
Publié il y a quelques semaines par le réseau des URSSAF, le bilan du contrôle effectué par les services indique que les montants redressés ont fortement progressé entre 2023 et 2024, de plus de 34%, pour atteindre 1,6 milliard d’euros.
Les URSSAF précisent néanmoins que si les volumes augmentent fortement, le taux de recouvrement, c’est-à-dire la part totale des indus recouvrés ramenée à l’ensemble des indus théoriques reste globalement stable passant de 9,7% à 2023 à 9,6% en 2024.
Les URSSAF rappellent l’importance d’un tel recouvrement en indiquant ce à quoi pourraient correspondre les 1,6 milliard d’euros récupérés. Cette somme pourrait financer :
- 500 000 journées en soins intensifs ;
- 650 000 accouchements soit plus de 90% des accouchements d’une année ;
- 91 millions de consultations chez le médecin généraliste ;
- 3,9 millions d’allocations rentrée scolaire.
Le redressement des cotisations non payées, qu’il s’agisse de la fraude patronale aux cotisations ou de simples erreurs, est un enjeu majeur pour les finances de la Sécurité sociale. Comme nous l’indiquions dans le Mémo Sécu n°31, le Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale (HCFIPS) estime d’ailleurs qu’il y aurait plus de 10 milliards d’euros de manque à gagner en comptant les fraudes et les erreurs du patronat, des micro-entrepreneur·ses et du secteur agricole.
Les points importants à retenir |
|
- Une croissance importante des volumes redressés
-
Le réseau des URSSAF indique que 2024 serait l’année d’un niveau historique de redressement en matière de lutte contre la fraude avec plus de 1,6 milliard d’euros récupérés, en hausse de 34% par rapport à l’année 2023. C’est aussi l’année d’une augmentation importante des « actions de lutte » contre le travail dissimulé avec 6756 actions ciblées, celles-ci ayant augmenté de 11% entre 2023 et 2024, réparties entre 4121 contrôles sur les employeurs et 2635 contrôles sur les travailleurs indépendants.
Ils indiquent que la plus grande part des sommes récupérées proviennent de deux secteurs d’activité qui contribuent à près de 80% au bilan total du redressement :
- Le BTP pour 1 milliard d’euros ;
- Le conseil aux entreprises pour 408 millions d’euros.
Les sommes moyennes recouvrées sont 245 000 euros dans l’ensemble. Les 1,6 milliard d’euros de redressement se décomposent en deux types de recettes :
- Les sanctions (majorations de redressements ou remise en cause des exonérations de cotisations sociales) pour 31% du montant total soit : 490 millions d’euros.
- Les cotisations et contributions non déclarées correspondant à 69% du montant global soit un peu moins de 1,1 milliard d’euros ;
Si les URSSAF indiquent donc avoir redressé ces montants sur la dernière période, le HCFIPS précise quant à lui que les enjeux sont bien plus importants.
- Mais un manque à gagner bien plus important
-
En décembre 2024, l’estimation du manque à gagner sur le travail indiquait plus de 10 milliards d’euros, du fait de fraudes ou d’erreurs de déclarations. Nous y revenions plus précisément dans le Mémo Sécu n°31.
Concrètement, les sommes redressées avoisinent les 10% du total théorique des sommes fraudées. Les URSSAF alertent sur la complexité d’un tel travail mais aussi sur le fait que les fraudeur·ses organisent leur incapacité à payer : « Le recouvrement des redressements en matière de la lutte contre le travail dissimulé est particulièrement complexe. Les fraudeurs disposent souvent de peu d’actifs ou organisent leur insolvabilité, disparaissant avant même la mise en recouvrement des sommes dues ».
La stratégie de contrôle, si elle a le mérite d’augmenter les sommes récupérées, ne semble pas suffisante quant à la part des sommes récupérées rapportée au total des sommes récupérables. Elle n’incite pas non plus le patronat à stopper ces manœuvres frauduleuses pour augmenter ses profits au détriment du financement de la sécurité sociale.
La CGT défend des moyens plus conséquents pour le contrôle des entreprises et des sanctions plus sévères pour les fraudeurs. Mais c’est aussi et sans doute du côté du fonctionnement du système socio-fiscal que des modifications sont nécessaires pour limiter le plus possible la possibilité d’une fraude. Cela doit passer sans doute par une simplification des déclarations pour les autoentrepreneurs sans que celle-ci ne correspond à une baisse des protections ou une remise en cause de la législation actuelle. Le statut de micro-entrepreneur doit aussi et sans doute être revu parce qu’il cache trop souvent de nombreux abus comme pour les livreurs à vélo. Pour les salariés du privé en général, les employeurs doivent être contraints de déclarer l’ensemble des revenus versés, et sanctionnés fortement s’il y a des erreurs intentionnelles, formés à leurs obligations lorsque c’est nécessaire et contrôlés régulièrement pour éviter tout problème d’erreurs ou de sous déclaration.