Actu Emploi n°3 - Mai 2024

Publié le 16 sep. 2025
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EDITO : Il y a un an le gouvernement Borne mettait en place la contracyclicité de l’indemnisation des privé⋅es d’emploi, c’est-à-dire une règle dont l’objectif prétendu était d’augmenter le niveau de sécurisation de ceux-ci en temps de dégradation de l’activité économique et à l’inverse de la diminuer en cas d’embellie. Alors qu’elle était présentée comme une mesure de bon sens et d’équilibre, elle affaiblit en réalité le droit à l’indemnisation pour toutes et tous. Aujourd’hui, alors que les dernières prévisions économiques se dégradent, le gouvernement souhaite tout de même mettre un nouveau tour de vis sur l’assurance chômage en allant à l’encontre de sa rhétorique d’équilibre prônée un an auparavant. Ces mesures s’apparentent alors davantage à un véritable acharnement contre les privé⋅es d’emplois, nous avons déjà connu plus de 10 réformes sur le sujet depuis 2017 ! Elles apparaissent à un moment où les transformations du marché du travail sont multiples : déclin industriel, transition environnementale et apparition de l’IA générative. Dans ces temps troubles, il est primordial de se mobiliser pour l’emploi et l’indemnisation des personnes qui en sont privées. Car des avancées sont possibles à l’instar de la nouvelle directive européenne sur les travailleurs des plateformes numériques ou de l’accord sur les départs anticipés en retraite de la SNCF.
Les chiffres du chômage et les prévisions économiques

Prévisions de la croissance et de l’emploi 2024 : anatomie d’un déclin
Le 10 avril dernier, l’OFCE publiait sa note de conjoncture économique. Elle nous annonce une croissance diminuée pour l’année 2024 accompagnée d’une remontée du chômage dans le pays.
Selon cette note, le plein emploi1 s’éloignerait avec un taux de chômage qui atteindrait 8.2% à la fin de l’année 2024. La raison principale de ces mauvaises prévisions pour l’emploi est la politique d’austérité budgétaire du gouvernement couplée à la hausse des taux d’intérêt de la Banque Centrale Européenne. En effet, l’OFCE prévoit une croissance plus faible que prévue, fixée désormais à 0,5% pour 2024 en raison de nouvelles coupes budgétaires dans le budget de l’État de 10 Milliards d’euros.2 Celles-ci s’ajoutent à la fin des mesures sur le bouclier tarifaire et des mesures sur l’énergie. Ces coupes budgétaires vont également amputer le taux de croissance d’environ 0.2
point (voir tableau ci- contre) ! Ces mauvaises prévisions de croissance ne pourront dès lors pas absorber l’accroissement de la population active dite « sénior » consécutive à la récente réforme des retraites.

La politique économique de Macron semble alors davantage nous écarter du plein emploi que de nous en rapprocher. L’objectif élyséen de résorption du chômage d’ici la fin du quinquennat paraît alors bien
illusoire. Les stratégies de paupérisation des privés d’emploi n’y changeront rien. Ils ne sont pas des
chômeurs volontaires !


1 Le plein emploi s’entend d’un taux de chômage à 5% !
2 https://www.cgt.fr/dossiers/coupes-budgetaires-de-10-milliards-la-cgt-ditnon#:~:
text=Temps%20de%20lecture%20%3A%202%20min.&text=Alors%20qu'un%20d%C3%A9cret%20publi%
C3%A9,publique%20ce%20mardi%2019%20mars.
 

Emploi et territoires

Valdunes : Un projet de reprise par le groupe Europlasma validé par le Tribunal de
Commerce de Lille.
Une étape déterminante a été franchie le 20 mars dernier : le tribunal de Commerce de Lille a validé
le projet de reprise de l’entreprise de roues et d’essieux de Valdunes. Pour rappel, cette entreprise est
l’unique producteur de roues et d’essieux pour le ferroviaire sur le territoire français. Il devrait donc
être un fournisseur stratégique et incontournable pour le bon fonctionnement de la filière
d’excellence que représente le rail français. Or la stratégie d’approvisionnement de l’entreprise
publique SNCF a été de se détourner de son fournisseur tricolore qui est passé, depuis la reprise en
2014 par le chinois MA Steel, de 45 000 roues de train commandées par an à 3 500 aujourd’hui, alors
que 60 000 seraient nécessaires pour arriver à l’équilibre budgétaire de cette entreprise. De ce fait
l’actionnaire ne réinvestissait pas dans l’outil productif et l’entreprise était menacée de fermeture.
Durant plus de 10 mois, la Confédération, les fédérations de la Métallurgie et des Cheminots et l’UD
du Nord se sont mobilisées avec les salarié⋅es pour défendre un projet de reprise de l’activité sur les
deux sites de production : la forge de Leffrinckoucke près de Dunkerque (95 salarié⋅es) et le site de
Trith-Saint-Léger dans le valenciennois (245 salarié⋅es). Ce projet promet à moyen terme de produire
des roues dites « vertes » dont l’empreinte carbone sera limitée par la construction d’une unité de
production d’énergie à base de combustibles solides de récupération, traités sur place, et d’une ferme
solaire. Le projet exclut la production d’essieux et l’activité en serait réduite. Pour l’instant seuls 60 %
des emplois seraient sauvés. La CGT va poursuivre, aux côtés des salarié⋅es la bataille pour obtenir
qu’un maximum d’entre elles et eux soient réintégré⋅es dès que possible dans ce nouveau projet.

 

Les contours de l’emploi

Directive européenne pour les travailleur⋅ses des plateformes numériques : un coup de
théâtre institutionnel
Lors de la réunion de l’EPSCO3 le 11 mars 2024, la Présidence belge de l’Union européenne a tenté
de parvenir à un ultime accord sur les travailleur⋅ses des plateformes numériques. C’est un véritable
coup de théâtre puisqu’elle est parvenue à obtenir un vote favorable sans le soutien de la France ni
de l’Allemagne, fait extrêmement rare dans le cadre de la gouvernance européenne. Cet accord est
une étape importante pour le statut de ces travailleur⋅ses, son contenu pouvant améliorer leur
situation dans les pays de l’UE :
- Mettre en place des « procédure appropriées et efficace » pour s’assurer de la détermination
correcte du statut d’emploi, dont la mise en oeuvre d’une présomption de salariat ;


3 Réunion des ministres européens de l’emploi et des affaires sociales.

- Mettre à la charge de la plateforme le fait de prouver de manière factuelle qu’elle n’est pas employeur (inversement de la charge de la preuve) ;
- Prévoir des « contrôles et inspections effectifs par les autorités nationales » ;
- Prendre des mesures visant à plus de transparence, notamment sur la gestion algorithmique du travail ;
- Mettre en place un contrôle humain des systèmes de prise de décisions automatisées ; - Prendre « des mesures appropriées pour promouvoir le rôle des partenaires sociaux et encourager l'exercice du droit de négociation collective dans le cadre du travail via une plateforme » ;
Le texte prévoit en outre que la Commission européenne accordera une attention toute particulière à la mise en oeuvre de cette Directive et à sa déclinaison en droit national par les Etats membres. La CGT sera vigilante quant à la transposition de ce texte en droit national. Il est clair que le gouvernement français qui dispose de deux ans pour le faire, attendra le dernier moment pour proposer in fine une version pro-plateforme. Une prochaine réunion de la Conférence européenne des syndicats les 26 et 27 septembre portera sur ce thème. La CGT jouera un rôle important pour cette édition décisive pour ces travailleur⋅ses.
Assurance chômage : Une succession de reculs des droits qui pénalisent la qualité de l’emploi
Ce lundi 22 avril, la Ministre du travail, a annoncé reprendre la main sur la réforme de l’assurance chômage suite à l’absence de volonté des organisations syndicales de réduire les droits des salarié⋅es les plus âgé⋅es lors des dernières négociations dites « Pacte de vie au travail ». Cette intervention du ministère du travail s’ajoute aux annonces de Gabriel Attal qui prévoit un tour de vis supplémentaire sur la durée d’indemnisation des personnes privées d’emploi à l’automne prochain. Ces réformes s’inscrivent dans la succession inédite de 12 réformes de l’assurance chômage depuis 2017 (cf tableau ci-dessous) !
Réformes de l'assurance chômage des gouvernements Macron (2017-2024)
déc-17
Les cotisations chômage sont partiellement supprimées (la part salariale) et le système est financé par un accroissement de la CSG. L’Etat peut alors décider seul de la part de son budget allouée à l’assurance-chômage.
sept-18
Cadrage budgétaire par l'Etat des négociations entre OS et OP
janv-19
Radiations systématiques en cas de manquement d'un rendez-vous avec un conseiller ou de refus de deux offres dites "raisonnables d'emploi"
nov-19
La durée minimale de travail pour ouvrir ses droits est allongée. Le/la privé⋅e d’emploi en demande d'indemnités doit avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois (36 mois pour les plus de 53 ans), contre 4 sur les 18 derniers mois auparavant.
Diminution de l'indemnisation de 30% au-delà de 7 mois pour les hauts revenus (⟩4500€ brut//mois puis seuil passé à 4858€ après la crise Covid).
Élargissement des droits aux démissionnaires (sous condition de 5 ans d'ancienneté + projet reconversion) et aux indépendants.
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oct-21
Nouveau calcul du salaire journalier de référence (SJR) dont la base de calcul est désormais fixée sur un nombre de jours calendaires et non plus sur un nombre de jours effectivement travaillés ce qui défavorise les salarié⋅es précaires dont l'activité est discontinue.
sept-22
Instauration d'un bonus-malus contrats courts qui module le taux de cotisation « patronale » entre 3 % et 5,05 % en fonction du recours aux contrats courts.
févr-23
Réduction de la durée d'indemnisation de 25% si le taux de chômage est inférieur à 9 %, et ne progresse pas de plus de 0,8 point sur un trimestre. In fine la durée d'indemnisation a diminué pour tous les bénéficiaires.
avr-23
Fin de droits au chômage en cas d'abandon de poste
janv-24
Suppression des droits à l’indemnisation chômage pour les salarié⋅es en CDD refusant deux propositions de CDI sur emploi similaire.
juil-24
Possible alignement des règles d’indemnisation des seniors sur le reste des allocataires. Cela entraînerait donc une suppression des dispositifs plus favorables pour l’indemnisation des privé⋅es d’emploi seniors ?
oct-24
Nouvelle réduction de la durée d'indemnisation prévue ?
En février dernier la DARES a publié un rapport provisoire4 pour évaluer les conséquences des différentes réformes de l’assurance chômage sur l’emploi. Ce document révèle que « le relèvement de la condition d’affiliation minimale prive potentiellement les salarié⋅es d’une indemnisation par l’assurance chômage » qui les amènent à « accepter plus systématiquement les offres d’emploi qui leur sont proposées, au détriment de la qualité de l’emploi retrouvé ». Par exemple, le rapport montre que l’effet positif sur le retour à l’emploi pour les + de 25 ans est porté exclusivement par des retours à l’emploi sur des CDD de moins de 2 mois ou intérim. Cette analyse démontre que les politiques de diminution des droits à l’assurance chômage ont des effets délétères sur la qualité de l’emploi et nuit au bon appariement entre demande et offre de travail.

Emploi et transitions

L’IA va-t-elle nous remplacer ?
Le 13 mars dernier, la Commission de l’intelligence artificielle a remis au président de la République, un rapport5 contenant ses recommandations pour faire de la France un acteur majeur de l’IA. Ce rapport analyse notamment les effets de cette technologie sur la quantité et la qualité des emplois disponibles. Le document propose notamment une étude statistique sur les effets de substitution de l’IA au travail ainsi qu’une revue de la littérature scientifique sur ce sujet. Le rapport se veut optimiste, il présente que seuls 5% des emplois seraient directement et complètement menacés par l’IA. Ils se
4 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/rapport-intermediaire-du-comite-devaluation-de-la-reforme-de-lassurance-chomage-initiee#:~:text=Ce%20rapport%20interm%C3%A9diaire%20indique%20que,sur%20la%20qualit%C3%A9%20des%20emplois
5 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/commission-IA.pdf?v=1710339902
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concentreraient principalement dans le marketing et les emplois administratifs alors que les emplois les plus manuels ou relevant d’un « haut niveau d’expertise seraient » davantage protégés (cf : graphique ci-contre). De plus, le rapport fait remarquer que les métiers les plus féminisés sont les plus susceptibles d’être remplacés par cette automatisation des tâches. Ce constat fait alors peser un risque d’accroissement de la précarité féminine relativement à celles des hommes. Il est alors impératif que nous intégrions la problématique de l’IA et des inégalités de genre dans nos syndicats. Aussi, le document montre que si l’IA permet d’ouvrir de nouveaux marchés et donc de nouvelles opportunités d’emploi, il souligne aussi qu’à l’avenir l’IA dite « générative » pourrait se substituer à davantage d’emplois. Il est alors impératif de surveiller son développement dont l’usage est d’abord le résultat de choix humains.
→ Pour aller plus loin sur ce sujet, vous pouvez consulter le n°679 de la revue option de l’UGICT consacré à l’IA : « Travail qualifié : IA-t-il péril ? » qui a fait l’objet d’une journée d’étude le 26 avril dernier.

 

Du côté des branches

Échec d’un accord national interprofessionnel sur l’emploi des salarié⋅es expérimenté⋅es mais des victoires dans les branches
La négociation appelée « nouveau pacte de vie au travail » sur les salarié⋅es les plus expérimenté⋅es n’a pas abouti à un accord avec les organisations patronales (MEDEF et CPME). Seulement deux accords ont été trouvés entre quelques organisations syndicales et l’U2P (5% du patronat)6.
Pour la CGT le fond de la négociation doit reposer sur des départs anticipés pour préserver la santé des salarié⋅es les plus âgé⋅es et leur assurer un départ en retraite dans de bonnes conditions. Compte-tenu de l’impasse des négociations interprofessionnelles sur ce sujet, les revendications doivent maintenant être portées dans les branches. Déjà de bonnes surprises en matière d’aménagements de fin de carrière et de départs anticipés ont été négociées ou sont en bonne voie dans les branches. Tout récemment, un accord conclu à la SNCF prévoit des cessations progressives d’activité de 18 mois pour toutes et tous et jusqu’à 36 mois pour les salarié⋅es les plus exposé⋅

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Repère revendicatif