Fraude à l'activité partielle

Publié le 29 sep. 2020
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Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs millions de salariés ont été placés en activité partielle. La DARES comptait 7,2 millions de salariés en mars, 8,8 millions en avril (soit près de la moitié des salariés du privé), avant que les chiffres ne redescendent, tout en restant au-dessus du million. Face à l’urgence liée au confinement, le Gouvernement a largement assoupli les modalités d’autorisation de placement en activité partielle et le versement des allocations aux entreprises...

Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs millions de salariés ont été placés en activité partielle. La DARES comptait 7,2 millions de salariés en mars, 8,8 millions en avril (soit près de la moitié des salariés du privé), avant que les chiffres ne redescendent, tout en restant au-dessus du million.

Face à l’urgence liée au confinement, le Gouvernement a largement assoupli les modalités d’autorisation de placement en activité partielle et le versement des allocations aux entreprises.

Un rapport parlementaire présenté le 15 septembre 2020 (1) a insisté sur le fait que cette simplification a ouvert la porte à de nombreux types de fraudes de la part des entreprises, et invite à multiplier les contrôles. En juillet, sur 25.000 contrôles, 1.400 ont abouti sur des suspicions de fraude. En septembre, Elisabeth Borne annonçait que près de 400 procédures pénales étaient engagés pour des questions de fraude en lien avec l’activité partielle.

(1) Consulter le rapport fait au nom de la commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales - Site de l'Assemblée Nationale

Les différents types de fraude

Le rapport a identifié les principaux types de fraudes possibles (2) :

 

  • Salarié fictif : l’employeur déclare un salarié fictif pour toucher l’allocation, ou embauche le salarié pour le placer immédiatement en activité partielle avec un salaire important et met fin au contrat avant la fin de la période d’essai.
  • Travail dissimulé : le salarié a continué de travailler alors qu’il était en activité partielle. Si cela concerne le travail en présentiel, il est probable que les entreprises ayant recouru au télétravail soient les plus concernées. C’est-à-dire que l’employeur place ses salariés en activité partielle et leur demande de rester chez eux, mais ils doivent quand même télétravailler.
  • Congé / arrêt maladie : un salarié en congé ne peut pas être en activité partielle, il doit donc être rémunéré normalement et l’employeur ne peut pas toucher d’allocation pour ce salarié. Même chose pour les salariés placés en arrêt maladie.
  • Sous-traitance / intérim :l’employeur place en activité partielle des salariés et a recours à de la sous-traitance ou de l’intérim pour prendre temporairement en charge l’activité normalement réalisée par les salariés.
  • Gonflement des salaires : l’employeur déclare à l’administration des salaires supérieurs à ceux réellement perçus par les salariés pour augmenter l’allocation qu’il perçoit, sans augmenter l’indemnité versée aux salariés.
  • Production de faux documents : cela concerne, par exemple, l’utilisation de faux numéros siret par les sociétés.

 

Au-delà de ces types de fraudes identifiées par le rapport, il pourrait également y avoir le cas où un employeur déclare plus d’heures en activité partielle que celles réellement chômées, ou demande une allocation pour des salariés redéployés sur d’autres tâches, en l’absence de clients par exemple. Il est également possible qu’un employeur déclare le bon taux horaire à l’administration, mais qu’il ne reverse pas la totalité de l’indemnité due aux salariés, en excluant certaines primes du salaire de référence par exemple, ou bien qu’il n’applique pas les dispositions conventionnelles plus favorables aux salariés en matière d’activité partielle.

 

Il ne s’agit là que d’exemples, et d’autres types de fraude peuvent exister dans les entreprises.

 

(2) https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/covid-19-sanctions-contre-les-fraudes-au-chomage-partiel

Les moyens d'action des salariés et de leurs représentants

Une fraude à l’activité partielle signifie qu’une entreprise utilise ce dispositif d’aide pour s’enrichir avec de l’argent public, sur le dos des salariés qui sont amputés d’une partie importante de leurs revenus.

 

Dans les entreprises, les syndicats et les représentants du personnel peuvent donc avoir un rôle à jouer pour alerter l’inspection du travail des cas de fraude à l’activité partielle qu’ils auraient identifiés, avec une vigilance particulière dans les secteurs qui n’ont pas particulièrement été touchés par la crise sanitaire.

 

Au 6 juillet 2020, plus de 1.000 contrôles ont été déclenchés sur signalement effectué par des salariés, des organisations syndicales ou des CSE.

 

Que peuvent faire les représentants du personnel ou syndicaux : 

 

  • Demander à consulter le registre unique du personne, pour voit s'il y a eu des embauches ou des ruptures de contrat pendant la période d'activité partielle, ou du recours à l'intérim.
  • Interroger les salariés, pour savoir s'ils ont dû travailler malgré leur placement en activité partielle. 
  • Poser des questions en CSE : organisation du temps de travail avant et lors de l'activité partielle, demander les plannings, des éléments de nature à justifier la diminution du temps de travail.
  • Alerter l'inspection du travail en cas de suspicion de fraude.

Le rôle des conseils de prud'hommes

Les conseillers prud’hommes pourraient être saisis d’affaires relatives à l’activité partielle. Ces affaires pourraient directement concerner des cas de fraude listés ci-dessus (calcul de l’indemnité versée au salarié par exemple), mais aussi des hypothèses plus larges où le salarié saisirait le conseil pour un motif autre (licenciement par exemple), mais qui amèneraient les conseillers à constater, à la lecture du dossier, l’existence d’une fraude à l’activité partielle.

 

Dans ce cas, l’article 40 du Code de procédure pénale impose aux conseillers d’en informer le Procureur de la République et de lui transmettre tous les renseignements qui y sont relatifs : « … Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

 

Les conseillers prud’hommes doivent s’emparer de cette possibilité pour transmettre tous cas frauduleux dont ils auraient connaissance dans le cadre d’un litige.

Vous trouverez ci-après la note complète à télécharger. 

Repère revendicatif