
Les politiques menées depuis l’instauration des lois de Financement de la Sécurité sociale (LFSS) en 1996, ont imposé un critère financier et d’efficacité économique à l’ensemble de la Sécurité sociale et particulièrement aux caisses de Sécurité sociale. Les métiers, l’organisation du travail et la logique de réponse aux besoins ont été au fur et mesure attaqués, démantelés et parfois détruits.
La qualité du service public délivré par ces caisses n’a fait que se dégrader depuis ces années. Non pas du fait d’une supposée incompétente a priori du service public, ou des agents et contractuels qui y exercent, mais plutôt sous l’action conjointe de ces contraintes financières, via le développement du new public management dans les années 2000 et in fine de transformations profondes imposées à l’Etat.
En 2024, la Cour des comptes, dans l’un de ses nombreux rapports, a mis en lumière une dégradation des indicateurs de qualité dans les trois branches concernées par son analyse : Famille, Maladie et Vieillesse. Cette tendance est particulièrement marquée au sein de la branche Famille.
Ce rapport pointe aussi une mutation profonde de la Sécurité sociale part la remise en cause des guichets d’accueil physique : pour la branche famille, ils ont été divisés par 2,5 entre 2014 et 2022.
Le PLFSS 2025 ne proposait pas de solutions à ce problème, le gouvernement nouvellement nommé étant dans la droite ligne de l’orthodoxie budgétaire et critique de l’efficacité du service public.
Les points importants à retenir |
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- Une qualité de service qui se dégrade
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Depuis l’instauration des conventions d’objectifs et de gestion (COG), les caisses de Sécurité sociale produisent leurs propres indicateurs de qualité, très partiales et très limités, qui leur permettent de mesurer « la qualité » du service qu’ils rendent.
Si ces indicateurs ne reflètent que très partiellement ce que la CGT et les allocataires considèrent comme étant une bonne qualité de service et une réelle réponse au besoin, ils permettent tout de même d’identifier si une certaine forme de qualité est respectée.
Dans son rapport de 2024 sur la Sécurité sociale, la cours des comptes indique précisément que depuis 2018, la qualité de service semble s’être dégradée. Ainsi, les multiples indices de satisfactions déployés par les caisses pour mesurer la réponse aux attentes des usagers ont significativement baissé entre 2018 et 2022. C’est particulièrement le cas pour la branche Maladie qui enregistre une baisse de 14 points de la satisfaction globale des usagers sur la période. Les branches Famille et Vieillesse enregistrent aussi des baisses de 3 et 1,5 points.
Concernant le contact avec les caisses, les attentes des usagers sont assez éloignées des résultats des caisses. Si la branche Maladie attendait 82 % de satisfaction global, seul 53% des usagers semble satisfait du contact avec les CPAM.
Les indicateurs de délais de traitement sur la période 2018 – 2022 indiquent aussi que la qualité de service de ce point de vue se dégrade légèrement. Le « versement de la première indemnité journalière (maladie) » est passé de 30,3 jours à 32,7 jours en 2022 pour une cible de 25 jours. Le « traitement des minimas sociaux » a augmenté d’un jour, comme le « traitement de demandes de prestations légales (famille) ».
Il existe des indicateurs de qualité de service communs aux trois branches. Il s’agit notamment des courriels traités en moins de 48h, des réclamations traitées en moins de dix jours ou des appels aboutis traités par agent.es et serveur vocal. Là encore, entre 2018 et 2022, les résultats se dégradent plus ou moins de manière importante. Pour les appels notamment, seul 63% des usagers ayant contacté la branche Maladie ont eu une réponse contre 90% en 2018. Cette baisse s’enregistre pour la branche Maladie et la branche Famille.
Globalement, la qualité du service rendu par les caisses des 3 branches historiques de la Sécurité sociale semblent se dégrader. Cette dégradation est mesurée à partir d’indicateurs conçus par les branches et parfois pour l’ensemble des branches. Si la CGT a toujours été très critique de ces indicateurs, la baisse des résultats enregistrés est pour le coût extrêmement préoccupante.
Les indicateurs de qualité inscrites dans les COG ne sont pas neutres. Ils reflètent des choix politiques, orientés par une logique de gouvernance par les nombres, où les impératifs financiers priment sur les besoins humains.
Mesurer la qualité nécessite d'abord de la définir. Or, dans les COG, cette définition est biaisée : la qualité est réduite à des critères comme la réduction des coûts ou la rapidité de traitement, ignorant l'accompagnement des usagers et les conditions de travail des agent.es.
- Redéfinir la qualité
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Pour une véritable amélioration, il est urgent de redéfinir la qualité en intégrant des critères sociaux et humains, et en recentrant les objectifs sur les missions fondamentales de la Sécurité sociale : solidarité et service public. La qualité pour les caisses de Sécurité sociale est donc très différente des attentes de la CGT et plus généralement des usagers.
Revenons donc aux indicateurs de qualité de la Sécurité sociale et plus particulièrement les « Appels aboutis, traités par agent.es et serveur vocal ». Comme l’indique le rapport de la Cour des comptes, cet indicateur « ne rend que partiellement compte de la qualité de la réponse aux appels téléphoniques : il mesure la proportion d’appels auxquels il a été répondu et non la proportion d’appels ayant reçu une réponse conclusive ». En plus certains appels peuvent être exclus du décompte comme pour la branche Vieillesse qui excluait les appels portant sur des dossiers en cours de traitement. Aussi, si l’on prend en compte les appels qui n’ont pas pu aboutir, seul 1 appel sur 2 a été pris par les caisses primaires.
Cet indicateur ne mesure donc pas du tout la qualité au sens d’une réponse au besoin comme le conçoit la CGT. Ici, il ne mesure que le nombre d’appels qui ont pu aboutir sans pour autant qu’une réponse ait été apportée à l’usager.
Dans cette situation, une baisse de la qualité mesurée par ces indicateurs est particulièrement problématique. Ils définissent la qualité d’une manière très limitée, facilement atteignable a priori puisqu’ils sont construits sans s’inscrire dans une recherche d’amélioration de la réponse aux besoins. Et pourtant ils se dégradent !!
On s’éloigne toujours plus des ambitions historiques de la Sécurité sociale, les résultats indiquant même que la Sécurité sociale ne dispose plus d’un nombre de travailleurs suffisant rien que pour répondre au téléphone…