Mise en place respectivement en 2005 et 2008, les participations forfaitaires (PF) et franchises médicales s’imposent à l’ensemble des patient·es lorsque ceux ou celles-ci consultent un médecin, utilisent un transport médical ou doivent avoir recours à un acte paramédical.
Ces Participations et franchises s’appliquent en plus du ticket modérateur, cette part des dépenses de santé non prises en charge par l’assurance maladie obligatoire ne peuvent être prises en charge par les complémentaires.
Même s’il existe des exonérations pour certains publics, ce sont mathématiquement les patient·es qui ont le plus recours au soin qui sont les plus pénalisés. Pour une personne en Affection Longue Durée (ALD), ce reste à charge lié à ces dispositifs avoisine les 80 euros par an contre environ 40 euros pour un∙e patient∙e classique.
En 2022, avant le doublement des franchises et participations, le rendement de ces dispositifs étaient de 1,6 milliards d’euros dont 55% au titre des franchises et 45% pour la participation forfaitaire.
Lors des multiples annonces du premier ministre en juillet dernier, François Bayrou a indiqué vouloir doubler une nouvelle fois ces franchises et participations ainsi que les plafonds pour atteindre 100 euros par an pour chaque dispositif.
Les points importants à retenir |
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- Franchises et participation forfaitaire, deux dispositifs dont la charge se cumule
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Mise en place en 2005, la participation forfaitaire porte sur toutes les consultations ou actes réalisés par un médecin dans un cabinet, au domicile du ou de la patient∙e, dans un dispensaire, dans un centre de soins ou à l’hôpital (consultations externes ou dans les services d’urgence) mais également sur les examens radiologiques et les analyses de biologie médicale que le parcours de soin coordonné soit respecté ou non. Initialement fixée à 1€ depuis sa création et plafonné à 4€ par jour et par médecin et 50€ par an, elles ont été doublées en mai 2025 sauf le plafond annuel maintenu à 50€.
Les franchises médicales ont été instaurées en 2008 sur certaines prestations et produits de santé : les boites de médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires. Initialement fixées à 0,5€ par boîtes et actes paramédicaux et 2€ par transport sanitaire, elles ont aussi été doublée en 2024. Néanmoins, le plafond annuel était maintenu à 50€.
Plusieurs publics sont exonérés du payement de ces contributions : les enfants de moins de 18 ans, les bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS) et de l’Aide Médicale d’Etat (AME), les pensionné∙es militaires, et les personnes et proches de victimes d’actes terroristes.
En juillet 2025, le premier ministre a annoncé un nouveau doublement des franchises et participations mais cette fois-ci en proposant aussi le doublement des plafonds journaliers et annuels. Les franchises passeraient donc à 2€ pour les médicaments et actes paramédicaux et à 4€ pour les transports médicaux. Le plafond annuel passerait donc à 100 euros par an. Parallèlement, la participation doublerait pour passer à 2€, plafonné à 8€ par jour et 100 euros par an. Il s’agit donc d’un plafond annuel total de 200€.
- Les plus malades sont les plus exposé·es
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Pour 2022, selon les données de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, le montant moyen payé par patient·e pour les franchises se situait à 18€ environ dont 14€ pour les médicaments, 1€ pour le transport et 4€ pour les actes paramédicaux. Concernant la participation, la moyenne se situait à 15€ pour un total franchises + PF de 33 euros par an et par patient·e.
Il ne s’agit que d’une moyenne et l’étude du profil détaillé des patient·es donne des précisions relativement inquiétantes. Ce sont les personnes les plus âgées qui ont le reste à charge le plus important. En 2022 toujours, 67% des 78-87 ans avait une franchise médicale comprise entre 41 et 50€ contre 2% des 18-27 ans.
Mais c’est particulièrement pour les personnes en Affection Longue Durée (ALD) que la différence est la plus marquante. En 2022, plus de 20% des patient∙es étaient en ALD pour un total moyen franchises + PF de 59 euros contre 24 euros pour les non-ALD avant doublement des franchises en 2024. Les personnes victimes de cancers, de diabète ou d’insuffisance cardiaque par exemple ont un reste à charge bien plus important. Pour les 5 ALD les plus courantes, le montant total moyen de participation se situe même à 25 euros par an et 37 euros pour les franchises soit près de 62 euros par an au total et tout cela avant le doublement des franchises intervenu en 2024.
On peut croire que les patient∙es en ALD (donc concernées par une des trente maladies les plus graves) sont exemptées de franchises et participations, puisque leurs soins sont pris en charges à 100%. Mais ce n’est pas le cas de tous les soins. Les dépenses de santé hors ALD sont soumises aux franchises et participations même si indirectement liées à leur état de santé. Concrètement, Les pathologies prises en charge dans le cadre de l’ALD même remboursées sur le moment à 100 % peuvent générer d’autres dépenses soumises à franchises et participations par exemple des soins dentaires. Sans compter de multiples restes à charge sur, entre autres, les aménagements nécessaires en cas de handicap, comme le fait de changer ou aménager son véhicule, son logement, son fauteuil roulant, etc…
Après doublement, les estimations de la commission des comptes indiquent que le reste à charge en ALD aurait dû passer de 59 euros à 78 euros et de 24 à 41 euros hors ALD. Il faut donc craindre qu’un nouveau doublement entraine une hausse massive pour ces patient·es de leur reste à charge.
- Le·la patient·e consommateur·trice comme justification
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Ce type de dispositif est construit à partir d’une conception très particulière des relations qu’entretiennent les patient·es au soin : ils et elles sont considéré·es comme des consommateur·trices rationnel·les, au sens de la théorie économique. En ce sens, la gratuité du soin est un problème puisque le·la patient·e rationnel·le sera dès lors « naturellement » enclin∙e à consommer plus que de besoin du soin au détriment de la communauté dans laquelle il ou elle vit.
Le·la patient·e est ici vu∙e comme un·e malade sans maladie, qui n'est pas soumis à des besoins de soins mais consomme des rendez-vous, des médicaments ou des examens médicaux comme il·elle consommerait n’importe quel bien, en considérant qu’il existe des situations où la consommation n’est jamais déterminée que par les prix. Cette fiction commode, celle du·de la patient·e consommateur·trice rationnel·-le, peut donc venir justifier la mise en place de franchises et de participation non prise en charge par l’assurance maladie. Pour limiter la consommation, il faudrait jouer sur les prix et donc augmenter le reste à charge. Le ticket modérateur et les diverses franchises en sont le parfait exemple.
Seulement, le·la patient·e n’est pas un·e consommateur·trice rationnel·le et les incitations ne pourraient hypothétiquement fonctionner que si les patient∙es en ont conscience. Dans notre cas, les malades ont des besoins de santé contraints. Ils n’ont recours aux traitements médicamenteux ou aux examens que sur ordonnances et ne sont donc pas à l’origine du « choix de consommer ». Enfin, les franchises et les participations forfaitaires opèrent comme des non-remboursement, ils ne sont pas payés aux comptoirs, lors d’un rendez-vous ou de l’achat de médicaments par exemple, et peuvent difficilement remplir un objectif de désincitation au consommateur. La ministre de la Santé admet dans Le Monde que ces dispositifs ont pour objet de remettre en cause le sentiment de gratuité et que le payement au comptoir devrait être un objectif à atteindre : « Il faut arrêter avec cette idée que l'Assurance Maladie, c'est gratuit, j'y ai droit. Il faut être vigilant, tous ensemble, sur nos dépenses. Nous voulons aussi que, demain, ces franchises soient payées au comptoir [en pharmacie], plutôt que via le fonctionnement actuel, avec un prélèvement ultérieur que l'assuré ne voit pas ».
Finalement, la fiction du de·la patient·e consommateur·trice est utile à la fois pour justifier des politiques de contrôle et de déremboursement sans jamais s’attaquer aux prescripteurs, si cela doit être le cas et pour renflouer les caisses de la Sécurité sociale sur le dos des travailleur·ses et des patient·es souvent les plus malades et les plus pauvres.