
Depuis plusieurs années, l’assurance maladie mène une politique active de lutte contre la fraude ce qui lui a permis en 2024 de détecter et de stopper 629 millions d’euros soit 35% de plus que 2023 et le triple de 2021.
Très loin des clichés sur de supposées fraudes à la carte vitale ou d’assuré⋅es qui tenteraient de profiter de droits qu’ils et elles n’ont pas, la fraude est pour une grande partie le fait de professionnels de santé ou de réseaux organisés.
Une politique active contre la fraude à l’assurance maladie est nécessaire mais elle doit se garder de faire porter le chapeau aux assuré·es qui sont évidemment plus nombreux·ses que les professionnel·les, représentant donc une plus grande part des fraudeur·ses mais une bien plus petite part des volumes fraudés.
La fraude repérée exclut les trop perçus qui le seraient pour des causes d’erreurs de déclarations et qui ne sont pas intentionnelles, c’est-à-dire pour lesquelles la volonté de frauder n’a pas été identifiée.
Les points importants à retenir |
|
- Une augmentation de la fraude identifiée
-
Si la CNAM communique sur un montant de fraude avoisinant les 629 millions d’euros pour 2024, il ne s’agit pas tout à fait d’un seul et même bloc. 263 millions d’euros, soit 55% de plus que l’année précédente, correspondent à des fraudes évitées que l’assurance maladie a identifiées avant le versement d’indus qui ne devaient donc pas l’être. Pour le reste, c’est-à-dire 366 millions d’euros, il s’agit de préjudices détectés et stoppés, pour lesquels les sommes ont donc été versées puis récupérées.
La répartition des fraudes par catégories d’acteurs montre que la réalité est bien éloignée des commentaires médiatiques racoleurs et des discours politiques démagogiques remettant en cause la sécurité sociale et certains types d’assuré·es. En effet, si 52 % des fraudes sont commises par des assuré·es, celles-ci ne représentent que 18 % des montants. Rien d’étonnant à ce que les assuré·es soient sur représenté·es, ils sont infiniment plus nombreux·ses. En revanche, si 27 % des fraudes sont commises par des professionnel·les de santé, celles-ci représentent 68 % des montants.
Plus en détail, la répartition en pourcentage du nombre de fraudes commises comprend aussi les établissements de santé à hauteur de 21% des fraudes pour 14% des montants de fraudes et activités fautives détectées et stoppées. En termes de répartition par spécialités, c’est du côté des audioprothésistes (115 m€) des pharmacien·nes (62m€), des infirmier·ères (56 m€) et des centres de santé, parmi lesquels un grand nombre sont adossés à des groupes privés (39 m€), que les fraudes sont les plus importantes. La fraude détectée aux transports est aussi relativement importante puisque celle-ci a été de 42 millions d’euros en 2024, en croissance de 22% par rapport à l’année précédente.
- Augmenter la lutte contre la fraude comme seule solution ?
-
La fraude détectée semble être avant tout le fait de réseaux très organisés qui falsifient les documents et arnaquent les assuré⋅es grâce à des méthodes très diverses. C’est aussi le fait de professionnel⋅les qui profitent du système de protection sociale français pour s’enrichir. Parmi ceux-ci sont particulièrement représentés les centres de santé privés, notamment les officines de soins dentaires et ophtalmiques, adossés à des groupes lucratifs. Comme en témoigne la faillite du groupe Avec, ces centres obligatoirement associatifs alimentent des sociétés civiles immobilières lucratives, dont la marge financière est tirée d’un modèle économique équilibré par des surfacturations. La loi n° 2023-378 du 19 mai 2023 a rétabli l’obligation de déclaration préalable pour lutter contre de nombreux scandales de fraudes et de mauvais soins dentaires.
L’Assurance maladie indique renforcer son système de contrôle cette année encore avec une croissance importante des effectifs de contrôle, +10% depuis 2023 avec plus de 1600 agent⋅es. Si une part répressive est nécessaire, une modification des modes de financement des structures, une amélioration en amont des procédures administratives et de recouvrement entre professionnel⋅les et branche maladie devraient aussi faire partie de l’arsenal de l’assurance maladie.
Un véritable service public est aussi et sans doute la solution. Le développement du lucratif à tous les secteurs de la santé expose notre modèle de protection sociale à l’augmentation de ces fraudes. Outre le développement des centres de santé privés, le secteur des audioprothèses est très lucratif et quasi intégralement dans la main du privé, 6 entreprises fabricantes se partageant 90% du marché français aujourd’hui.
Contrairement aux idées préconçues, les chiffres révèlent que la fraude est avant tout orchestrée par le secteur marchand, qui déploie des stratégies sophistiquées de contournement afin de maximiser ses profits. Le principe de service public et la Sécurité sociale fondée sur une réponse aux besoins y sont diamétralement opposés.