La place de ce plan dans la mémoire collective semble à l’image de son impact sur l’économie.
- Un plan de relance pour revenir au monde d’avant
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Pour rappel, le plan de relance, présenté à l’été 2020, s’élevait à 100 milliards d’euros dépensés sur plusieurs années. 20 milliards d’euros de ce plan étaient dédiés à la baisse des « impôts de production » (10 milliards en 2021 et en 2022). Pour le reste, il s’agissait essentiellement de saupoudrage et d’agglomération de dispositifs déjà annoncés, l’objectif du gouvernement étant de pouvoir annoncer le chiffre impressionnant de 100 milliards d’euros. Chiffre certes impressionnant mais très inférieur aux exigences de la situation et des enjeux.
Comme nous l’avons déjà souligné à maintes reprises, les plus fragiles ont été laissés de côté par ce plan. Les seules mesures étaient : revalorisation de l’allocation rentrée scolaire en 2020, restaurant universitaire à 1€ et soutien à l’hébergement d’urgence. Dans le même temps, le gouvernement n’a pas hésité à mettre en application la réforme de l’assurance chômage qui va durement toucher les travailleur-se-s précaires.
De plus, pour les plus pauvres, le gouvernement multiplie les « primes », les « revalorisations exceptionnelles » comme la « prime macron », la « prime d’activité », la « prime inflation ». Il s’agit simplement de sursis accordés aux plus modestes, laissés à l’appréciation du Président, quand les plus riches profitent eux de cadeaux pérennes comme la « flat tax », la transformation de l’ISF en IFI ou encore la baisse de l’impôt sur les sociétés.
Alors que tous les économistes mettent en avant l’importance de l’épargne accumulée (par les plus riches) pour stimuler la relance économique, le gouvernement n’a rien fait pour forcer la mobilisation de cette épargne, en taxant les plus hauts patrimoines ou revenus par exemple. Pire, le gouvernement a facilité la transmission de ce patrimoine entre les générations, ce qui de fait perpétue les inégalités.
Concernant les relocalisations, la stratégie est celle de « l’attractivité » ; autrement dit, le gouvernement espère faire revenir l’industrie en :
- Réduisant nos services publics (via les baisses d’impôts)
- Réduisant les droits des travailleur-euse-s
- Subventionnant les entreprises
Or nous sommes déjà attractifs, sans que cela ne produise un quelconque effet en termes d’emploi ![1]
Après avoir rappelé ces critiques que nous formulions dès la présentation du plan de relance, intéressons-nous au premier rapport du comité d’évaluation du plan de relance, dont on peut discuter l’orientation et surtout la méthode d’évaluation bien plus quantitative que qualitative.
[1] https://analyses-propositions.cgt.fr/memo-eco-la-france-attractive-pour-le-capital
- L’évaluation du premier plan de « Relance »
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« MaPrimeRénov’ » ; succède au Crédit d’impôt transition énergétique (CITE)
A l’époque, 50% du CITE était capté par les 20% les plus riches. Ces derniers étaient exclus du dispositif MaPrimeRénov’ pour les travaux effectués avant le 1er janvier 2021. Pour rappel, ce dispositif avait été mis en place avant la crise sanitaire, le plan de relance n’a fait que l’étendre aux 20% les plus riches et augmenter l’enveloppe globale du dispositif. On manque donc de recul pour savoir au final profitera le plus de cette prime.
Bien que le gouvernement compte cette prime dans les dépenses en faveur de la transition écologique, la conditionnalité est bien trop faible pour produire un effet significatif en matière de consommation énergétique. On notera d’ailleurs que 85% des travaux sont « mono-gestes » (une pompe à chaleur par exemple) ; or l’ADEME recommande de faire l’exact inverse (ne pas multiplier les mono-gestes).
Enfin, seulement 0,2% des travaux financés par cette prime bénéficient du forfait «sortie passoire thermique».
Rénovation énergétique des bâtiments publics
Là encore, conséquence du saupoudrage évoqué, l’effort consenti apparait bien trop faible au regard des enjeux. Les montants sont de 2,8 Mds € pour les bâtiments d’État et 1,35Mds € pour les collectivités territoriale.
C’est bien trop peu après des années de sous-investissements et une situation du parc immobilier public totalement dégradée. Ainsi, le rapport du comité de suivi pointe le fait que 50 % du parc universitaire affiche une étiquette énergie égale à D ou moins bien (les notes allant de A à G).
Comme pour MaPrimeRenov’, le critère du gain de performance énergétique des travaux était semble-t-il assez marginal dans la sélection des dossiers. L’État n’est visiblement pas capable de s’imposer à lui-même des conditions claires et strictes.
Soutien à l’investissement industriel
On retrouve ici la même logique d’appels à projets, de soutien et de « co-financement » au lieu d’une vision stratégique et d’investissements directs.
Au niveau macroéconomique, le montant apparait trop faible pour avoir un effet quelconque: 2,45 milliards d’euros pour le soutien aux investissements industriels.
Le gouvernement continue à croire à la « magie » de l’industrie ; les baisses d’impôts, les subventions feraient revenir « par magie » l’industrie dans le pays.
Les premières évaluations sont sans appel :
- Les entreprises bénéficiaires de ces aides étaient principalement des entreprises dynamiques avant la crise ; « le dispositif n’a été que peu utilisé pour soutenir des acteurs structurellement en difficulté »
- La subvention moyenne est de 788 000 €
- Le rapport note un effet d’aubaine probable pour les PME et ETI ainsi que les grands groupes, ces derniers n’auraient « pas modifié substantiellement leur feuille de route »
Sur « industrie du futur » (1 milliard d’€) ; même logique, mais appliquée aux PME. Le comité d’évaluation se félicite de la forte demande des TPE / PME… mais quelle entreprise ne serait pas heureuse de recevoir de l’argent public ? Si on évaluait l’assurance chômage de cette manière, on devrait être très heureux que les allocataires soient nombreux !
De plus, le rapport note que ces subventions ont servi à la robotisation et l’automatisation des chaines de production, évidemment sans contrôle public, on ne saura pas l’impact de cette automatisation sur l’emploi.
Une fois de plus, le gouvernement a paré au plus pressé et a dépensé des milliards avec une vision court-termiste qui n’implique aucune « transformation structurelle de l’industrie française ».
« 1 jeune - 1 solution »
Le rapport rappelle que la plupart des mesures de ce dispositif existaient déjà avant le plan de relance ou avaient été mises en place lors de crises précédentes.
Sur l’enveloppe de 10,4 milliards d’euros consacrée à ce plan, 7,6 milliards, soit les ¾ de l’enveloppe sont des primes à l’embauche ou des aides à l’apprentissage et aux contrats de professionnalisation, ce sont donc surtout des aides aux entreprises et non à la jeunesse.
Selon la Dares[1], « ce dispositif n’aurait pas eu d’effet sur l’emploi total de ces jeunes » mais il a tout de même permis d’améliorer la qualité de l’emploi puisque les formes dégradées d’emploi (intérim, non-salarié, intérim) n’était pas éligibles.
Concernant l’impact du plan « 1 jeune 1 solution » pris dans son ensemble, le rapport du comité de suivi indique qu’il est trop tôt pour en faire une évaluation de qualité.
[1] Dares (2021), « Quels ont été les effets de l’aide à l’embauche des jeunes sur l’emploi des jeunes ? Premières évaluations », Dares Analyses, n° 22
- France 2030 ; le même (mauvais) cap
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Alors que le plan de relance est toujours en cours d’exécution, le président Macron a déjà annoncé un nouveau plan, cette fois-ci spécifique à l’industrie. On remarquera d’ailleurs l’absence du Haut-Commissaire au Plan, François Bayrou, alors même que logiquement ce plan aurait dû découler du travail de son haut-Commissariat.
D’abord, on peut se demander si ce plan a été présenté par Emmanuel Macron en tant que Président ou en tant que candidat à sa réélection. En effet, Emmanuel Macron a annoncé 30 milliards d’euros sur 5 ans, mais en vérité seuls 3 à 4 milliards seront effectivement dépensés l’an prochain (ce qui est ridicule par rapport aux ambitions affichées, c’est l’équivalent de 0.25% du PIB soit moins d’une journée de PIB).
Notons que quelques jours après la présentation en grandes pompes de ce plan, le gouvernement annonçait une dépense de même ampleur, décidée en quelques jours, pour la « prime inflation » (3,8 milliards d’euros).
Entre 3 et 4 milliards c’est également ce que coûte chaque année aux finances publiques la transformation de l’ISF en IFI. Le gouvernement argumentait pourtant que cet impôt ne rapportait rien mais visiblement c’est assez pour transformer l’industrie du pays.
Ce nouveau plan souffre des mêmes lacunes que les précédents, il ne s’agit que de saupoudrage.
Pire, le gouvernement applique toujours la même méthode, à savoir des aides publiques aux entreprises, sans contrepartie, sans véritable contrôle de la part des salariés ou des pouvoirs publics, en espérant que « par magie » les entreprises « jouent le jeu ».
Le gouvernement a fait le choix de sanctuariser les profits (et donc les revenus des actionnaires), d’abreuver les entreprises d’argent public sans contreparties, et d’abandonner les ménages. E. Macron « assume » cette stratégie quand il dit : « J’assume d’investir dans les innovations industrielles et de moins dépenser dans les dépenses curatives comme l’assurance-chômage » (12 octobre 2021).
- Aides publiques aux entreprises ; jusqu’où ?
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Le gouvernement multiplie les plans, tous d’un montant important mais pas assez significatifs (d’où la nécessité de les multiplier), pour changer réellement la situation économique et industrielle.
Le cœur du plan de relance c’est de continuer les baisses d’impôts (en particulier les impôts de production) pour 10 milliards €. Or ça ne marche tout simplement pas, et les rapports s’enchaînent pour :
- Critiquer le CIR qui ne stimule en rien l’investissement en R&D et représente quasiment deux fois le budget annuel du CNRS.
- Critiquer le CICE transformé en baisse de cotisations, ruineux et quasiment sans effet sur l’emploi et l’investissement
Même sans ces plans, en « régime de croisière » les aides publiques aux entreprises prises dans leur globalité représentent au moins 150 milliards d’euros par an.
150 milliards d’euros, c’est près de trois fois le budget du Ministère de l’Éducation Nationale. La vraie question c’est : que pourrions-nous faire d’autre ?
Plutôt que ces distributions d’argent public (quasiment) sans condition, l’État devrait investir par lui-même et matérialiser les aides au secteur privé par des prises de participation pour éviter les effets d’aubaine et que ce soit des investisseurs privés qui bénéficient d’un retour sur investissement de fonds publics. La devise « Socialisation des pertes, privatisation des profits » n’a jamais été aussi appropriée.
Pour les aides aux entreprises qui ont une justification, la première des mesures à prendre est d’exiger des contreparties, notamment des garanties en termes d’emploi et d’investissement.
La réduction des aides aux entreprises doit également se traduire par de la dépense directe. Ce ne sont pas les besoins qui manquent, pour développer les services publics comme la santé, l’éducation, les transports.
C’est évidemment moins valorisé par le PIB[1] mais sans commune mesure en termes d’intérêt général et de bien-être collectif.
Avec 15 milliards d’euros, soit seulement un dixième de ce qu’on dépense chaque année pour les entreprises on peut recruter 300 000 fonctionnaires. Et ce sans compter les recettes supplémentaires (ex : cotisations sociales) et les économies de dépenses (ex : allocations chômage) que cela engendrerait
[1] Les services publics ne sont valorisés dans le PIB qu’à leur coût de production