Mémo éco - NAO 2025 : le pouvoir d'achat des travailleur·ses encore mis à mal !

Publié le 19 déc. 2024
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Selon une étude flash publiée par le centre études et data du Groupe Alpha, les premiers chiffres des Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) révèlent des négociations 2025 plus tendues sur les salaires, et donc des mesures salariales en nette baisse par rapport aux années précédentes et une réduction du nombre de signatures d’accords. Ces mesures salariales ne sont en moyenne pas suffisantes pour combler l’inflation prévue en 2025. Elles risquent alors d’aggraver les pertes de pouvoir d’achat que connaissent déjà les travailleuses et les travailleurs depuis la crise inflationniste déclenchée mi-2021. 

Des augmentations de salaires en baisse par rapport à 2024

 

D’après l’étude du Groupe Alpha concernant les NAO 2025, moins d’accords salariaux ont été signés puisqu’à mi-novembre 2024, ce sont 242 accords d’évolution des salaires qui ont été signés, contre 262 l’année dernière. Cela montre sans doute une tendance pour les nombreuses négociations en cours et à venir.

 

Par ailleurs, le montant moyen des augmentations totales (augmentations générales et augmentations individuelles) est pour l’instant en net recul par rapport à l’année dernière, avec 2,33% d’augmentation en moyenne en 2025 contre 3,48% en 2024 toutes catégories socio-professionnelles confondues[1]. Les augmentations sont de 2,23% pour les cadres, 2,36% pour les professions intermédiaires et 2,41% pour les ouvrier∙es et les employé∙es, contre respectivement 3,37%, 3,55% et 3,58% en 2024[2].

 

Ces mesures ne concernent que les entreprises qui ont signé des accords salariaux. Le groupe Alpha a en effet identifié que près de 43% des entreprises n’ont pas négocié de budget d’augmentation des salaires, privilégiant les primes et les éléments périphériques de la rémunération comme le forfait mobilité durable. Si on tient compte de ces entreprises, le montant moyen des augmentations totales est désormais de 1,33% en 2025. Celles-ci sont en moyenne de 1,23% pour les cadres, 1,34% pour les professions intermédiaires et 1,38% pour les ouvrier∙es et employé∙es.

 

Les entreprises ont également moins recours à la prime de partage de la valeur (PPV) que lors des NAO précédentes (30% en 2024, 19% en 2025), et le montant moyen de la PPV qui est accordé est aussi plus faible (862 euros en 2024, 714 euros en 2025). Au bout du compte, ce sont donc tous les éléments de la rémunération des travailleur·ses qui sont sérieusement orientés à la baisse.

 

Un des arguments mobilisés par le patronat pour freiner les augmentations de salaires est celui du ralentissement de l’inflation en 2025. Il est alors nécessaire de rappeler ici deux éléments. D’abord, nous avons montré dans le mémo éco n°142 qu’il est préférable d’utiliser l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) produit par l’Insee pour Eurostat plutôt que l’indice des prix à la consommation (IPC) produit par l’Insee et privilégié par le gouvernement et le patronat. L’IPCH est plus proche de la réalité des dépenses des ménages puisqu’il ne prend en compte que les seules dépenses qui restent à leur charge. La Banque de France prévoit une hausse de 1,5% de l’inflation IPCH en 2025. De ce fait, les augmentations de salaires prévues en 2025 seraient insuffisantes pour compenser la hausse du niveau général des prix, entrainant une nouvelle perte de 0,2 point de pourcentage de pouvoir d’achat.

 

[1] Selon le centre études et data du Groupe Alpha, les résultats présentés ici se basent sur un échantillon représentatif à la fois des accords de salaires disponibles sur le site Légifrance et représentatif de l’économie française.

[2] Il faut noter que le montant moyen des augmentations générales diminue plus fortement entre 2024 et 2025 que celui des augmentations individuelles. Selon le groupe Alpha, « cela traduit un changement de priorité avec un recul de la logique de maintien de pouvoir d’achat au profit d’une logique de rémunération de la performance ». 

Des pertes de pouvoir d’achat qui risquent d’être durables

 

Ensuite, dans le mémo éco n°138 sur les salaires et l’inflation en 2023, nous avions insisté sur la nécessité de tenir compte des pertes de pouvoir d’achat des salarié∙es qui se sont accumulées depuis le début de la crise inflationniste à l’été 2021. En effet, même si l’inflation ralentit, les prix ne diminuent pas : ils ne reviennent pas à ce qu’ils étaient avant la crise inflationniste. Même si l’inflation ralentit, les prix continuent d’augmenter et ils le font à partir d’un niveau qui est désormais plus élevé[3]. En comparant le niveau des salaires et des prix d’aujourd’hui à ce qu’ils étaient il y a quatre ans, on peut faire apparaitre les gains ou les pertes cumulées de pouvoir d’achat. Le Graphique 1 ci-dessous montre que sur les quatre dernières années, les travailleuses et les travailleurs ont perdu plus de 4 points de pouvoir d’achat !

 

Évolution du salaire horaire de base des ouvriers et des employés et du salaire mensuel de base déflatés par l’indice des prix à la consommation harmonisé entre le deuxième trimestre 2020 et le troisième trimestre 2024.

 

Concrètement, pour un∙e travailleur∙se rémunéré∙e au salaire médian, cette perte de 4 points depuis 2020 se traduit par une perte, en 2024, de près de 130 euros de pouvoir d’achat par mois, soit 1560 euros par an !

 

Une autre façon de se représenter l’ampleur de ces pertes est de se demander à quelle année dans le temps elles nous ramènent en termes de pouvoir d’achat. À partir des données de la Dares, nous montrons qu’en septembre 2024, le pouvoir d’achat du salaire mensuel de base est revenu à son niveau de juin 2013 ! En d’autres termes, les pertes de pouvoir d’achat qui ont eu lieu entre 2020 et 2024 ont complétement effacé les « gains » qui avait été faits entre 2013 et 2020, faisant ainsi disparaitre 7 ans de progression salariale, et faisant revenir les travailleuses et les travailleurs 11 ans en arrière. C’est ce que montre le Graphique 2 ci-dessous.

 

Évolution du salaire horaire de base des ouvriers et des employés et du salaire mensuel de base déflatés par l’indice des prix à la consommation harmonisé entre le deuxième trimestre 2013 et le troisième trimestre 2024.

 

En reprenant les projections macroéconomiques de la Banque de France sur l’inflation, nous avions montré que les salaires devaient augmenter d’au moins 4,5% par an en moyenne en 2024 et en 2025 pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat subies depuis le début de la crise inflationniste[4]. On est alors (très) loin des politiques salariales qui viennent d’être négociées, qui sont en moyenne de 1,3% (alors qu’en 2024 elles étaient de 3,5%).   

Sans augmentation importante des salaires en 2025, les pertes de pouvoir d’achat risquent donc bien d’être aggravées et durables.

 

[3] La baisse du niveau général des prix (IPC ou IPCH) s’appelle la déflation. En revanche, un ralentissement dans la hausse des prix s’appelle la désinflation. Par exemple, si l’inflation ralentit et passe de 2 à 1%, on parle de désinflation. Par contre, lorsque l’inflation passe de 2 à -1%, les prix baissent désormais et on parle alors de déflation.

[4] En effet, il s’agit ici de la fourchette basse étant donné que c’est le montant minimum d’augmentation nécessaire pour que les travailleur·ses récupèrent ces pertes de pouvoir d’achat. Mais le patronat devrait également prévoir dans leur budget d’augmentation des hausses de salaires plus importantes afin d’améliorer le pouvoir de vivre des travailleur·ses. 

 

À retenir 

 

  • Selon une étude du groupe Alpha, les NAO 2025 devraient aboutir sur des augmentations de salaires en nette baisse, avec une hausse attendue de 1,33% en moyenne en 2025 toutes catégories socio-professionnelles confondues contre 3,48% en 2024.
  • Si on tient compte de l’inflation IPCH annoncée pour 2025 et des pertes de pouvoir d’achat qu’ont déjà subi les travailleuses et les travailleurs depuis l’été 2021 avec la crise inflationniste, les budgets d’augmentations pour 2025 sont (très) largement insuffisants.
  • Il est donc primordial d’utiliser l’IPCH plutôt que l’IPC lors des NAO.
  • Les salaires devraient en effet augmenter d’au moins 4,5% par an en moyenne en 2024 et en 2025. Si tel n’est pas le cas, les pertes de pouvoir d’achat risquent alors d’être aggravées et durables.
  • En septembre 2024, le pouvoir d’achat du salaire mensuel de base était déjà revenu à son niveau de juin 2013.

 

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