Mémo éco - Programme économique d'E.Macron, dernière sommation avant destruction

Publié le 4 avr. 2022
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 Après avoir distillé quelques annonces ces dernières semaines sur son futur projet, Emmanuel Macron a présenté à la presse ce jeudi 17 mars l’ensemble de son projet. Voici une analyse critique des annonces du président-candidat. Elles annoncent une intensification nette de la guerre sociale que mène Emmanuel Macron.

Suppression de la CVAE 

Dans la continuité du Plan de relance et pour satisfaire les exigences du Medef, le candidat Macron prévoit une suppression de la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), ce qui coûterait environ 7,5 milliards d’euros aux finances publiques, soit plus que l’équivalent du budget annuel du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Cette cotisation ne concerne que les entreprises avec un chiffre d’affaires de plus de 500 000€ ce qui exclut déjà de nombreuses très petites entreprises. Pour une entreprise qui fait un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros, le taux est d’environ 0,15% de la valeur ajoutée. Pour une valeur ajoutée de 500 000€ cela fait donc 750€ ; est-ce vraiment cela qui « plombe » les comptes des entreprises ?

Ce taux monte à 0,75% de la valeur ajoutée pour les entreprises de plus de 50 millions d’euros de chiffres d’affaires. Ce sont donc elles qui profiteraient massivement, une fois de plus, de cette suppression de cotisation.

Baisse des impôts sur les successions

On peut au moins concéder à Emmanuel Macron une certaine cohérence. Après un premier mandat consacré à favoriser l’enrichissement des plus riches, il sollicite un second mandat pour permettre à ces grandes fortunes de transmettre leur patrimoine en échappant encore davantage à l’impôt. En effet, Emmanuel Macron prévoit une augmentation de l’abattement en ligne directe de 50 000€ passant ainsi de 100 à 150 000€.

Comme nous le rappelons dans un article de la Lettre éco de février/mars, un couple avec 2 enfants peut déjà transmettre un patrimoine de 2 millions d’euros sans payer un centime d’impôt. Avec le projet Macron, ce serait 3 millions d’euros. Le candidat dit vouloir « accompagner les gens pour les aider à transmettre les patrimoines modestes » ; quel niveau de déconnexion avec le réel faut-il atteindre pour penser que 3 millions d’euros constitue un « patrimoine modeste »…

Emmanuel Macron ferait mieux de s’appuyer par exemple sur le rapport récent du CAE[1] qui défend plutôt une augmentation des droits de successions, ciblées sur les plus fortunés et une remise en cause des dispositifs d’exonération qui profitent essentiellement aux plus riches. Cela pourrait rapporter une dizaine de milliards d’euros aux finances publiques tout en profitant ou sans pénaliser 99% des héritiers.


[1] Le CAE est le Conseil d’Analyse Economique, organe de réflexion qui conseille le Premier Ministre. Le rapport sur les successions s’intitule Repenser l’héritage

Suppression de la redevance sur l’audiovisuel

Comme cela était pressenti depuis quelques jours, le Président-candidat a confirmé hier vouloir supprimer la redevance sur l’audiovisuel. A l’heure où la concentration des médias est plus forte que jamais, attaquer le service public de l’audiovisuel est d’une profonde gravité.

Aujourd’hui, une poignée de milliardaires dominent l’audiovisuel, ce qui est un véritable problème en matière de démocratie. L’audiovisuel par les milliardaires se fait nécessairement au service des intérêts dominants, et contre les salarié-es.

Cela empêche un débat public de qualité et l’émergence de discours en contradiction avec les intérêts des grandes fortunes (en témoigne l’omniprésence de l’extrême-droite sur la Cnews, chaine détenue par Vincent Bolloré). L’indépendance du service public de l’audiovisuel doit être assuré et renforcé, ce qui suppose de pérenniser ses ressources. On pourrait discuter cela dit de la redevance, qui frappe tous les budgets de la même manière, pour la remplacer par un impôt progressif et faire contribuer bien plus fortement les plus gros patrimoines.

« Je pense que sur une partie des activités les plus régaliennes, il faut considérer que l'Etat doit reprendre du capital », Emmanuel Macron, 17 mars 2022

L’avantage d’utiliser des termes comme « régalien » est que chacun en a une définition différente, et celui qui utilise ce terme se protège d’une accusation de faire des promesses non-tenues par la suite.

En effet, le candidat Macron qui parle d’une reprise du capital de l’Etat dans les activités régaliennes est le même que le Président de la République qui a privatisé la FDJ et ouvert la voie à des cessions du capital d’Engie et d’Aéroports de Paris. Doit-on penser que les activités de ces entreprises ne relèvent pas assez du « régalien » pour lui ?

Evidemment l’Etat doit reprendre toute sa place dans ces grandes entreprises, ainsi qu’EDF comme évoqué par Emmanuel Macron. Cependant difficile de croire les promesses d’un candidat qui en tant que Président a fait tout l’inverse et a multiplié les dizaines de milliards d’euros dans les plans de relance[1] sans que ces milliards ne soient injectés comme des capitaux propres redonnant à l’Etat une part plus importante au capital de ces entreprises. Dans le cas d’EDF, le projet de démembrement, en faisant éclater les différentes activités est toujours d’actualité. Autrement dit, l’Etat n’agira encore que comme « assureur » du capital, et certainement pas dans un objectif de planification énergétique.


[1] Mémo éco - Les plans de « Relance » se suivent et se ressemblent

Prestations « à la source » et RSA sous conditions « d’activité »

Le candidat de La République En Marche a annoncé vouloir verser les prestations sociales « à la source » pour simplifier les démarches. Si la méthode reste floue, cela est présenté comme un élément de réponse pour lutter contre le non-recours aux prestations sociales dont l’ampleur (34% de non-recours) a été rappelée par la Drees dans un rapport sorti il y a quelques jours.

Par ailleurs, il faut souligner qu’une partie de ce non-recours s’explique aussi par la stigmatisation des bénéficiaires des minimas sociaux, stigmatisation à laquelle E. Macron a largement contribué pendant son premier mandat, et qu’il compte bien prolonger. Il a proposé hier de conditionner le RSA à « 15 à 20h d’activité par semaine ».

L’idée est de culpabiliser les bénéficiaires du RSA en laissant penser qu’ils sont dans cette situation car ils ne font rien pour en sortir. Cela permet aussi de déresponsabiliser les pouvoirs publics et les employeurs. Comment croire que le problème est le manque de « volonté d’insertion », quand il y a 13 fois plus de privé-es d’emploi que d’emplois vacants ?

Sur « l’activité » des bénéficiaires du RSA, elle devrait selon le projet être dédiée à des actions « facilitant l’insertion ». Si le candidat fait référence à l’accompagnement avec les services sociaux, il faut rappeler que le RSA remplit mal sa fonction d’insertion avant tout par manque de personnels pour accompagner les bénéficiaires et non faute de motivation de leur part. Bizarrement, rien n’a été annoncé en matière d’embauches pour mieux accompagner les personnes au RSA.

On peut aussi penser que ce temps « d’activité » sera consacré à des tâches pour la collectivité ou bien pour des entreprises. Dans ce cas-là, cela signifie qu’il y a bien des besoins à combler mais sans la volonté d’embaucher ; il s’agit donc de profiter de la misère des gens pour obtenir de la main d’œuvre à moindre coût.

Emmanuel Macron invente un mi-temps payé 565€

De façon générale, cet acharnement sur les bénéficiaires de minima sociaux a pour but de leur rendre la vie la plus compliquée possible pour les forcer à accepter ensuite n’importe quel emploi et ainsi faire pression sur les salaires et les conditions de travail.

Au contraire, il faut revaloriser les minimas sociaux pour sortir leurs bénéficiaires de la grande pauvreté et mettre les moyens pour un véritable service public d’accompagnement sans culpabilisation. Au lieu de diminuer les impôts de production, on pourrait à la place doubler le RSA, pour pratiquement la même dépense. Il faut également réduire le temps de travail pour partager le travail et offrir des perspectives d’emplois pour toutes et tous.

Enfin, c’est sans doute le retour masqué du « Revenu Universel d’Activité » ; on peut penser que « France Travail » peut devenir un hybride chômage / assistance (ce qui serait cohérent avec l’étatisation de l’assurance chômage). Un « big bang » de notre sécurité sociale ; cela a toujours été le projet des gouvernements depuis une trentaine d’années.

Salaires des enseignants

Emmanuel Macron est revenu sur la question du salaire des enseignants en estimant qu’il était « difficile » de les augmenter s’ils ne faisaient pas « plus d’efforts ». Pour rappel, comme pour tous les fonctionnaires, le point d’indice qui sert à calculer la rémunération des enseignants a été augmenté de 1,2% en 11 ans et demi.

Le salaire réel (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) des enseignants et de l’ensemble des fonctionnaires a donc baissé de près de 15% en 11 ans. S’il relie le salaire à l’effort, le Président-candidat estime donc que les enseignant-e-s et autres fonctionnaires font aujourd’hui 15% d’efforts en moins qu’en 2010 ?

Emmanuel Macron souhaite individualiser les augmentations de salaires et les conditionner à la signature d’un nouveau contrat dans lesquels les enseignant-e-s s’engageraient notamment à « un suivi plus personnalisé des élèves » et « des remplacements systématiques et pas seulement théoriques des professeurs absents ». L’idée est de demander aux enseignant-e-s de combler toutes les failles du système éducatif via des heures supplémentaires pour ne pas embaucher des personnels supplémentaires. Le Président tient donc les enseignants pour responsables du manque de moyens qui a conduit à des remplacements non assurés et des classes à 35 élèves faute de personnels suffisants qui rendent effectivement compliqué le suivi individualisé.

Le Ministre Blanquer est lui épargné de ce triste bilan, dont il est pourtant largement responsable, comme Macron.

Le candidat souhaite introduire une rémunération individualisée, « au mérite » et à la discrétion des directeur-rice-s d’établissements. C’est tout simplement une remise en cause du statut de la fonction publique et une mise en concurrence des enseignants entre eux puisqu’évidemment la masse salariale des établissements ne serait pas extensive, le chef d’établissement limiterait donc les augmentations aux « plus méritant-e-s ». Macron veut probablement imposer dans le primaire et secondaire ce qui a été réussi dans l’enseignement supérieur ; faire exploser les statuts, et réduire les moyens.

Les réponses à apporter sont pourtant simples pour redonner de l’attractivité au métier d’enseignant et pour améliorer la qualité du service public d’enseignement. Le dégel du point d’indice et le rattrapage de la décennie de gel, et ce tout de suite, sans chantage à la réélection. De plus il faut procéder à des embauches massives pour permettre des ouvertures de classes et un suivi des élèves plus individualisé comme semble s’en préoccuper Emmanuel Macron. Cela n’a jamais été une question de moyens, mais de choix politiques ; nous ne cesserons de le répéter.

Retraites à 65 ans

Cette mesure avait été annoncée la semaine dernière. Faute d’avoir pu détruire notre système de retraites comme il l’entendait, Emmanuel Macron veut se rattraper lors d’un éventuel deuxième mandat pour faire une réforme « paramétrique » majeure en augmentant l’âge de départ à la retraite à 65 ans.

Il y a évidemment trop de critiques à faire à cette mesure pour les exposer exhaustivement ici. On se contentera donc de rappeler qu’une telle réforme n’a aucune justification économique. Au contraire, cela risque de faire peser de nouvelles contraintes sur l’emploi des jeunes et d’augmenter le chômage qui les touche.

De plus, aujourd’hui seule une personne sur deux est encore en emploi lorsqu’elle liquide ses droits à la retraite, qu’en serait-il avec une retraite à 65 ans ? Cela ne ferait qu’augmenter la précarité des plus jeunes et des travailleur-se-s les plus âgé-e-s.

Rien n’oblige à faire des économies sur les dépenses de retraites. Simplement, Emmanuel Macron part du principe que les dépenses de retraites ne peuvent pas augmenter puisque cela impliquerait une augmentation du taux de cotisations retraites pour les entreprises ; c’est pourtant une solution envisageable qui permettrait un retour de la retraite à 60 ans (voir Lettre éco février / mars à paraître).

Triplement de la « prime Macron »

Le triplement de la « prime Macron » fait également partie du programme du candidat à sa propre succession. Il s’agit pour le moment d’une prime qui peut être versée par les entreprises (sans aucune obligation) et qui peut s’élever jusqu’à 2 000€ par an. Le projet est donc d’augmenter le plafond jusqu’à 6 000€.

Cette prime pose problème pour différentes raisons comme nous l’avions rappelé l’an dernier[1] au moment de la reconduction du dispositif. Pour résumer simplement, cette prime est exonérée de toutes cotisations et ne permet donc pas d’obtenir de droits sociaux pour la retraite, le chômage, etc. et elle est utilisée par les entreprises comme une substitution aux augmentations de salaires comme l’a montré l’Insee. L’objectif est simple, acheter la paix sociale à moindre coût et sans s’engager pour le futur. Cela permet notamment de faire de la rémunération des salariés une variable d’ajustement avec une énième prime versée seulement « si tout va bien ». Une prime pouvant aller jusqu’à 6 000€ sans aucune cotisation, cela permettait également au patronat de signer la fin des 13ème mois (voire 14ème mois) socialisés.

Rien ne peut remplacer les augmentations de salaire de base !

Après avoir passé un quinquennat à détruire les services publics et fragilisé le camp du travail au profit du capital, Emmanuel Macron sollicite un second mandat pour parachever son œuvre de destruction. C’est la guerre sociale qui nous est promis. Le programme, plus destructeur encore qu’en 2017, est la preuve qu’E.Macron se sent en confiance, qu’il estime ne pas avoir d’opposition forte. Il nous appartiendra de lui donner tort et se préparer dès aujourd’hui aux nombreuses luttes à venir.

Repère revendicatif