Mémo Sécu n°9 : Plus d’un∙e salarié∙e sur trois ne se sent pas capable de faire le même travail jusqu’à sa retraite

Publié le 21 avr. 2023
Image

Cette période de mobilisation massive contre la réforme des retraites du gouvernement Borne doit se construire à la fois dans l’opposition à ce projet mortifère et à la fois dans la défense d’un projet de société alternatif. Aujourd’hui, la CGT défend la retraite à 60 ans et cela pour de bonnes raisons : La retraite ne peut être l’antichambre de la mort mais plutôt une nouvelle étape de vie. Toujours nous devons combattre dans ce sens.

La retraite n’est donc pas juste une affaire purement financière. Et doit être le moment où les travailleurs en bonne santé peuvent profiter d’une seconde étape dans laquelle ils ne sont plus soumis complètement au contrôle du capital. Or aujourd’hui, la retraite est pour beaucoup l’échappatoire à des conditions de travail toujours trop pénibles qui détruisent trop souvent les corps et la santé bien avant d’atteindre la retraite

Ce nouveau Mémo Sécu revient sur les facteurs qui influencent la capacité ou non des salarié∙es à faire le même travail jusqu’à la retraite. Aujourd’hui en France, l’exposition à des risques professionnels, qu’ils soient physiques ou psychosociaux, ou un état de santé dégradés sont fortement liés à un sentiment d’insoutenabilité du travail.

Les points importants à retenir
  • 37% des salarié∙es ne se sentent pas capables de continuer leur travail jusqu’à la retraite.
  • L’insoutenabilité perçue du travail est moins forte chez les cadres (32%) que chez les professions intermédiaires (38%) et les employé∙es et ouvrier∙es (39%).
  • 70% des travailleur∙ses en très mauvaise santé et 57% des travailleur∙ses en mauvaise santé déclarent ne pouvoir effectuer le même travail jusqu’à la retraite.
  • Entre 60 et 64 ans, les travailleur∙ses qui déclarent un travail insoutenable ont en moyenne 65 jours d’arrêt maladie contre 8 jours pour les autres. Le travail considéré comme insoutenable devient donc réellement insoutenable.
Exigences physiques et morales ou mauvaise santé comme facteur d’insoutenabilité du travail

Grâce à son enquête conditions de travail - risques psychosociaux, la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) disposent de données permettant d’identifier les facteurs qui déterminent l’insoutenabilité du travail. Attention, comme toujours, ces données sont partielles mais permettent néanmoins de donner une tendance.

Aujourd’hui en France, 37% des salarié∙es ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. Plusieurs raisons à cela. L’exposition à des risques professionnels qu’ils soient physiques ou psychosociaux, ou un état de santé dégradé sont des facteurs déterminants pour identifier les métiers considérés par les travailleur∙ses comme les moins soutenables.

Ainsi, ce sont les métiers considérés comme les moins qualifiés, les métiers au contact du public ou les métiers du secteur du soin ou du lien que les travailleur∙ses considèrent comme les moins supportables, comme bon nombre de syndiqué∙es de ces secteurs le dénoncent chaque jour. En détail :

  • 41 % femmes considèrent leur travail comme insoutenable jusqu’à la retraite contre 34% des hommes ;
  • L’insoutenabilité perçue du travail est moins forte chez les cadres (32%) que chez les professions intermédiaires (38%) et les employé∙es et ouvrier∙es (39%).
  • Le type de métier est déterminant : les professions proches du public et physiquement épuisantes sont les plus insoutenables comme l’indique le tableau 1 ci-dessous.

 

Tableau 1 : Proportion de travailleur.euse.s par métier considérant ne pas pouvoir exercer leur travail jusqu’à la retraite, en 2019, pour les 5 premiers métiers

 

% de salariés

Caissier.ère.s, employé.e.s de libre-service

66

Employé.e.s de la banque et des assurances

61

Professionnel.elle.s de l’action sociale et de l’orientation

58

Infirmiers.ère.s, sages-femme

55

Employé.e.s et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration

54

 

La santé des salariés est aussi un facteur déterminant quant au sentiment d’être ou non capable d’effectuer son travail jusqu’à la retraite. Ainsi, 70% des travailleurs en très mauvaise santé et 57% des travailleurs en mauvaise santé, sans reconnaissance de handicap, déclarent ne pouvoir effectuer le même travail jusqu’à la retraite.

 

Graphique n°1 : Nombre moyen de jours d'absence au travail pour arrêts maladie en 2019, selon le caractère soutenable du travail

Source : DARES, enquête condition de travail 2019, mise en forme DARES

 

Que faut-il retenir de ce graphique ?

  • A partir de 50 ans, le nombre moyen de jours d’absence au travail pour arrêts maladie pour travailleur qui ont un travail qu’ils considèrent comme insoutenable augmente fortement alors qu’il reste stable pour les autres
  • Au-dessus de 60 ans, le nombre de jours d’absence pour maladie est le double de celui pour les travailleurs entre 55 et 59 ans et s’établi à 65 jours par an. Le travail considéré comme insoutenable devient réellement insoutenable.
Organisation du travail : quand « l’autonomie et la participation » rendent le travail soutenable

Ce qui ressort enfin de cette étude, c’est le lien fort entre participation des travailleur∙ses aux évolutions organisationnelles ou aux évolutions de l’environnement de travail et soutenabilité du travail. En effet, cette note de la DARES indique que quand les salarié∙es jugent avoir eu de l’influence sur la mise en œuvre de changement, la probabilité de sortir de l’insoutenabilité du travail augmente de 6 points par rapport à une situation d’absence de changement.

De là à dire que le travailleur∙se est l’expert∙e de son travail et donc pertinent pour définir les bonnes transformations, il n’y a qu’un pas…

Enfin, une politique de prévention ou de formation, de celles que le gouvernement affectionne, n’est pas la solution puisqu’elles n’ont peu ou pas d’effet sur le caractère insoutenable ou nous du travail.

Certain∙es travailleur∙ses, mais surtout ceux qui le peuvent, tente de s’extraire du salariat. Il s’agit d’une solution pour lutter contre l’insoutenabilité du travail, mais ce n’est qu’une solution individuelle qui pose aujourd’hui de nombreux problèmes dans le secteur du soin notamment.

Nous devons défendre collectivement de meilleures conditions de travail et non une quelconque solution entrepreneuriale individuelle comme alternative à l’insoutenabilité du travail. Ce serait abandonner une grande part de la population aux griffes du capital.

 

Repère revendicatif