
AME : Aide médicale d’état – une nécessité humanitaire et de santé publique !
Les débats autour du PLFSS 2025 ont fait ressortir les marronniers de la droite et de l’extrême droite. La mise en place d’un nouveau jour de solidarité a été une nouvelle fois défendue par la droite sénatoriale et votée par celle-ci dans le cadre de la lecture du texte au Sénat. C’est maintenant au tour de l’Aide Médicale de l’Etat (AME) qui est une nouvelle fois présentée comme l’un des maux de la protection sociale française.
Il faudrait donc, pour le premier ministre encore en exercice, baisser les prestations prises en charge dans le cadre de cette aide spécifique aux personnes présentes sur le territoire français en situation irrégulière et ne disposant pas de droit à la Sécurité sociale.
Mais qu’est ce que l’AME et qui peut y accéder aujourd’hui ?
Mis en place en 2000, l’AME est un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. Elle est attribuée sous conditions de résidence et de ressources. Celle-ci permet une prise en charge à 100 % des soins médicaux et d'hospitalisation en cas de maladie ou de maternité dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale, au tiers payant. Il n'y a pas à payer ni franchise médicale ni participation forfaitaire ni forfait hospitalier ni ticket modérateur ni forfait 18 €. Les frais médicaux pris en charges le sont seulement à destination du traitement direct d’une maladie et le service médical rendu doit être moyen ou important. Pour les mineurs, les frais médicaux sont pris en charge à 100% dans tous les cas.
Aujourd’hui l’AME devrait représenter une dépense d’1,3 mds pour 2025 selon la copie du gouvernement, soit 0,5% des dépenses de santé prévues par le budget de la Sécurité sociale, bien qu’elle soit financée sur le budget de l’état et non par la Sécurité sociale.
En 2023, on comptait 466 000 bénéficiaires de l’AME soit 13,5% de plus qu’en 2015 avec une croissance accélérée depuis 2019 [1]. Il existe des disparités d’âge importantes avec plus de 87 000 mineurs bénéficiaires en 2023, 280 000 personnes entre 18 et 59 ans et plus de 24 000 personnes de plus de 60 ans. Les bénéficiaires sont majoritairement des résidents en Ile de France ou dans les Bouches du Rhône et en Guyane. Cette couverture santé, bien qu’imparfaite, reste un pilier essentiel pour les personnes étrangères en situation précaire, dont une grande proportion sont des femmes : 192 000 femmes sont concernées par l’AME, selon les dernières données disponibles. Le ministre des comptes publics propose de modifier le calcul d’admission en intégrant les revenus du conjoint, menaçant de priver des dizaines de milliers de femmes de couverture santé.
Plus de 50% des personnes qui pourraient prétendre à l’AME n’en font pas la demande selon l’IRDES, tout cela du fait de la difficulté d’accès au dispositif largement documentée par plusieurs rapports [2].
Le texte issu de la commission mixte paritaire (CMP) prévoit une prévision d’économie de 200 millions d’euros sur l’AME via une réforme du périmètre des actes pris en charges par cette aide.
Cette aide représente une bien maigre barrière contre la grande pauvreté et la santé dégradée des immigré.es présent.es illégalement sur le territoire qui voyagent vers la France, après des parcours souvent très difficiles, et pour fuir des conditions de vie très dures.
Enfin, même s’il ne s’agit pas d’un argument qui se suffit à lui seul, la santé d’une population c’est la santé de toutes et tous, et la légalité ou non de la présence sur un territoire n’y change rien. Laisser des personnes en mauvaise santé, c’est exposer l’ensemble de la population à une dégradation de sa santé comme le signalait récemment une tribune contre la suppression de l’AME signée par 3500 médecins.
L’expérience de suppression en Espagne devrait aussi nous alerter sur les risques d’une telle remise en cause : après une suppression en 2012 et une augmentation de 15% de la mortalité des immigrés sans papiers, un équivalent de l’AME a été remis en place en 2018. Mieux prendre en charge les personnes immigrées sans papiers et le danger constaté de propagation de maladies contagieuses pour toute la population est une nécessité sanitaire mais surtout une nécessité politique et morale !
La CGT dénonce depuis de nombreuses années ces attaques qui encore aujourd’hui correspondent à une énième stratégie de séduction de l’extrême droite. Elles sont une nouvelle atteinte au principe même de solidarité et d’aide aux plus démunis qui constitue notre modèle de protection sociale.
[1] Rapport AME – Evin/Stefanini – Décembre 2023
[2] « Entraves dans l’accès à la santé : les conséquences de la réforme de 2019 sur l’accès à l’aide médicale de l’Etat », Rapport d’enquête inter associatif, Avril 2023 ; Institut des politiques publiques, « Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l’aide médicale de l’État », Rapport, n° 43, Mai 2023