Mémo éco - Commerce de détail - Un poids majeur des grands groupes

Publié le 30 nov. 2020
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 Les discussions sur le commerce tournent principalement autour des TPE (très impactées par la crise). Mais l’image de « grappes » de TPE correspond-elle à la réalité du secteur ? Pas vraiment si on en croit une récente publication de l’INSEE. 9% des entreprises concentrent 80% du chiffre d’affaire Le nombre de salariés dans le secteur du commerce de détail dépendant d’un groupe est important...

 Les discussions sur le commerce tournent principalement autour des TPE (très impactées par la crise). Mais l’image de « grappes » de TPE correspond-elle à la réalité du secteur ? Pas vraiment si on en croit une récente publication de l’INSEE.

9% des entreprises concentrent 80% du chiffre d’affaire

Le nombre de salariés dans le secteur du commerce de détail dépendant d’un groupe est important. D’après une étude de l’INSEE de décembre 2018 [1] il se montait à 1 892 700 salariés en 2016.

Alors que, notamment du fait de la pandémie, la question de l’avenir du commerce de proximité est  revenu en pleine actualité, il est intéressant d’un point de vue social de regarder comment est structuré le salariat de ce secteur.

Il ressort de l’étude de l’INSEE que le commerce est  un secteur à forte concentration.

Le premier enseignement de cette étude est que 9% des unités légales (l’unité légale est une entité juridique qui peut être une entreprise ou un indépendant pour grossir le trait) du commerce concentrent 71% des salariés en ETP et 80% du CA.

L’étude indique : «Bien que très minoritaires en nombre (9 %) face aux sociétés indépendantes, leur poids dans le commerce est pourtant décisif. » 

 

[1] Portrait de groupes dans le commerce. Un poids élevé et une forte spécialisation (décembre 2018)

Concentration de l’emploi dans quelques grands secteurs

Il convient maintenant de voir comment évolue la concentration dans le secteur. Avec 678 000 salariés, les groupes de moins de de 250 salariés représentent 35.82% des salariés. Ce sont 655 200 salariés et 34.62% pour les groupes entre 450 et 4999 salariés et 559 500 salariés et 29.56% pour les groupes de plus de 5000 salariés. Sur l’ensemble du secteur, ce sont les petits groupes qui sont le plus gros pourvoyeur d’emplois.

Si l’on pousse l’analyse par type de commerce, il est notable que 4 types d’activité sur 18 recensés dans l’étude soit 22,22% des secteurs, représentent 57,59 % de l’emploi. Les grandes surfaces alimentaires, 532 000 emplois, les autres commerces de gros 199 900, le commerce et réparation d'automobiles 195 300, l’équipement de la personne 162 800, pour un total de 1 090 000 emplois ETP. Les 11 secteurs qui représentent moins de 100 000 emplois chacun soit 61,61% des secteurs, ne représentent que 384 700 emplois soit 20.33%.

Pour avoir une idée plus précise de l’importance de la concentration dans le secteur du commerce, il convient de regarder plus précisément par type d’activité. Il ressort de cela que sur les 18 secteurs étudiés, les groupes de + de 5000 salariés ne sont présents que dans la moitié (8). Ces 8 secteurs représentent 82,65% du total de l’emploi avec 1 564 500 personnes. Les groupes de plus de 5000 salariés 559 500 personnes soit 35.76%.

Si l’on y regarde de plus près, l’on s’aperçoit de la grande concentration dans certaines activités. Les grandes surfaces alimentaires avec 297 900 salariés concentrent à elles seules 56% des salariés de cette activité, 53.24% des salariés des groupes de plus de 5000 personnes, et 15.74% du total des emplois du commerce. Pareillement, l’équipement de la maison concentre dans les groupes de plus de 5000 personnes 58% des emplois de cette activité. Ces 2 activités à elles seules représentent 69.7% des emplois des groupes de plus de 5000 personnes et 20.6% de l’emploi du commerce.

Les liens internationaux du commerce

D’un point de vue international, les salariés dans le monde dépendants d’un groupe français se trouvent principalement dans 2 pays : le Brésil avec 258 300 salariés, et la Chine avec 222 200 salariés. Avec l’Espagne et ses 80 000 salariés, les trois pays représentent  50% du total des salariés à l’étranger dépendant de groupes commerciaux Français.

Parallèlement pour les  458 600salariés français dépendants de groupes commerciaux étranger  c’est  Allemagne  avec  106 800 qui arrive en tête suivit des USA  73 700, et du Royaume Uni avec 51 000. Cela représente 50.5% du total des salariés travaillant pour des groupes commerciaux étrangers.  

A l’autre bout du spectre  un chiffre montre à nouveau la forte concentration dans ce secteur. L’étude indique que : « 97 % des groupes commerciaux ont moins de 250 salariés, mais 3 % emploient 65 % des salariés. » Elle précise : «une large partie des groupes commerciaux sont petits : 53 % d’entre eux emploient moins de 10 salariés et 97 % moins de 250 salariés. ».

La concentration du secteur : avatar du coût du capital

Ce panorama de la situation pose un certain nombre d’interrogations pour l’avenir, qui syndicalement doivent être prises en compte car elles  concernent non  seulement les salariés du secteur mais aussi les salariés d’autres branches et plus généralement l’ensemble de la population. On peut citer entre autre : 

  • Le poids des groupes commerciaux est de plus en plus important. Cette position prédominante leur donne un avantage énorme dans le cadre des négociations des prix vis-à-vis des fournisseurs.  Les relations  centrales d’achats fournisseurs,  s’apparentent  à la question des relations fournisseurs sous-traitants dans l’industrie avec la possibilité pour les centrales d’achats d’asphyxier pour leur plus grand profit les fournisseurs, qui n’ont que le choix d’accepter les dictats des centrales d’achat, avec les répercussions que cela entraine sur le volume des emplois, les conditions de travail, et de rémunérations des salariés des fournisseurs.
  • Ces grands groupes choisissent les secteurs de leur présence. 9 sur 18 dans l’étude de l’INSEE. Cette présence est décidée  non en fonction des besoins sociaux,  mais de la rentabilité actionnariale. Cela peut amener la disparition de pans entiers du commerce car concentrés sur les activités les plus lucratives, pas forcément les plus essentielles. Cette concentration est donc un nouvel avatar du coût du capital.
  • Cela pourrait entrainer des difficultés pour les débouchés pour tous ceux qui ne peuvent  ou ne veulent pas entrer dans le système des grandes surfaces.
  • Il peut y avoir également de graves répercussions sur l’aménagement du territoire. Ces grands groupes n’ayant que la rentabilité financière comme objectif ils ne s’implanteront que sur des territoires solvables, délaissant les autres, participant ainsi à creuser les fractures entre les différents territoires.
  • Devant cette situation, il faudrait comme pour les autres secteurs introduire des conditionnalités dans les aides et imposer une solidarité avec les TPE. En effets les groupes du commerce sont de gros bénéficiaires d’aides publiques (CICE en tête). Pour pouvoir les percevoir ou bénéficier des exonérations, ces groupes devraient, par exemple, s’engager à reconnaître la qualification et la qualité des emplois via la revalorisation salariale d’abord, à avoir  des relations avec les fournisseurs basées plus dans un cadre de coopération que de rapport de force comme c’est le cas aujourd’hui, et exiger d’eux également de fortes contreparties à l’équilibre des territoires pour leur implantation.

Voilà un vaste chantier qui syndicalement doit être investi car il concerne l’ensemble des salariés tant dans leur emploi que dans leurs conditions de vie.

 

Repère revendicatif