Méga-bassines, fausse solution mais vraie privatisation de l’eau !

Publié le 2 déc. 2022
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Image Javier-miranda via UNsplash

Cette note vise à donner quelques clés de compréhension du sujet afin de saisir les enjeux et les problématiques posées.

Les 29 et 30 octobre 2022 auront vu une nouvelle mobilisation contre les méga-bassines. Ainsi, environ 7000 personnes se sont rassemblées à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, où un chantier de construction est en cours, à l’appel d’associations et de syndicats dont la l’UD CGT 79.

Le dérèglement climatique accentuant les épisodes de sécheresses, tant sur leur gravité que sur leur fréquence, et par ricochet les périodes de restrictions d’eau, l’agriculture dite « irriguée » a dû s’adapter et met notamment en avant, en particulier par la voix de la FNSEA, les méga-bassines comme la solution « miracle ».

Les méga-bassines, qu’est-ce que c’est ?

Ce sont des ouvrages de stockage de l’eau aux allures de cratères plastifiés. Ces ouvrages hydrauliques imperméables sont remplis par pompage dans les nappes phréatiques (nappes de surface) ou dans les cours d’eau, et non pas par l’eau de pluie qui tomberait sur la surface de l’ouvrage comme soutenu par leurs promoteurs.

Appelées aussi « réserves de substitution », les méga-bassines sont présentées comme des ouvrages qui permettraient de diminuer la pression sur la ressource en eau en « substituant » des pompages de printemps/été par des pompages d’hiver.

Pomper en hiver n’empêche pas de créer une pression sur la ressource. Avec une pluviométrie parfois insuffisante et un rechargement des nappes de plus en plus tardif, la pression exercée par le remplissage des méga-bassines sur la capacité des milieux aquatiques à se renouveler est donc énorme. Or, ce sont d’abord les nappes qui doivent se recharger en hiver afin d’alimenter le réseau hydrographique, renouveler les milieux aquatiques et infiltrer les sols.

La confusion entre méga-bassines et retenues collinaires est parfois délibérément entretenue sur le terrain. Les retenues collinaires sont des ouvrages de plus petite taille, perméables avec le milieu naturel, nécessitant des investissements beaucoup plus faibles et se remplissant avec de l’eau par ruissellement sans système de pompage.

Quelques chiffres

Les méga-bassines sont des structures colossales, d’où leur nom. A titre d’exemple, la bassine en construction à Sainte-Soline et qui était la cible dénoncée par les manifestations du WE du 29 et 30 octobre, possède les caractéristiques suivantes :

Des murs de 8 mètres de haut ;

628 000 m3 de volume utile[1] (soit plus de 167 piscines olympiques), pour un volume total de 720 000 m3

Une surface utilisée de 10,2 hectares, soit plus de 14 terrains de foot.

A terme dans les Deux-Sèvres, ce sont 16 méga-bassines qui seront construites, pour un total de 200 hectares utilisés et environ 5,5 millions de m3.

Il y a une multitude de projets sur le territoire, en particulier dans le centre-ouest de la France, mais également dans les Alpes, où les bassines sont destinées en particulier à la neige de culture pour les sports d’hiver.

Une carte interactive des différents projets et de leurs avancements est disponible ici : http://umap.openstreetmap.fr/fr/map/bassines_779169#6/51.000/2.000

Les méga-bassines ne concernent pas tous les agriculteurs. Ainsi, dans les Deux-Sèvres, seuls 435 sur 847 pourront utiliser ces équipements en échange d’une cotisation à « la Coop de l’eau », la structure privée qui développe ces infrastructures.

En matière de financement, les chiffres sont là-aussi vertigineux : les aides publiques (notamment via les Agences de l’Eau) peuvent ainsi grimper jusqu’à 70% de la facture totale ! Ainsi, dans le cas des Deux-Sèvres ce sont pas moins de 42 millions d’euros de subventions qui vont être versés pour la réalisation des 16 bassines de « la Coop de l’eau », et pour le bénéfice d’une minorité d’exploitations, par ailleurs subventionnées par la Politique Agricole Commune.

Idées reçues sur les méga-bassines

Passons en revue quelques idées reçues au sujet des méga-bassines et régulièrement mises en en avant par leurs promoteurs, FNSEA et Gouvernement en tête :

  • « Les méga-bassines sont remplies grâce à l’eau de pluie » : FAUX.

En effet, entre 8% et 11% du volume sont apportés directement par la pluie, le reste étant pompé dans les nappes phréatiques et/ou les cours d’eau alentours en hiver. On empêche ainsi les réserves de se reconstituer durant les périodes hivernales, avec le risque d’aggraver encore plus les tensions durant l’été.

  • « Les méga-bassines permettent de stocker de l’eau qui de toute façon serait perdue » : FAUX.

En la stockant ainsi, on empêche l’eau de retourner à son cycle naturel, qui ne se limite pas à alimenter l’agriculture irriguée. L’eau s’infiltre dans les nappes phréatiques ou ruisselle dans les cours d’eau, répondant ainsi à divers besoins vitaux (sols, plantes, animaux) des cycles biologiques naturels. De plus, par leur configuration, les pertes par évaporation sont importantes.

  •  « Les méga-bassines sont nécessaires à la souveraineté alimentaire de la France » : FAUX. Ces ouvrages vont en majorité alimenter de grosses exploitations qui servent un modèle principalement exportateur. La souveraineté alimentaire est assurée par une production agricole locale qui nourrit la population d’un territoire donné, et où les ressources sont égalitairement partagées entre les différents utilisateurs, ce qui n’est pas le cas avec les méga-bassines.

En résumé, les méga-bassines :

  • Sont une fausse solution d’adaptation au dérèglement climatique ;
  • Sont conçues pour un modèle agricole (ou touristique dans le cas des Alpes) productiviste intensif, inadapté aux contraintes d’aujourd’hui ;
  • Organisent la privatisation de l’eau au profit d’une minorité ;
  • Accélèrent l’artificialisation des sols ;
  • Mettent en péril le rechargement des réserves naturelles en eau et la survie des cycles naturels qui en découlent ;
  • Accaparent l’argent public au profit, là aussi, d’une minorité.

Les méga-bassines sont en opposition complète avec le modèle de société que nous revendiquons et concourent à la privatisation d’une ressource vitale pour l’ensemble de la planète.

 

Repère revendicatif