Mémo Sécu n°10 : L’accueil de la petite enfance en France : du collectif, de l’individuel et surtout de la pénurie.

Publié le 22 mai. 2023
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Le sujet est vaste et la situation très préoccupante. L’accueil de la petite enfance fait face ces dernières années à des pénuries massives de travailleurs et travailleuses et à une dégradation importante des conditions de travail dans le secteur.

La branche famille de la sécurité sociale est le principal financeur de l’accueil de la petite enfance qu’il soit collectif, en finançant les investissements et le fonctionnement des structures, ou individuel, en versant aux familles le complément de mode garde (CMG) et aux assistantes maternelles des aides spécifiques.

Le récent rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) a remis en lumière les graves problèmes de ce secteur : manque important de personnel qui induit des situations de maltraitances, faible rémunération des personnels du secteur, développement massif du secteur marchand qui privilégie la rentabilité à la réponse aux besoins des enfants et des parents et enfin baisse de la qualité de l’accueil des jeunes enfants…

Ce nouveau mémo Sécu revient sur les évolutions récentes de l’accueil de la petite enfance en France en présentant les différents modes d’accueil existant et en rappelant surtout la situation très dégradée des professionnelles de la petite enfance et du secteur en général, qu’elles soient salariées dans des structures d’accueil ou indépendantes et exerçant comme assistantes maternelles ou parentales…

Les points importants à retenir
  • Il existe des modes d’accueil collectif ou individuel, public ou privé. Les travailleurs et travailleuses de la petite enfance peuvent être salariées ou indépendantes.
  • En 2022, près de 50% des Etablissements d’Accueil du Jeune Enfant (EAJE) déclaraient un manque de personnel ;
  • 35% des parents souhaiteraient pouvoir mettre leurs enfants à la crèche tandis qu’ils ne sont que 18% à le faire faute de place ou pour des questions financières.
  • Le nombre de place d’accueil formel tend à diminuer depuis 2016. Depuis 2020, le taux de couverture baisse aussi. Le nombre de places baisse donc plus vite que le nombre d’enfants de moins de 3 ans.
Précarisation de l’accueil individuel et délitement de l’accueil collectif

La structure de l’accueil formel de la petite enfance est relativement complexe. Il est néanmoins possible de la diviser en deux grandes catégories :

  • D’un côté l’accueil collectif qui correspond aux EAJE pour Etablissements d’Accueil du Jeune Enfant c’est-à-dire les structures agrées par les services des Protections Maternelles Infantiles (PMI) des départements pour accueillir des enfants de moins de 6 ans.
  • De l’autre, l’accueil individuel qui renvoie couramment aux assistantes maternelles qui elles sont agrées par les services de la PMI des départements pour accueillir généralement des enfants de moins de 6 ans. Le type d’agrément varie selon les assistantes maternelles et modifie le profil des enfants qui peuvent être accueilli par celle-ci, à domicile ou dans des structures dédiées (MAM).

Au-delà de cette distinction, l’accueil peut être effectué par des structures publiques, privées lucratif ou non lucratif comme des associations. Enfin, selon le type de structure d’accueil, les professionnelles peuvent être salariées ou indépendantes à l’image des assistantes maternelles dans leur grande majorité ou des auxiliaires parentaux (garde à domicile).

En 2023, la situation de l’accueil de la petite enfance en France est extrêmement inquiétante. Le rapport de l’IGAS paru très récemment alerte sur la dégradation importante de la qualité d’accueil collectif marchand et de l’accueil collectif en général, et révèle qu’il existe de nombreuses situations de maltraitance institutionnelle dans ces structures. Si les enfants sont les premières victimes, les personnels de ces structures, à l’image du scandale ORPEA, sont mises en situation de devenir maltraitante du fait du manque de moyen et de personnel et de la pression à la rentabilité.

En 2022, près de 50% des Etablissements d’Accueil du Jeune Enfant (EAJE) déclaraient un manque de personnel auprès des enfants avec des disparités très fortes selon les territoires variant de 1 à 9. Au minimum, il y aurait 8.5% d’effectifs manquants dans ces structures. Enfin, les dérèglementations législatives et réglementaires mises en œuvre ces dernières années ont participé aussi à cette forte dégradation.

Concernant l’accueil individuel, la situation n’est pas meilleure puisque leur nombre diminue depuis 2014 avec une baisse de près de 5% des effectifs ne serait-ce que sur la période 2018/2019 et un vieillissement important de la population des assistantes maternelles.

Le nombre de place d’accueil formel tend à diminuer depuis 2016 même si le taux de couverture continuait d’augmenter. Depuis 2020, le taux de couverture baisse aussi. En somme, aujourd’hui, le nombre de place disponibles diminue plus vite que le nombre d’enfants de moins de 3 ans.

Gérer la pénurie par le bas : privilégier l’individuel contre le collectif

Face aux pénuries programmées de personnels pour les EAJE ou d’assistantes maternelles, le gouvernement actuel à fait le choix de l’accueil individuel sans pour autant donner les moyens d’une amélioration des conditions de rémunération et de travail de celle-ci. Pour rappel, selon le rapport du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, le salaire horaire net moyen par enfant accueilli était de 3,6€ en 2020 pour une assistante maternelle.

A défaut de développer un accueil collectif pour tous les enfants, permettant une amélioration des conditions d’emploi et de travail des personnels de la petite enfance, le gouvernement a soutenu l’augmentation du complément mode de garde (CMG) dans le PLFSS 2023, permettant d’aligner le reste à charge pour les parents de l’accueil individuel sur l’accueil collectif et en privilégiant le développement de structures privées comme les Maisons d’Assistantes Maternelles (MAM).

L’objectif affiché est bien un désengagement de l’état de l’accueil de la petite enfance et une montée en charge du secteur privé, lucratif ou non. C’est donc en privilégiant la précarité que le gouvernement souhaite résoudre le problème de l’accueil des enfants de moins de 3 ans. Et pour cause, les assistantes maternelles sont obligées d’accueillir un nombre important d’enfants et de subir un allongement de la durée hebdomadaire qui atteint près de 42 heures en moyenne pour percevoir une rémunération proche du SMIC.

Pourtant, c’est bien l’accueil collectif que les parents privilégient. En effet :

  • 35% des parents souhaiteraient pouvoir mettre leurs enfants à la crèche qu’ils ne sont que 18% à le faire faute de place ou pour des questions financières.
  • Pour 3 enfants sur 10, le mode d’accueil réel ne correspond pas au mode d’accueil souhaité.

Aujourd’hui, l’accueil de la petite enfance fait donc face à de très nombreuses problématiques :

  • Pénuries de personnel et trop faibles rémunérations ;
  • Dégradation de la qualité d’accueil ;
  • Impossibilité du recours à un accueil formel pour des raisons de places ou des raisons financières ;
  • Remise en cause de l’accueil collectif ;
  • Inadéquation entre accueil souhaité par les parents et accueil réel des enfants de moins de 3 ans.
Face à cette situation, seule la mise en place d’un réel service public d’accueil de la petite enfance, sur les bases d’une salarisation des personnels, du développement de l’accueil collectif et l’arrêt du financement du secteur marchand pourrait permettre une amélioration des conditions d’accueil des enfants de moins de 3 ans.

 

 

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