Depuis la résurgence de l’inflation mi-2021, le gouvernement utilisait tous les arguments à sa disposition pour ne pas augmenter les salaires, parmi lesquels l’éventuelle boucle « prix-salaires » qui pourrait en découler. Or, comme on l’écrit depuis un moment à la CGT, l’inflation actuelle n’a rien à voir avec une telle boucle, mais tire sa source des comportements opportunistes de certaines entreprises, consistant à augmenter leurs prix davantage que la hausse des coûts à laquelle ils faisaient face. C’est ce qu’on appelle aussi la boucle « prix-profit », dont l’existence est aujourd’hui confirmée par un ensemble d’institutions économiques comme le FMI…loin d’être orientées à gauche !
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Le point sur l’inflation
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Selon les dernières publications de l'Insee, les prix auraient augmenté de 0,2 % en juin 2023 par rapport à mai et de 4,5 % depuis juin 2022. Si l’on se réfère à l'indice européen harmonisé, légèrement différent, les prix auraient gonflé de 5,3 % pour la France sur un an. Il faut bien le dire : l’inflation est donc encore loin d’être de l’histoire ancienne ; attention à la rhétorique patronale et gouvernementale sur le sujet !
Pour autant, il semble y avoir un ralentissement après l'accélération des prix les mois précédents. Mais ce ralentissement apparent appelle plusieurs commentaires.
D’abord, on reste très au-dessus des 2 % considérés par les traités européens comme un objectif à atteindre : la politique économique et monétaire qui chercherait à s'en rapprocher passerait certainement par une austérité renforcée, impliquant une stagnation voire une récession, avec des conséquences dramatiques sur l’emploi.
Ensuite, en comparant les prix de juin 2023 à ceux de juin 2022, on se réfère notamment à des prix qui étaient extrêmement élevés au printemps de cette année-là. Partant de ce point très haut, les prix de l'énergie baissent de 3% sur un an, ce qui tire l'indice général des prix vers le bas, mais les prix de l'énergie restent à un très haut niveau. Ils sont en effet environ 50% au-dessus de ce qu’ils étaient en 2015 !
Enfin, si l'indice général (l’IPC) semble un peu calmé, il cache une forte variabilité entre les éléments qu’il agrège. Ainsi, les prix de l'alimentation auraient augmenté de 13,6% sur 12 mois, ce qui est insupportable, notamment pour les étudiant∙es et pour les ménages à budgets contraints. D’après certain∙es spécialistes de l’inflation, nous vivons en ce moment-même la plus forte hausse des produits alimentaires de ces quarante dernières années[1] !
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La confirmation d’une boucle « prix-profit »
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Restons encore un moment sur le cas de l’alimentaire, particulièrement éclairant sur les dynamiques à l’œuvre. Comment expliquer que les prix aient continué d’augmenter puis se soient maintenus à un niveau élevé, alors même que le cours des matières premières alimentaires a baissé depuis le pic de l'été 2022 ?
Figure 1 : Évolution du taux de marge de l'industrie agroalimentaire
Parce que les industriels et la grande distribution profitent de ce que l'on s'est « habitué » à des prix élevés pour les maintenir alors que leurs coûts d'approvisionnement ont baissé.
C'est ce qu’on appelle « l'effet cliquet », qui alimente des profits considérables, et qui explique que les taux de marge dans l’alimentaire n’est jamais été aussi hauts !
Une étude très récente du centre d’études prospectives et d'informations internationales (CEPII) permet de compléter l’analyse. D’après les chercheur∙ses, « la coexistence, dans certains secteurs, d’une faible concurrence et d’une exposition de l’ensemble du secteur au choc énergétique a permis à ces entreprises de se coordonner implicitement pour augmenter leurs prix au-delà du choc initial ». Le comportement opportuniste ainsi décrit est précisément ce qu’on appelle une boucle « prix-profit » ! Or, l’industrie alimentaire est loin d’avoir été le seul secteur à pratiquer ainsi. C’est également le cas des transports, ou encore de l’énergie, dont les taux de marge ont littéralement explosé.
En résumé, on peut laisser la parole au FMI, qui reconnaît que la hausse des bénéfices des entreprises a été le principal contributeur à l’inflation en Europe au cours des deux dernières années, les entreprises ayant augmenté leurs prix plus que la flambée des coûts de l’énergie importée. Le diagnostic de la Banque centrale européenne est similaire. Il n'y a nullement en France et en Europe une boucle « prix-salaires » où les revendications d'augmentation des salaires justifieraient une hausse des prix mais bel et bien une « boucle prix-profits » où certaines entreprises, principalement parmi les plus grandes et celles qui opèrent à l'international, alimentent parallèlement l'inflation et leurs marges bénéficiaires.
La vie chère actuellement subie par les consommateur∙rices, notamment les titulaires de revenus modestes et moyens, s'explique donc pour l'essentiel par les marges des industriels et des distributeurs !
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Sans hausse suffisante des salaires, le pouvoir d’achat décroche !
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Figure 2 : Évolution du salaire mensuel de base corrigé de l’inflation