Mémo Sécu n°28 : Arrêts maladies : Une évolution mais pour quelles raisons?

Publié le 29 jan. 2025
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En décembre 2024, la Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publiait une nouvelle étude sur l’évolution des arrêts maladies depuis 2019. Sans contestation, ces arrêts augmentent et cela, même sans prendre en compte l’augmentation importante liée à la crise COVID. En 2023, les chiffres sont en baisse mais restent à un niveau plus élevé qu’avant la crise.

« Si la tendance ascendante d’avant-crise est d’abord liée à la dynamique de l’emploi et au vieillissement de la population active, elle est aussi la marque d’une hausse de la sinistralité (en taux de recours et en durée) à âge donné. En revanche, l’accentuation de la hausse enregistrée entre 2019 et 2023 (+3,9 % par an) principalement due à une progression plus forte qu’auparavant des taux de recours[1] ».

Si 60% de l’augmentation des dépenses semblent liés aux effets du vieillissement de la population salariée et à la conjoncture économique, le reste pourrait être lié à l’augmentation du taux de recours à ces arrêts et cela pour toutes les classes d’âge.

Aujourd’hui, les salariées ont donc plus recours aux arrêts maladie (à caractéristiques équivalentes). Toute la question est de savoir pourquoi ? S’agit-il d’une dégradation des conditions de travail, d’un changement de comportement des travailleur∙ses qui supportent différemment des conditions inchangées ? Sans doute un savant mariage des deux…

 

Les points importants à retenir

  • Au-delà des arrêts liés au COVID, la croissance des arrêts maladie s’est accélérée entre 2019 et 2023 par rapport à 2010-2019.
  • Les arrêts longs concentrent le plus de recours aux indemnités journalières (IJ)
  • Il existe des différences entre les femmes et les hommes dans les arrêts maladie pour de multiples raisons.
 

[1] Le taux de recours correspond au nombre de personnes ayant recours aux arrêts maladie par rapport à la population active exprimé en pourcentage.

 

Une croissance ou une décroissance des arrêts maladie ?

Publiée en décembre 2024, une nouvelle étude de la Direction de la Recherche des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) analyse l’évolution du taux de recours aux arrêts maladie pour plus de 21 millions de travailleur∙ses en France.

Concernant la trajectoire d’évolution des dépenses liées aux IJ, et en intégrant les arrêts dérogatoires liés au Covid-19, celles-ci évoluent négativement à très court terme. L’année 2023 se termine donc par une très sensible baisse des arrêts maladie, avec un nombre de journées indemnisées qui passe de 326,7 millions à 286,2 millions (-12 %). Le coût des arrêts maladie diminue en conséquence, passant de 11 777 M€ à 10 220 M€ (-8,5 %).

Sur un temps plus long, la DREES indique que cette baisse est majoritairement liée à la fin des arrêts pour COVID. Si l’on compare avec 2019 et que l’on isole les arrêts pour COVID, les indicateurs de recours aux arrêts augmentent fortement. Ainsi, la Drees indique que si la croissance annuelle des arrêts maladie était de 2,3 % en moyenne sur la décennie 2010, celle-ci s’est accélérée en 2019 pour atteindre 3.9% pour le nombre de journées hors effet COVID entre 2019 et 2023 et +6,3 % pour les montants.

La DREES confirme le poids prépondérant des arrêts longs. Alors que les arrêts de plus de six mois ne représentent que 25 % du nombre d’arrêts, ces derniers correspondent à près de 82 % des dépenses d’IJ.

La DREES précise enfin qu’il existe une différence entre les femmes et les hommes dans la vitesse d’accroissement du recours aux arrêts maladie : les arrêts maladie ont plus fortement augmenté pour les femmes de tous âges entre 2010 et 2023. La grossesse en est un facteur déterminant. Les conditions de travail, la pénibilité ainsi que la double charge (professionnelle et domestique) sont les autres raisons de cette différence genrée.

Si le nombre de personnes arrêtées et le nombre de jours d’arrêts connaissent une sensible hausse depuis 2019, la durée moyenne des arrêts pour chaque tranche d’âge a pratiquement retrouvé ses seuils d’avant crise sanitaire. En somme, la durée moyenne n’augmentant pas, on peut émettre l’hypothèse d’une moindre propension des travailleur∙ses à supporter les conditions de travail existantes.

Il est important de rappeler la sous-déclaration massive par les employeurs des arrêts de travail liés aux accidents du travail ou aux maladies professionnelles, souvent requalifiés en simples arrêts maladie. Cette sous-déclaration est reconnue dans le PLFSS 2025, entraînant un transfert de plus de 1,2 milliard d’euros de la branche AT-MP vers la branche maladie pour compenser ce coût qui est très certainement encore sous-estimé.

Lutter contre cette sous-déclaration constitue un enjeu majeur pour la CGT.

Une augmentation des recours "toutes choses égales par ailleurs"?

La Drees indique que cette « accélération » des arrêts maladie trouve en partie une explication dans les évolutions démographiques et économiques : « L’effet direct des facteurs économiques (hausse des salaires) et démographiques explique de l’ordre de 60 % de la hausse des dépenses d’IJ maladie entre 2010 et 2023 ». Néanmoins, ces facteurs structurels ne peuvent expliquer qu’une partie des hausses et la DREES souligne en parallèle que « l’accentuation de la hausse enregistrée entre 2019 et 2023 est, elle, principalement due à une progression plus forte qu’auparavant des taux de recours ».

La Drees avance plusieurs hypothèses pour expliquer cette hausse du taux de recours à partir de 2020. Elle invoque notamment l’hypothèse d’une « dégradation des conditions de travail » : « De fait, au cours des dernières années, l’exposition à certaines pénibilités physiques […] et aux contraintes psychosociales […] qui sont significativement associées aux arrêts de travail […] augmente ». Par ailleurs la DREES précise aussi qu’il peut s’agir d’arrêts injustifiés sans en donner l’ampleur possible.

Enfin, l’actualité de la réforme des retraites ne doit pas nous faire oublier que l’ampleur des dépenses est largement corrélée à l’âge des salariées. Les arrêts maladie des personnes de plus 50 ans ne représentent que 29% de l’ensemble des arrêts mais 42% des dépenses contrairement aux arrêts des moins de 35 ans qui représentent 1/3 des arrêts mais 22% des dépenses.

In fine, on observe donc une hausse des arrêts maladies pour l’ensemble des classes d’âge sans pour autant être certains de la cause précise de cette hausse.

On peut néanmoins supposer qu’il s’agit certainement d’une dégradation des conditions de travail, ou d’une modification des comportements qui devrait interroger les pouvoir publics, les employeurs et sans doute les organisations syndicales.

Ces chiffres montrent que l’instauration des jours de carence n’a pas prouvé son efficacité pour réduire le recours aux arrêts maladie. Les "arrêts de complaisance" relèvent d’un mythe entretenu. En réalité, ces jours de carence forcent les salarié·es à travailler en étant malades, entraînant une dégradation de leur santé et une baisse de leurs revenus.

Face à cela, les derniers gouvernements, tout comme la Cour des Comptes, ont fait émerger l’idée d’une augmentation des jours de carence, pour les fonctionnaires qui passeraient à 3 jours au lieu d’un ou pour l’ensemble des travailleurses en les faisant passer à 7 jours. Même si ces projets ne figurent plus dans le PLFSS 2025, il subsiste un abaissement du maintien du salaire de 100% à 90% qui s’ajoute au jour de carence déjà existant.

Pour la CGT, la véritable solution réside dans une amélioration des conditions de travail, notamment une baisse et un partage du temps de travail et un renforcement de la prévention. Ces mesures permettraient aux salariées de se sentir mieux au travail, de préserver leur santé mentale et physique, et ainsi de limiter le recours aux arrêts maladie comme moyen de récupération.

 

Repère revendicatif