Congés payés et arrêt maladie : vos nouveaux droits

Publié le 24 mai. 2024
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Grâce aux batailles menées par la CGT, le gouvernement n’a eu d’autres choix que de modifier le Code du travail pour le mettre en conformité avec le droit de l’Union Européenne s’agissant de l’acquisition de congés payés en arrêt maladie. C’est une immense avancée pour les droits des travailleur∙ses !

Cependant, force est de constater que le gouvernement s’est contenté d’une application a minima du droit de l’Union, qui n’est pas satisfaisante.

Si la CGT, qui se bat depuis des années pour l’application du droit de l’Union, a pesé dans les discussions pour que la transposition de la directive soit la plus favorable possible, nous avons dû faire face à un patronat qui a toujours refusé d’appliquer les décisions de la Cour de cassation et a mis la pression au gouvernement pour limiter la portée du revirement, et à un gouvernement à l’écoute du patronat perpétuant le statu quo face à l’évidente contrariété du droit français.

Les salarié∙es paient donc le prix d’une obstination politique à les priver de leurs droits qui dure depuis des années.

Voici donc le décryptage de ce que prévoit aujourd’hui le Code du travail, des moyens d’actions des travailleur∙ses et de leur représentant∙es pour les faire appliquer, et des pistes que nous devons continuer de creuser pour améliorer le droit actuel.

L'acquisition de congés payés

 

Alors que le gouvernement affiche un objectif de simplification, les nouvelles règles de décompte des congés payés sont très complexes car les salarié∙es n’acquièrent pas le même nombre de jours de congés selon l’origine de leur arrêt. C’est une parfaite illustration du fait que la simplification prônée n’est qu’un prétexte pour détricoter les droits des travailleur.euses.

 

Les arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle

 

La limite d’un an pour l’acquisition de congés payés pour ces arrêts est supprimée. Désormais, les salarié∙es en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle acquièrent des congés payés pendant la totalité de leur arrêt, quelle que soit sa durée.

Les arrêts pour maladie non professionnelle

 

Jusqu’au revirement de la Cour de cassation de septembre 2023, les salarié∙es n’acquéraient pas de congés payés en arrêt maladie, ce qui était contraire au droit de l’Union Européenne. Désormais, les salarié∙es acquièrent des congés payés en arrêt maladie. Cependant, le gouvernement a décidé de restreindre le plus possible les droits des travailleur∙ses, en limitant à 2 jours par mois donc 24 jours ou 4 semaine par an (contre 2,5 jours par mois donc 5 semaines par ans en principe) les congés payés acquis en arrêt, ce qui correspond au minimum garanti par le droit de l’Union.

Pour la CGT, ces règles sont discriminatoires et contraires au droit de l’Union. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait traiter différemment des salarié∙es selon l’origine professionnelle ou non de leur arrêt maladie, en validant la possibilité d’acquérir moins de droits à congés en arrêt maladie d’origine non professionnelle qu’en arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail. Il ne s’est pas prononcé sur le fait que cela crée une discrimination en raison de l’état de santé, puisque les salarié∙es malades acquièrent moins de droits que les salarié∙es non malades ! Toutefois, dans un avis rendu le 11 mars 2024, le Conseil d'Etat avait déduit de cette décision que la différence de traitement entre salarié∙e en arrêt maladie et les autres salarié∙es, ne méconnaissait pas le principe constitutionnel d'égalité (CE, avis, n°408112, 11 mars 2024). Nous pensons que cette question mérite d’être portée au niveau européen.

 Le report des congés payés 

 

L'information du ou de la salarié.e par l'employeur

 

Lors du retour de ou de la salarié∙e dans l’entreprise après un arrêt de travail pour maladie, quelle qu’en soit l’origine, l’employeur doit porter à la connaissance du ou de la salarié∙e les informations suivantes (article L. 3141-19-3 nouveau du Code du travail) :

  • le nombre de jours de congé dont il dispose ;
  • la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

 

Cette obligation s’impose au retour de chaque arrêt de travail, même s’il est sans effet sur les droits à congés (donc les arrêts de courte de durée ou ne dépassant pas la période de prise).

 

L’employeur a 1 mois à compter de la reprise pour communiquer ces informations. Cette information s'effectue par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment par le biais du bulletin de paie.

 

Sauf exceptions, cette information est le point de départ du délai de report de 15 mois (cf. ci-après).

 

Pour la CGT, ces dispositions sont insuffisantes et le droit français reste contraire au droit de l’Union. En effet, pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, le critère n’est pas l’information du ou de la salarié∙e sur son droit à congé, mais le fait pour l’employeur de mettre le ou la salarié∙e en mesure de prendre ses congés. Or, compte tenu des règles de report expliquées ci-dessous, un∙e salarié∙e en retour d’arrêt peut très bien être informé∙e qu’il ou elle n’a plus de congés ou que ses possibilités de prises sont restreintes (par exemple : le nombre de jours de congés à prendre est supérieur au temps qu’à le ou la salarié∙e pour les prendre).

Le report limité à 15 mois

 

Dans la crainte infondée d’un cumul infini des droits à congés des salarié∙es malades sur une longue période, le gouvernement a voulu circonscrire dans le temps la possibilité de reporter les congés payés acquis. Le texte distingue 2 situations :

 

  • Congés acquis avant l'arrêt : lorsqu'un∙e salarié∙e est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il ou elle a acquis, il ou elle bénéficie d'une période de report de 15 mois afin de pouvoir les poser. La période de report débute à la date à laquelle le ou la salarié∙e est revenu∙e dans l’entreprise et a reçu de son employeur les informations relatives à ses droits à congés (cf. ci-dessus).

 

  • Congés acquis pendant l'arrêt : si un.e salarié.e n’a pas pu prendre ses congés car en arrêt maladie d’au moins 1 an, les congés acquis au titre de cette période d’arrêt maladie qu’elle que soit son origine sont reportés sur 15 mois mais la période de report ne début pas au retour du ou de la salarié.e dans l’entreprise, mais à la fin de la période de référence au titre de laquelle les congés ont été acquis. Si le ou la salarié.e reprend le travail alors que la période de report n’est pas terminée, elle est suspendue jusqu’à ce que l’employeur l’ai informé de ses droits à congés.

 

Au-delà du délai de report, le ou la salarié.e perd ses congés ! 

 

Les nouvelles dispositions légales ne prévoient pas la possibilité de déroger aux règles d’ordre public relatives au point de départ de la période de report.

Exemple

 

Dans une entreprise ou les congés sont acquis du 1er juin de l’année N -1 au 31 mai de l’année N et posés du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1. Un∙e salarié∙e est en arrêt du 1er juin 2022 au 1er janvier 2024 soit 1 an et 7 mois. Iel a acquis des congés du 1er juin 2022 au 31 mai 2023 (période d’acquisition), et a du 1er juin 2023 au 31 mai 2024 pour les poser (période de prise). Dans cette hypothèse, il faut distinguer les congés acquis avant l’arrêt qui n’ont pas pu être pris, de ceux acquis au titre de l’arrêt.

 

  • Pour les congés acquis avant l’arrêt qui n’ont pas pu être posés en raison de cet arrêt (donc les congés dont la période de prise allait du 1er juin 2022 au 31 mai 2023) : la période de report pour la prise de ces congés commence au retour du ou de la salarié∙e dans l’entreprise, quand l’employeur l’a informé∙e de ses droits à congés. En imaginant que l’employeur donne ces infos le jours de la reprise, la période de report de 15 mois commence le 1er janvier 2024.

 

  • Pour les congés acquis pendant l’arrêt (période d’acquisition du 1er juin 2022 au 31 mai 2023). La période de report de 15 mois commence à la fin de la période d’acquisition, donc le 1er juin 2023. Le ou la salarié∙e reprend le travail le 1er janvier 2024, en imaginant que l’employeur lui donne les informations sur ses congés le jour de sa reprise, il reste donc 8 mois de période de report au ou à la salarié∙e (15 mois moins les 7 écoulés en arrêt entre le 1er 2023 et la reprise le 1er janvier).

Faire valoir ses droits ! 

 

Ne souhaitant pas fâcher le patronat, déjà très contrarié de voir les salarié∙es bénéficier de nouveaux droits, le gouvernement n’a pas prévu de système de régularisation contraignant, obligeant les employeurs à rétablir les salarié∙es dans leurs droits.

C’est donc aux salarié∙es, accompagné∙es par leurs représentant∙es, de réclamer leurs dus !

Application de la loi dans le temps : rétroactivité limitée

 

Les nouvelles règles s’appliquent rétroactivement à compter de l’entrée en vigueur de la loi (24 avril 2024) jusqu’au 1er décembre 2009.

 

Pourquoi jusqu’au 1er décembre 2009 ? Car c’est la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a donné une réelle valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Or cette Charte est le texte sur lequel la Cour de cassation s’est fondée pour juger de la contrariété du droit français au droit de l’Union, faute de pouvoir se fonder sur la directive relative aux congés payés qui n’a pas d’effet direct entre les particuliers.

 

Ce point de départ est discutable, dans la mesure où la directive relative aux droits à congés payés date de 2003 voire de 1993, et que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne date de 2000. Ici encore, on voit que le législateur a pris la date la plus récente pour restreindre le plus possible les droits à régularisation des salarié.es.

 

A noter que le législateur n’a visé que les congés acquis au titre des périodes pour arrêt maladie d’origine non professionnelle. Cela pourrait signifier qu’il est possible de remonter plus loin pour la récupération des congés payés non acquis au-delà d’un an en cas d’arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle ?

 

Ce qui est certain, c’est que les salarié∙es peuvent donc demander à leur employeur les droits à congés qu’ils n’ont pas acquis à cause de période d’arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009.

 

Les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 24 avril 2024 par la loi du 22 avril 2024, appelée loi DDADUE 2. Toutefois, il était possible pour les salarié∙es de faire valoir leurs droits avant cette loi sur le fondement des jurisprudences de la Cour de cassation du 13 septembre 2023.

4 ou 5 semaines ?

 

« La loi ne stipule que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. » nous dit l’article 2 du Code civil. Cela signifie que la régularisation doit s’opérer en partant du principe que les salarié∙es en arrêt maladie d’origine non professionnelle pouvaient acquérir 2,5 jours par mois de congés payés donc 30 jours par an (ou plus si disposition conventionnelle plus favorable). La restriction à 2 jours par mois et 24 jours par an pour les maladies d’origine non professionnelle ne s’applique que pour l’avenir, c’est-à-dire pour les arrêts débutant après le 24 avril 2024.

 

Ce n’est pourtant pas ce que prévoit la loi qui précise que, la rétroactivité ne pourrait pas conduire à ce qu’un∙e salarié∙e bénéficie de plus de 24 jours de congés payés par année d’acquisition des droits à congés, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette période. Ce point sera probablement l’objet de contentieux !

 

Si ces règles sont communes, les délais pour réclamer leurs droits sont différents selon que le ou la salarié∙e est toujours en poste ou non.

Pour les salarié.es toujours en poste dans l'entreprise

 

C’est aux salarié∙es de faire la demande auprès de leur employeur, que rien n’oblige à procéder automatiquement à la régularisation. La CGT met à disposition deux modèles de courriers, un pour les salarié∙es et un pour les syndicats, pour faire les demandes de régularisation des droits à congés.

 

Toujours dans l’optique de limiter le plus possible la transposition en droit français des dispositions plus favorables du droit l’Union, le législateur a instauré « un délai de forclusion » de 2 ans au-delà duquel le ou la salarié∙e ne peut plus réclamer ses droits. Autrement dit, à compter du 24 avril 2024, les salarié∙es ont 2 ans pour réclamer à leur employeur les congés payés qui leurs sont dus, soit jusqu'au 23 avril 2026 minuit. La forclusion, à la différence de la prescription, ne peut pas être interrompue ni suspendue. Cela signifie qu’un∙e salarié∙e en arrêt longue durée au moment de la publication de la loi se voit quand même imposer ce délai butoir de 2 ans.

 

Pour la CGT, ce délai de 2 ans est contraire au droit de l’Union, dans la mesure où il empêche les salarié∙es de bénéficier des droits qu’ils tiennent du droit européen.

Pour les salarié.es ayant quitté l'entreprise 

 

Prescription triennale : Le délai de prescription prévu pour les créances salariales s’applique, c’est-à-dire un délai de 3 ans à compter de la rupture du contrat de travail. Pour tous les salarié∙es qui ont quitté leur emploi avant le 24 avril 2021 leurs droits à congés sont donc prescrits et ne pourront plus faire valoir leurs droits.

 

Montant de l’indemnité compensatrice de congés payés : là encore, le législateur a essayé de réduire au minimum la portée des droits des salarié∙es. Il y a deux modalités de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés : la règle « du dixième » et celle « du maintien de salaire ». S’agissant de la règle du dixième, la nouvelle loi prévoit que le salaire fictif des absences pour accident ou maladie non professionnels, selon l’horaire de travail de l’établissement, est pris en compte dans la limite de 80 %. Mais l’indemnité de congés payés ne pouvant pas être inférieure au salaire que le ou la salarié∙e aurait perçu s’il ou elle avait travaillé, la règle du maintien de salaire sera probablement plus favorable. Il faudra donc veiller aux modalités de calcul !

 

Bien que cela ne soit pas précisé dans la loi, il faut considérer que l’effet libératoire de la signature du reçu pour solde de tout compte n’empêche pas les salarié∙es de demander un rappel d’indemnité compensatrice de congés payés.

Quels contentieux ?

 

Que les salarié∙es soient toujours en poste ou non, des premiers contentieux sont déjà bien avancés à ce sujet. Les conseils de prud’hommes et les cours d’appel reconnaissent la possibilité de demander en référé une provision sur indemnité de congés payés, puisqu’il n’y a aucun doute juridique sur le fait que la demande soit fondée (voir flash info DLAJ n°64, 65, 66 et 68).

 

Les Conseils de prud’hommes et les Cours d’appel n’ont pas non plus attendu la loi pour faire appliquer les jurisprudences de la Cour de cassation (voir flash info DLAJ précités).

 

Au-delà de l’application du droit tel que prévu a minima par le législateur, nous pouvons continuer de faire valoir la contrariété du droit français au droit de l’Union sur le fondement des différents points évoqués dans cette note. Comme cela est malheureusement toujours le cas, ce sera aux salarié∙es de supporter le poids et le coût de contentieux inévitables compte tenu de l’usine à gaz bancale proposée par le législateur.


 

La lutte pour les droits des salarié∙es se poursuit face au gouvernement et au patronat. Il serait utile que les collectifs DLAJ présents dans nos organisations réunissent les délégué∙es syndicaux∙les ou dirigeant∙es de syndicats, les défenseur∙ses syndicaux∙les et les conseiller∙es prud’hommes pour leur expliquer ces règles nouvelles qui peuvent paraitre complexes mais qu’il est important de faire vivre et appliquer dans toutes les entreprises et dans les conseils de prud’hommes.

Trois types d’actions sont à développer : bien accompagner les salarié∙es pour faire valoir leurs droits, repérer des situations où certain∙es sont discriminé∙es pour mener des contentieux qui feront jurisprudence, même si cela prend des années, et obtenir des accords collectifs d’entreprise et de branche meilleurs que la loi.

Nous vous remercions de porter à la connaissance de la confédération (à l’adresse dlaj@cgt.fr) ces contentieux pour faire encore progresser le droit ainsi que les accords qui serviront de modèles dans toutes les négociations. 

Vous retrouverez ci-dessous en téléchargement la notre complète, ainsi que es modèles de courriers de demande de régularisation. 

Repère revendicatif