Mémo éco - 8,7 Millions d'euros par an, les rémunérations indécentes des dirigeants du CAC 40

Publié le 22 avr. 2022
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Quelques jours après la polémique sur la rémunération indécente de Carlos Tavares, patron de Stellantis (PSA-Fiat Chrysler), la révélation de la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 laisse à penser que Carlos Tavares n’est que l’arbre qui cache la forêt. 

 

8,7 millions d’euros par an en moyenne

En 2021, les dirigeants des sociétés du CAC 40 ont touché en moyenne 8,7 millions d’euros soit 725 000€ par mois. C’est 90% de plus qu’en 2020 où ils (une seule société du CAC est dirigée par une femme) n’avaient touché « que » 4,6 millions d’euros. Leur rémunération avait quelque peu baissé du fait de la crise sanitaire puisqu’ils avaient touché en moyenne 5,4 millions d’euros en 2019. On voit donc que la crise est largement compensée et derrière les dirigeants du CAC 40.

Cela correspond à environ 580 Smic nets annuels. Réunis, les 40 dirigeants du CAC 40 ont donc touché l’équivalent de 23 200 smic nets annuels.

Entre 2009 et 2019, leur rémunération avait déjà cru de 46%. Entre 2009 et 2021 on est désormais à +127%, le Smic lui a augmenté de moins de 20% sur la même période.

Carlos Tavares, un Smic brut annuel par jour

Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, a d’ores et déjà touché pas moins de 19 millions d’euros pour l’année 2021. Cela le place dans le gratin des rémunérations du CAC 40 mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg semble-t-il. En effet, selon le cabinet Proxinvest, sa rémunération au titre de 2021 (Carlos Tavares n’a pas encore touché toute sa rémunération) s’élèverait à 66 millions d’euros si on applique la méthodologie française pour la comptabilisation des rémunérations des dirigeants[1]. Cela représente un Smic brut annuel par jour.

La question de la méthodologie à appliquer se pose puisque Stellantis a installé son siège aux Pays-Bas, paradis fiscal à quelques heures de Paris. En plus des avantages d’un paradis fiscal, la domiciliation de Stellantis aux Pays-Bas a permis à Carlos Tavares de faire fi de l’avis des actionnaires, dont l’Etat français fait partie via BPI France, qui contestaient la politique de rémunération…

Ces rémunérations indécentes seraient le prix à payer pour avoir les meilleurs « capitaines d’industrie » qui « créent de l’emploi ». Argument difficilement défendable quand on sait que les effectifs de PSA en France ont quasiment été divisés par 2 en 15 ans, passant de 70 000 à 40 000 salarié-e-s.

Pire, cette rémunération exceptionnelle est révélée à peine 2 mois après que le groupe Stellantis ait annoncé vouloir supprimer 2600 postes en France.

Pour bien remettre les choses en perspectives, notons que 66 millions d’euros c’est l’équivalent du salaire annuel de 2 600 salariés payés 2 115€ bruts par mois.

Evidemment, il y a également d’autres sources d’argent à mobiliser, à commencer par les plus de 10 milliards d’euros de profits réalisés en 2021.


[1] Si on retient ce chiffre de 66 millions d’euros plutôt que les 19 millions, Carlos Tavares fait augmenter la moyenne des rémunérations de plus d’un million d’euros à lui seul. La moyenne serait donc proche des 10 millions d’euros.

Rémunération variable des dirigeants, ennemis de l’investissement

L’explosion de la rémunération des dirigeants du CAC 40 s’explique par la reprise économique qui a dopé la part variable de la rémunération. En effet, la majeure partie de la rémunération des dirigeants est variable, soumise à la réalisation d’objectifs. Ces objectifs sont principalement financiers, liés aux profits réalisés ou encore au cours de l’action.

Cette politique de rémunération permet aux actionnaires de s’assurer que l’entreprise sera dirigée pour servir leurs intérêts.

Or, la réalisation d’objectifs financiers court-termistes se fait forcément au détriment de l’investissement, de la recherche et du développement. On a pu l’observer notamment avec Sanofi et son incapacité à produire un vaccin dans les temps ou encore dans le retard pris par l’automobile français concernant les véhicules électriques. En effet, dans les deux cas il s’agit de projets nécessitant de forts investissements, qui plombent donc les résultats à court terme et dont les fruits se récoltent à une échéance trop longue pour les fonds de pension ou autres actionnaires spéculateurs.

Une déconnexion totale du quotidien des citoyen-ne-s

Ce quasi doublement des rémunérations des dirigeants du CAC 40 intervient dans un contexte post crise sanitaire qui a vu le nombre de pauvres dépendant de l’aide alimentaire exploser, flirtant avec les 7 millions (soit plus de 10% de la population française) selon le Secours Catholique.

Dans le même temps, des millions de français-e-s se demandent chaque mois comment ils vont pouvoir faire face à l’augmentation des prix, de 4,5% sur un an en mars 2022. La seule réaction du gouvernement étant de conseiller aux plus pauvres d’enfiler un pull et de baisser le chauffage pour faire des économies.

Il est clair que lorsque sa rémunération bondit de 90%, les 4,5% d’inflation ne doivent pas trop se faire sentir.

La nécessaire intervention de l’Etat

L’immense majorité des sociétés du CAC 40, pour ne pas dire toutes, ont été aidées par l’Etat durant la crise sanitaire. Stellantis par exemple, a profité du plan de relance consacré à l’automobile et du chômage partiel notamment.

Même en période dite « normale » l’ensemble de ces sociétés bénéficient d’exonérations de cotisations, de crédit d’impôt ou encore de subventions importantes.

Dernièrement, elles ont pu profiter de la baisse des « impôts de production » pour 10 milliards d’euros par an et de la baisse de l’impôt sur les sociétés pour plus de 10 milliards d’euros par an.

En plus de ça, l’Etat français, via différentes institutions, est un actionnaire important dans de nombreuses sociétés du CAC 40.

On ne peut se résoudre à ce que l’Etat déverse les milliards sans aucune contrepartie et que ces milliards soient dilapidées pour surpayer des dirigeants qui licencient. Il est indispensable de réduire les aides aux entreprises et de les conditionner.

Rappelons-le, si ces dirigeants sont aussi grassement payés, c’est pour leurs services rendus au capital. Ces quelques 350 millions d’euros versés aux dirigeants du CAC 40 ne sont qu’un « pourboire » par rapport aux 70 milliards versés aux actionnaires du CAC 40.

Il est urgent de plafonner les rémunérations de ces dirigeants et d’interdire les objectifs financiers liés aux intérêts des actionnaires, c’est-à-dire contre les travailleur-se-s.

Les richesses doivent aller à ceux qui les créent, à savoir les salarié-e-s de ces entreprises et de leurs sous-traitants. Cela doit passer par des augmentations générales de salaires plutôt que des primes de participation et d’intéressement qui restent à la merci des résultats de l’entreprise qui dépendent eux-mêmes de l’exploitation des travailleur-se-s.

Repère revendicatif