Actu Emploi n°6 - Septembre 2025

Publié le 16 sep. 2025
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EDITO : Ce mois de septembre est marqué par la chute du gouvernement Bayrou. Ce dernier organisait pourtant durant l’été sa politique de rigueur en adressant aux Organisations syndicales et patronales des lettres de cadrage des futures négociations sur l’emploi . Ces éléments envoyés nous demandaient de négocier la diminution de nos droits sociaux (perte de deux jours fériés, monétisation de nos congés payés et nouveau coup de rabot sur l’assurance chômage). Le choix de l’austérité économique est pourtant un choix politique inopportun et dangereux compte tenu des très faibles prévisions de croissance économique et des plans sociaux qui se multiplient en France comme chez nos voisins européens. Dans ce contexte morose, se poursuit le calendrier des négociations, qui devra intégrer les conséquences sociales des politiques libérales menées par les Premiers ministres de Macron, qui se succèdent et se ressemblent.
Les chiffres du chômage et les prévisions économiques

Cet été, la Banque de France a publié ses prévisions macroéconomiques[1]. L’institution bancaire prévoit une croissance annuelle de 0,6 % du PIB pour 2025 avec un taux de chômage qui se maintiendrait à 7,6 % pour la fin de l’année.

 

 

Dans ce contexte de faible croissance, les annonces de politique de rigueur budgétaire font craindre une récession accompagnée d’une remontée du chômage. En effet, la Banque de France précise que la croissance est tirée en particulier par la commande publique. Sans une dégradation de nos finances publiques, précise-t-elle, l’emploi n’aurait pas été aussi résilient. 

Cette faible croissance fait écho à la situation économique et sociale de notre partenaire européen outre-Rhin qui va connaître en 2025 sa troisième année de récession consécutive. Leurs chiffres du chômage sont les pires depuis plus de 10 ans, l’Allemagne vient de passer la barre des 3 millions de demandeu·se·rs d’emploi[2]. Leur économie basée sur les exportations est particulièrement vulnérable aux augmentations des droits de douane et les plans sociaux se multiplient alors dans l’industrie.

Pour un retour de la croissance et des emplois durables en Allemagne comme en France, ce n’est pas une politique d’austérité budgétaire mais au contraire un plan de relance d’ampleur qui serait nécessaire.

 

Emploi et territoires

Focus sur l’affaire Novasco/ Ascometal – 760 emplois menacés !

 

Le 4 septembre dernier, à Hagondange, en Moselle, une marche intersyndicale s’est déroulée pour sauver NovAsco, ex-Ascometal. Cet aciériste qui emploie 760 personnes sur 4 sites en France connaît son quatrième redressement judiciaire en 11 ans.

Cette entreprise installée sur trois autres sites d’usinage et de parachèvement, à Custines (Meurthe-et-Moselle), Saint-Etienne (dans le quartier du Marais) et Leffrinckoucke (Nord) est spécialisée dans la fabrication d’aciers spéciaux pour l’automobile. L’outil de production s’est modernisé avec des fours électriques, ce qui en fait une activité irréprochable sur le plan environnemental et devait diversifier sa production pour l’armement.

Cependant, le 11 août dernier, le Tribunal de Strasbourg a placé l’entreprise en redressement judiciaire. Un an auparavant, le financeur britannique Greybull s’était engagé à refinancer l’appareil productif à hauteur de 90 millions d’€, avec un soutien de 75 millions d’€ de l’État, engagement que le privé n’a pas tenu. En effet, si l’État a bien tenu promesse, le financeur d’outre-Manche n’a quant à lui versé qu’1,5 million d’€ sur les 90 provoquant alors la catastrophe actuelle. La CGT avait pourtant demandé la mise en place d’un comité de surveillance pour vérifier l’engagement du financier mais rien n’a été fait.

L’entreprise avait déjà connu plusieurs revers de spéculateurs financiers. Elle a été victime d’un LBO (leveraged buy-out), opération qui consiste à restructurer une entreprise pour la revaloriser sur les marchés financiers. Cette dernière a mis en très grande difficulté l’entreprise en 2011. Après cet épisode, Frank Supplisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, reconverti dans l’industrie, avait repris le groupe par un montage douteux qui l’a conduit à être mis en examen par le parquet de Nanterre pour plusieurs chefs d’accusation dans le cadre de cette opération (notamment pour abus de biens sociaux et blanchiment en bande organisée de fraude fiscale aggravée). Le dossier judiciaire est toujours en cours.

NovAsco n’a plus que jusqu’au 25 septembre pour trouver un repreneur.

 

Durant la période estivale, la coordination des luttes confédérales a recensé de nombreuses casses industrielles et des batailles syndicales pour y faire face avec notamment les dossiers Novalix (chimie, 93 ; 78 emplois menacés), TetraPak (FILPAC, 21 ; 300 emplois supprimés au terme d’une rude bataille syndicale sur les conditions du PSE), Outinord (métallurgie, 59 ; 126 emplois menacés). L’été a aussi été marqué par la confirmation de la liquidation de l’enseigne Naf Naf conduisant à la suppression de 300 emplois.

 

Les contours de l’emploi

Vers une norme internationale sur les plateformes numériques d’emploi

 

La CIT[1] s’est tenue à Genève du 2 au 13 juin dernier. Dans le cadre de cet événement, une nouvelle commission normative sur le travail décent dans l’économie des plateformes a été ouverte. En effet, le Conseil d'administration de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a inscrit au débat de cette édition 2025 la question du travail de plateforme en vue de l’élaboration d’un instrument normatif à adopter en juin 2026. Les débats se sont éternisés (75 heures de réunion plénière) et ont été plus qu’houleux dans cette commission. En effet, les représentant·e·s des travailleu·se·rs, soutenu·e·s par l’UE, la Norvège, le Danemark, le Mexique, le Canada, la Communauté des Caraïbes, les États d’Afrique, le Chili, l’Australie et le Royaume-Uni ont défendu la création d’un dispositif juridique contraignant au niveau international pour légiférer sur les plateformes numériques d’emploi. Les représentant·e·s employeu·se·rs soutenu·e·s par les États-Unis, les Pays du Golfe, le Japon, la Chine, l’Inde et la Suisse ont quant à eux voulu empêcher toute norme juridique relative à « l’Ubérisation des emplois ». Alors qu’à l’habitude, les décisions s’obtiennent au consensus dans cette instance, fait rare, cette fois-ci, la décision de créer une véritable norme juridique internationale s’est obtenue par un vote. Une convention internationale devrait donc voir le jour l’année prochaine et traiter notamment de la gestion algorithmique des travailleu·se·rs.

 

[1] CIT : Conférence internationale du Travail. Il s’agit de la Conférence annuelle des Nations Unies relative au travail

 

Vers une nouvelle négociation interprofessionnelle sur les contrats précaires

 

Dès cet automne, une nouvelle négociation interprofessionnelle devrait s’amorcer sur la question de la précarité et de l’usage des contrats courts. C’est en somme ce que stipule l’article 1er de la négociation conclusive sur l’avenant bonus/malus du 27 mai 2025 à l’ANI assurance chômage. En effet, durant cette négociation, les OS et les OP se sont penchées sur la diminution de la durée des contrats à durée déterminée et se donnent alors rendez-vous pour négocier des mesures pour y remédier.

En effet, au début des années 90, la part des CDD et de l’intérim (Contrats à Durée Limitée : CDL) pesaient environ 5% de l’emploi total. On a assisté à un doublement de l’usage de ce type de contrat jusqu’au début des années 2000. Si dans les années suivantes, l’usage de ces contrats s’est stabilisé autour de 10%, leur durée s’est rapidement raccourcie. Pour illustrer, la médiane de la durée des CDD est passée de 12 à 5 jours entre 2007 et 2017 (Fauvre et al., 2024 ; P.16). Enfin, en 2024, selon la DARES, la part des CDD de moins d’un mois dans le total des CDD était de 84%.

Espérons que cette future négociation débouche sur des mesures en faveur de l’emploi durable.

Du côté des branches

Emploi « senior » : vers une obligation de négocier dans les branches

 

Cet été, le Sénat a adopté le projet de loi transposant les ANI dits « seniors » et Dialogue social. Le premier accord impose une obligation d’ordre public de négocier sur l’emploi et le travail des salarié·e·s expérimenté·e·s au moins une fois tous les quatre ans dans toutes les branches professionnelles et entreprises de plus de 300 salarié·e·s.

 

Il doit être encore adopté définitivement par l’assemblée nationale fin septembre avant promulgation.

La CGT n’a pas signé cet ANI notamment car plusieurs de nos revendications n’ont pas été obtenues comme :

 

- L’opposabilité de la retraite progressive pour tous les salariés 4 ans avant l’âge légal de leur retraite

- Le temps partiel dès 55 ans.

- L’obligation d’établir une cartographie de la pénibilité et de l’usure professionnelle au niveau des branches pour prévenir les difficultés de l’emploi pour les salarié·e·s les plus âgé·e·s,

- L’obligation de fixer et de respecter des objectifs chiffrés de hausse de recrutement de ces salarié·e·s.

 

Néanmoins, la loi va être promulguée et de nombreuses négociations vont alors s’ouvrir sur ce sujet dans toutes les branches et entreprises de plus de 300 salarié·e·s. Ainsi dans les prochains mois, il faut s’y préparer notamment en déclinant nos revendications confédérales au niveau des branches.

 

 

 

Repère revendicatif