Mémo Sécu n°13 : Comprendre la place du handicap dans les politiques publiques

Publié le 30 aoû. 2023
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Lorsque l’on parle de handicap, de quoi parle-t-on ? « Est considéré.e en situation de handicap ou en perte d’autonomie, toute personne qui du fait de limitations des capacités motrices, mentales, psychiques ou encore sensorielles rencontre alors des obstacles, des empêchements dans la vie quotidienne, que ce soit pour le travail, pour l’école, pour la participation à la vie citoyenne et politique et pour l’accessibilité en général ».

En France, dans le cadre des politiques publiques actuelles, cette approche de la perte d’autonomie concerne principalement deux populations :

  • Les personnes dites « âgées » : Pour celles-ci, c’est le vieillissement qui cause l’usure mentale et physique des personnes. Aussi, les maladies liées au « grand âge » entraînent très souvent une perte d’autonomie et une modification des besoins de la personne. Pour cette population, la question des Ehpad, des soins à domicile et de la qualité de service est centrale ;
  • Les personnes en situation de handicap (scolarisées ou actives) : Cette catégorie recouvre une population très large. Entre les problématiques de l’insertion, du maintien dans l’emploi, du droit à la formation, à la scolarité, de l’accessibilité universelle, des accidents de travail et des maladies professionnelles, on trouve une pluralité d’institutions, d’organismes, de droits, de prestations et de dispositifs pour compenser la perte d’autonomie survenue à la naissance, au cours de la vie ou encore au travail.

Ce nouveau mémo Sécu est l’occasion de clarifier l’emploi de la notion de handicap, le champ et la population quelle recouvre.

Les points importants à retenir

  • Création de l’Etat de la « 5ème branche Autonomie » qui détourne les principes de la Sécurité sociale et acte un financement par l’impôt et non par la cotisation sociale des prestations liées à la perte d’autonomie ;
  • Au sein des politiques publiques, les questions de handicap et de la perte d’autonomie répondent à des critères d’âge et d’administration variés, peu efficaces et illogiques ;
  • Plutôt qu’une 5ème branche autonomie, la CGT défend la création d’un Service Public d’Aide à l’Autonomie, porté par la Sécurité sociale ;
  • Le taux moyen d’emploi des travailleur∙ses handicapé∙es est de 3,5% pour le secteur privé et de 5,48% pour le secteur public contre 6% légalement.
Une grande diversité des situations de handicap

La France ne compte pas moins de 2,7 millions de personnes titulaires d’une reconnaissance administrative de leur handicap (RQTH), étant entendu que 80% des handicaps sont invisibles. Selon l’INSEE, c’est plus de 8,7% des 15 à 59 ans qui seraient en situation de handicap. En 2022, 14% des travailleur∙ses handicapé∙es subissent la privation d’emploi, contre 8% pour l’ensemble des actifs. Ces travailleur∙ses sont plus souvent en chômage de longue durée : 63% contre 51% de l’ensemble des privé∙es d’emploi.

En France, tout employeur de 20 salarié∙es et plus doit employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l'effectif total (loi de 1987). En cas de non-respect, l’employeur privé verse une contribution annuelle à l’Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des personnes Handicapées (AGEFIPH) et ou à son équivalent pour les employeurs publics, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP).

  • En 2022, le taux moyen d’emploi des travailleur∙ses handicapé∙es est de 3,5% pour le secteur privé et de 5,48% pour le secteur public.
La 5ème branche Autonomie de la Sécu : vrai problème, fausse solution !

Avec la création de la « 5ème branche », la réponse aux besoins a été mise sous contrôle de l’Etat. Actée par la loi du 6 août 2020, la « 5ème branche » :

  • Est financée par l’impôt à 90% (CSG, CASA) contrairement à la Sécurité sociale, historiquement financée par la cotisation sociale ;
  • Son pilotage se fait par la Caisse Nationale de Solidarité à l’Autonomie (CNSA) dans laquelle ne siègent que 6 représentant∙es syndicaux∙les sur 56 membres. Nous sommes très loin des 13 membres d’organisations syndicales sur 35 membres à la CNAM par exemple.

 

Pour ces raisons, la CGT considère cette « 5ème branche » comme un Cheval de Troie : l’existence de cette branche acte une gouvernance sans les syndicats et un financement par l’impôt et non par la cotisation sociale, remettant en cause ce qui fonde la Sécurité sociale, la démocratie sociale.

 

Le casse-tête du handicap dans les politiques publiques

Les droits et prestations liés à la perte d’autonomie et au handicap sont éclatés, provoquant une réelle complexité administrative. Par exemple, deux prestations sont prévues pour aider financièrement aux dépenses nécessaires à la compensation de la perte d’autonomie :

  • La Prestation de Compensation du Handicap (PCH), qui est délivrée par le département grâce au financement de la CNSA via un dossier validé par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) ;
  • L’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) qui est délivrée et versée par le département de résidence du.de la demandeur.se.

 

La question des critères n’est pas la seule difficulté pour comprendre la prise en compte du handicap dans les politiques sociales en France. L’organisme décideur et l’organisme de versement d’un droit ou d’une aide peuvent aussi être différents. Par exemple, l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) est attribuée par la MDPH, puis versée par les Caisses d’Allocations Familiales (CAF) via un financement intégral par l’Etat.

Quel critère différent d’attribution pour ces deux prestations ? à L’âge, la PCH étant destinée aux moins de 60 ans, l’APA aux plus de 60 ans. Pour un même besoin, il existe donc deux prestations et deux circuits administratifs distincts qui créent de la précarité à l’âge charnière de 60 ans.

 

L’exemple du remboursement des fauteuils roulants

En 2019, on dénombrait plus d’un million d’usager∙es de fauteuils roulants en France. Le financement d’un fauteuil roulant est remboursé usuellement à 60% par l’Assurance maladie, remboursement qui passe à 100% si l’achat est en lien avec une Affection Longue Durée (ALD) ou une invalidité. Ainsi, sur la période allant de 2012 à 2019 :

  • Via l’Assurance maladie, un∙e usager∙e de fauteuil roulant sur deux a vu cette dépense remboursée à 100% par l’Assurance Maladie, pour un remboursement allant de 350 à 960 euros pour les fauteuils manuels sans option et de 2 700 à 5 200 euros pour les fauteuils électriques ;
  • Via la CNSA (qui intervient quand le prix du fauteuil est supérieur aux tarifs Sécu ou pour des fauteuils particuliers), la PCH peut être mobilisée pour l’achat d’un fauteuil roulant, dans le cadre du financement de l’aide technique. Cette PCH permet un droit ouvert sur dix ans, plafonné à 13 200 euros, cela pour l’ensemble des aides techniques que pourra demander l’usager pendant cette période. De fait, utiliser les financements de la PCH dans ce cadre peut empêcher le financement de besoins futurs, par exemple des travaux d’aménagements du domicile.

 

Bien que le remboursement par l’Assurance maladie ne soit pas encore parfait, la comparaison avec la CNSA est criante : utiliser la PCH vient sabrer un « panier » d’offres et de financements limités, là où le remboursement intégral via l’Assurance maladie est un droit pouvant, dans la majorité des cas, assurer un remboursement à 100%.

Face à cette complexité, la CGT revendique la création d'un Service Public de l’Aide à l'Autonomie intégrant l’ensemble des structures et des personnels concernés, que ce soit à domicile ou en établissement. Le service public serait chargé d’offrir à toutes les personnes en perte d’autonomie un service de proximité, dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire et à la hauteur des besoins. Le service public de l'autonomie doit être assuré par la Sécurité sociale, au sein de la branche maladie et financé par la cotisation sociale.

 

Repère revendicatif