Fiche Dette 8 - D’où vient la « dette Covid » ?

Publié le 29 mar. 2021
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La dette publique est passée de 98,1% du PIB fin 2019, à 116,4% à la fin du 3ème trimestre 2020 et certainement 120% fin 2020...

La dette publique est passée de 98,1% du PIB fin 2019, à 116,4% à la fin du 3ème trimestre 2020 et certainement 120% fin 2020.

Pourtant, dans son projet de loi de finances 2020, élaboré en 2019, le gouvernement prévoyait un déficit de 2,2% du PIB et une baisse du ratio de dette/PIB. L’immense écart que l’on peut observer entre ces prévisions et la réalité est évidemment dû à la crise sanitaire, d’où l’appellation non officielle de « dette Covid ».

Augmentation du ratio dette/PIB, un effet dénominateur

Comme nous l’avons signalé dans les fiches précédentes, le ratio dette/PIB est sujet à critique et indique assez mal le risque ou non du niveau de la dette publique. Ainsi, en 2020, le PIB a chuté de 6,2%[1] selon l’Insee. Même avec une dette inchangée, le ratio dette/PIB aurait donc fortement augmenté.

Prenons un exemple chiffré :

Fin 2019, la dette était de 98,1% du PIB. Même si en valeur elle n’avait pas augmenté d’un seul centime, le ratio serait passé à 104,6%[2] du PIB fin 2020.

Symétriquement, ce ratio devrait s’améliorer en 2021 même si la dette publique augmente. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2021, le gouvernement prévoit une baisse du ratio de dette/PIB malgré un déficit de 6,7% du PIB.

La preuve, une fois de plus, que ce ratio doit être interprété avec une grande prudence et ne surtout pas être la boussole de nos politiques publiques.

Après avoir indiqué cette précaution à prendre sur l’interprétation de l’augmentation du ratio dette/PIB, il convient de comprendre d’où provient ce déficit supérieur à 10% du PIB[3] qui est l’illustration des stabilisateurs automatiques décrit dans les fiches précédentes.


[1] Le PIB en volume a baissé de 8,2% mais les prix ont augmenté de 2,2% ce qui donne un effet de -6,2% en valeur.

[2] Le PIB de 2020 vaut 93,8% du PIB de 2019, on fait donc 98,1/93,8 = 104,5%

[3] Encore une fois, il s’agit de plus de 10% du PIB de 2020 qui lui-même est inférieur au PIB de 2019.

Une baisse des recettes importante…

Lors de cette crise, comme pour d’autres crises avant, l’État et la Sécurité sociale jouent un rôle d’amortisseur. Cela passe notamment par une forte baisse des cotisations sociales et des recettes fiscales.

Au total, pour la Sécurité Sociale, la perte de recettes était évaluée à près de 40 milliards d’euros selon la LFSS[1] 2021 par rapport aux prévisions du fait du chômage partiel, des exonérations de cotisations ou encore de la baisse du niveau de l’emploi.

Pour ce qui est des recettes de l’Unédic, elles ont chuté pour les mêmes raisons de 10% environ par rapport à 2019, soit près de 4 milliards d’euros.

Les recettes de l’État ont elles aussi mécaniquement baissé comme on l’observe lors de toutes les crises.

Ainsi, par exemple l’impôt sur les sociétés aurait un rendement en baisse de 32% soit 15,5 milliards d’euros en moins. En 2021, cet impôt rapporterait encore 10 milliards de moins par rapport à ce qui était prévu pour 2020. Cela s’explique très simplement par la baisse de résultats des entreprises.

Les pertes de recettes ont également concerné la TVA, la TIPCE[2] et dans une moindre mesure l’impôt sur le revenu.

Au total, les recettes de l’État ont été inférieures de près de 50 milliards en comparaison à ce qui était prévu.

Pour les administrations publiques prises dans leur ensemble (Etat, administrations de Sécurité Sociale et collectivités territoriales) la baisse de recettes s’établit à 100 milliards d’euros ce qui représente plus de 4% du PIB de 2020.


[1] Loi de finances de la Sécurité Sociale

[2] Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

… et une augmentation des dépenses

La crise sanitaire et ses répercussions sur le plan économique ont fait émerger de nouveaux besoins à prendre en charge pour l’État et les administrations publiques ce qui s’est immédiatement traduit par une forte hausse des dépenses.

La crise ayant d’abord un caractère sanitaire, on constate  logiquement une augmentation des besoins en termes de santé. Ainsi, les dépenses de l’assurance maladie ont été supérieures de 12,5 milliards d’euros par rapport aux prévisions, selon le PLFSS 2021.

L’Unédic a eu à assumer une partie du financement de l’activité partielle ainsi qu’une augmentation du nombre de demandeur-se-s d’emplois à indemniser. Cela s’est donc traduit par une très forte augmentation de ses dépenses, environ 13 milliards d’euros en 2020. L’activité partielle et le chômage étant encore assez importants, les dépenses de l’Unédic devraient encore être largement au-dessus des prévisions initiales pour 2021 et 2022, environ 20 milliards d’euros au total de dépenses en plus que ce qui était prévu avant la crise.

Pour ce qui est de l’État, ses dépenses ont été supérieures aux prévisions d’environ 80 milliards d’euros en 2020 du fait des différentes mesures de réponse à la crise.

Parmi ces 80 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour l’État pour l’année 2020, on compte notamment plus de 20 milliards d’euros pour l’activité partielle, 11 milliards pour le fonds de solidarité pour les entreprises, 8,2 milliards de compensation à la Sécurité Sociale des exonérations de cotisations sociales ou encore 3 milliards pour l’apprentissage et l’aide à l’embauche des jeunes.

A cela s’ajoute les plans de relance sectoriels comme pour l’aéronautique et l’automobile.

Les effets de la crise ne concernent pas que 2020 puisque pour l’année 2021, les dépenses budgétées seraient supérieures de près de 50 milliards à ce qui était prévu initialement pour l’année 2020. Concrètement, l’année 2021 marque le début d’application du « plan de relance » qui se matérialise par 22 milliards d’euros supplémentaires pour 2021. En plus de cela, les crédits des ministères ont été rehaussés de près de 17 milliards d’euros par rapport à la période d’avant-crise, pour permettre de faire face aux nouvelles dépenses induites par celle-ci.

Au total, le déficit de l’État en 2020 est passé de 93,1 milliards d’euros selon les prévisions du projet de loi de finances initial à 222,9 milliards d’euros dans le 4ème projet de loi de finances rectificatives. Et le déficit prévu pour 2021 était alors de 152,8 milliards d’euros soit bien plus qu’avant crise.

Conclusion

Nous avons donc vu que la situation sanitaire exceptionnelle avait eu des conséquences exceptionnelles sur les finances publiques.

On peut regretter le fléchage des montants dépensés, essentiellement tournés vers les entreprises sans conditions alors que les plus précaires, fortement touchés par la crise n’ont pour ainsi dire reçu aucune aide. En revanche, on ne peut pas se plaindre que l’État ait ouvert les vannes de la dépense publique. Au contraire, l’État aurait pu et même dû dépenser davantage pour aider notamment les travailleurs précaires et les étudiants, fortement mis en difficulté par la crise.

On remarque d’ailleurs que nos principaux voisins (Allemagne, Espagne et Royaume-Uni) ont apporté une réponse budgétaire beaucoup plus forte à la crise, en % de leur PIB, lorsque l’on cumule les mesures d’urgence et les mesures de relance, comme le souligne le Conseil National de la Productivité[1].

L’État et l’ensemble des administrations publiques ont donc joué leur rôle d’amortisseur en période de crise, notamment auprès des entreprises. Cela explique donc l’augmentation importante de la dette, de près de 300 milliards d’euros.


[1] https://www.strategie.gouv.fr/publications/effets-de-crise-covid-19-productivite-competitivite

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