail et la moyenne française se situe à 75.3%. Comme le véhicule électrique représente moins de 1% du parc automobile

 

 

 

 

4   Plus  de  détails  sur  le  projet  refactory  de  l’usine  de  Flins :  https://www.renaultgroup.com/news-   onair/actualites/re-factory-le-site-de-flins-entre-dans-le-cercle-de-leconomie-circulaire/

5      https://www.insee.fr/fr/statistiques/7671748

 

 

français6, les travailleurs sont très majoritairement dépendants de l’énergie carbonée et des fluctuations de son prix pour simplement gagner leur vie. Pour lutter contre notre dépendance au carbone tout en réindustrialisant nos territoires, la CGT défend la construction d’un véhicule électrique éco-conçu dont la masse serait limitée et le prix accessible à tous à l’instar du prototype de la start-up  Gazelle-tech présenté en présence de Sophie Binet le 20 octobre dernier à Ford Blanquefort. Pour notre organisation, ce projet démontre qu’associer nos prérogatives sociales et environnementales est possible !

 

Les contours de l’emploi

La loi plein emploi adoptée à l’Assemblée nationale

 

Le 14 novembre 2023, le texte de la loi plein emploi issue de la Commission Mixte Paritaire a été adopté par l’Assemblée nationale. Le compromis trouvé par les députés des deux chambres et adopté ne change pas le fond du texte législatif qui vise à allouer le RSA qu’en contrepartie de 15H minimum de d’activité hebdomadaire de formation ou de travail sans aucuns droits sociaux. Cette réforme fera alors émerger une nouvelle catégorie de travailleur.euses sans droits et concurrente des salariés classiques. Elle s’inscrit dans un contexte de croissance du halo du chômage c’est-à-dire du nombre de personnes en âge de travailler mais considérées comme non immédiatement disponibles. Il s’agit souvent d’une population précaire enchaînant des travaux parfois non déclarés et placée administrativement dans une zone grise entre emploi et inactivité. Cette population représente 2 millions de personnes dont la plupart survivent grâce aux minima sociaux et courent un grave risque de marginalisation sociale. En ce sens, le 6 juillet dernier, la défenseure des droits, Claire Hédon, dans son avis sur le projet de loi7 avait déjà considéré que l’ «obligation d’insertion sociale et professionnelle qui pèse sur les pouvoirs publics », autrement dit l’obligation constitutionnelle de fournir aux personnes pauvres des ressources d’insertion et des « moyens convenables d’existence », au titre de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution n’était pas satisfaite. Cet argument a été retenu pour la construction du recours au Conseil Constitutionnel déposé par la NUPES le 16 novembre dernier. La CGT avec les syndicats de la FSU et Solidaires ont aussi apporté une contribution au Conseil constitutionnel, le 24 novembre dernier pour l’alerter sur les risques graves que fait peser cette loi sur les principes fondamentaux protégeant les travailleur.euse.s, en emploi ou privé.e.s d’emploi.

 

Dialogue   autour   d’une   directive   européenne   sur   les   travailleurs   des plateformes numériques sur fond de mobilisation des livreurs à vélo.

 

La CGT était présente à la réunion de la Confédération Européenne des Syndicats relative aux travailleur.euses des plateformes numériques qui s’est tenue à Madrid les 28 et 29 septembre dernier. Cette réunion a traité du dialogue en cours entre la Commission et le Parlement européen qui doit aboutir à une future directive européenne sur la présomption de salariat de ces travailleurs. La CGT a rapporté auprès des organisations syndicales européennes la situation française. Nous y avons notamment dénoncé le simulacre de négociation entrepris dans le cadre de l’Autorité de Régulation des Plateforme d’Emploi (ARPE) concernant les conditions de travail et de rémunération des livreurs à vélo. Cette négociation a abouti notamment à un système de rémunération qui permet aux plateformes d’imposer des diminutions de revenu en dessous du SMIC ! Encore cet automne, des baisses tarifaires ont été décidées unilatéralement par Uber Eat, Deliveroo et Stuart. C’est tout l’objet de la mobilisation actuelle de milliers de livreurs à vélo qui se sont mis en grève les 2 et 3 décembre dernier.

6         https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-sur-le-parc-automobile-francais-au-    1er-janvier-2021

7          https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=21706

 

Lors de cette réunion européenne, la CGT a également attiré l’attention sur les risques de contournement de la future directive, notamment s’agissant de la présomption de salariat, par des mécanismes juridiques déjà existants et largement encouragés par le Gouvernement : le portage salarial et les coopératives d’activités d’emplois.

In fine, le retour d’expérience de la CGT a permis de lancer des débats importants entre Organisations syndicales (OS) européennes. La ligne politique majoritaire de ces OS s’oriente pour défendre la présomption de salariat au niveau européen !

Du côté des branches

La chute du tertiaire marchand fait peser un risque de déclin sur l’emploi salarié

 

Comme nous l’avons vu dans l’actu emploi n°1, le tertiaire marchand explique grandement les évolutions de l’emploi en France car les autres secteurs sont moins fluctuants. À la sortie de la crise sanitaire, le secteur de l’hôtellerie-restauration a connu une embellie jusqu’au milieu de l’année 2022. Depuis cette
branche a connu un repli considérable qui explique en bonne partie le déclin du tertiaire marchand. Ce repli semble correspondre à l’inflation du niveau général des prix car les dépenses des ménages pour ce poste sont compressibles. Le nombre de personnes en emploi salarié ne croît plus et pourrait même décroître dans les prochains mois.

 

Repère revendicatif