Déréguler le marché du travail pour favoriser l’emploi : une idée de moins en moins consensuelle

Publié le 2 oct. 2020
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mémo éco
Dans un document de travail publié récemment[1], trois chercheurs italiens synthétisent les résultats d’études sur les effets des politiques de dérégulation du marché du travail. Sur les 53 articles retenus par eux, parus entre 1990 et 2019 et concernant une diversité de pays, la très grande majorité – 38 (72 %) – conduisent à rejeter ou ne permettent pas de soutenir l’idée « consensuelle » selon laquelle les législations protectrices de l’emploi auraient un effet négatif en termes de chômage...

Dans un document de travail publié récemment[1], trois chercheurs italiens synthétisent les résultats d’études sur les effets des politiques de dérégulation du marché du travail. Sur les 53 articles retenus par eux, parus entre 1990 et 2019 et concernant une diversité de pays, la très grande majorité – 38 (72 %) – conduisent à rejeter ou ne permettent pas de soutenir l’idée « consensuelle » selon laquelle les législations protectrices de l’emploi auraient un effet négatif en termes de chômage.

Les auteurs soulignent que ces dernières années, les principales institutions soutenant ce « consensus » – le FMI, l’OCDE et la Banque mondiale – ont elles-mêmes « reconnu que les travaux empiriques disponibles ne confirment pas qu’une plus grande flexibilité améliore la performance du marché du travail ». Ils notent aussi « la prolifération de thèses nouvelles » sur la question. En particulier, la flexibilisation de l’emploi serait de plus en plus appréhendée par la communauté scientifique comme une source d’inégalités et non pas de croissance économique. Un nouveau « consensus » serait donc peut-être en train d’émerger.

Les auteurs ne s’interrogent cependant pas sur la signification de ces évolutions. Difficile en effet de croire que les trois institutions précitées seraient en passe de rejoindre le camp des travailleurs...

Notons que dans une grande partie de leur working paper, ils s’assurent de l’inexistence de certains « biais » qui pourraient conduire à mettre en cause leur sélection d’articles. Par exemple, il est établi qu’un projet d’article sera d’autant plus facilement accepté pour publication par une revue académique qu’il est écrit par un auteur renommé (biais d’autorité), qu’il tend à vérifier la thèse dominante (biais de confirmation), etc.[2] N’oublions en effet pas que la recherche est une pratique hautement « communautaire ».

 

 

[1] Cf. Emiliano Brancaccio, Fabiana De Cristofaro, Raffaele Giammetti (2020), « No Consensus In The IMF-OECD 'Consensus' : A Meta-Analysis On The Employment Impact Of Labour Deregulations », Quaderno di ricerca, n° 445, july, Universita Politecnica delle Marche, Dipartimento di Scienze Economiche e Sociali.

[2] Cf. par exemple Serge Larivée, Carole Sénéchal, Zoé Saint-Onge, Mathieu-Robert Sauvé (2019), « Le biais de confirmation en recherche », Revue de psychoéducation, n° 1, vol. 48.

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