Mémo Sécu n°27 : L'accueil de la petite enfance ou la gestion de la pénurie

Publié le 13 jan. 2025
Image

Le 12 décembre 2024, la Cour des Comptes a publié un énième rapport relatif à l’accueil de la petite enfance intitulé « La politique d’accueil du jeune enfant ». Ce rapport fait suite à de multiples publications de l’IGAS ou de rapports parlementaires qui pointaient des problèmes d’accueil de plus en plus importants sur l’ensemble du territoire. Si la plupart des études relatives à l’accueil des jeunes enfants relèvent la plus grande pertinence de l’accueil collectif par rapport à l’accueil individuel, les propositions de la Cour de Comptes s’éloignent assez fortement de ce constat et proposent plutôt une énième stratégie de gestion de la pénurie d’accueil collectif et individuel.

La Cour des comptes alerte spécifiquement sur le manque d’accès à tout type d’accueil pour 29% des parents. Ceux-ci ne bénéficient ni de places en crèches ni d’aides à l’accueil individuel. Par ailleurs, l’ensemble des territoires ne subissent pas les mêmes contraintes et les inégalités territoriales tendent à s’accentuer au fil des ans. Enfin l’information sur l’offre et sur l’attribution des places serait partielle et diversement lisible .

La CGT alerte les pouvoirs publics sur ce phénomène depuis plusieurs années et d’importantes mobilisations ont lieux pour défendre les travailleuses de ce secteur. Le déploiement d’un réel service public d’accueil de la petite enfance ne pourra être mis en œuvre que sous les modalités du développement d’un accueil collectif qui réponde à la fois aux attentes des parents et à leurs besoins d’articulation avec leurs activités professionnelles et à la fois aux besoins des professionnelles en termes de qualité d’accueil, de conditions de travail et de rémunération. Une réforme des congés paternels, maternels et parentaux, partagés et mieux rémunérés viendrait confirmer la mise en œuvre d’un tel service public.

Les points importants à retenir

  • La Cour des comptes développe une vision financière de l’accueil de la petite enfance. Ses propositions ne partent pas de la réponse aux besoins des familles et des professionnelles ;
  • La Cour de comptes propose de gérer la pénurie en :
    • Augmentant les plafonds de participation financière des familles en structures collectives ;
    • Reportant la charge sur l’accueil individuel, moins cher pour les finances publiques.
  • La Cour des comptes appelle à la suppression du crédit impot famille (CIFAM);
  • La Cour des comptes invite à travailler sur la réforme du congé maternité sans faire de propositions précises.
Modifier le financement pour renforcer l’accueil individuel et gérer la pénurie

La Cour des comptes envisage, à la vue de la pénurie croissante de place d’accueil collectif et individuel de renforcer ce dernier, sous couvert d’un plus faible coup pour les finances publiques. Elle propose un constat très centré sur la question du coût plutôt que sur les besoins : « Les financements publics privilégient l’accueil en crèche, certes plus demandé par les parents mais plus coûteux. Plusieurs projets déjà actés ou à l’examen, comme l’augmentation du nombre d’adultes par enfant en crèche ou la création de 200 000 places d’accueil envisagée par le gouvernement d’ici 2030, pourraient alourdir le coût pour les finances publiques de plusieurs milliards d’euros par an »

La Cour des comptes attaque aussi la PSU (Prestation de Service Unique) qui vise à financer les structures collectives et qui souffrirait d’imperfections et pourrait influencer les professionnels à privilégier des accueils occasionnels peu organisés au détriment de la qualité du service et de bien être des personnels et des parents. Enfin, elle rappelle les différences importantes de restes à charge pour les familles entre accueils collectifs et individuels, le second étant plus couteux, et se félicite de la réforme du CMG qui devrait être mis en œuvre en septembre 2025 pour limiter ce phénomène. Contre toute attente et contre les prescriptions de la plupart des spécialistes de la petite enfance, la CDC invite a renforcer la limitation de cet égard de reste à charge et à stimuler l’accueil individuel.

Ce renforcement devrait passer par deux mécanismes permettant de dégager des « marges d’efficience » :

  • Le rehaussement progressif du plafond des participations financières demandées aux familles pour l’accueil dans les crèches dites PSU qui doit être renforcé ;
  • L’encouragement de l’accueil individuel qui est, pour le CEC, le moins couteux pour les finances publiques. Par étonnant, lorsque celles-ci doivent payer leur outil de travail, n’ont pas ou peu de formations diplômantes et n’ont que très faiblement accès à des formations tout au long de leur carrière.

 

Néanmoins, dans la continuité d’un précédent rapport de l’IGAS, la Cour des comptes appelle à la suppression du Crédit Impot Famille (CIFAM). Elle indique « qu’il serait préférable de la supprimer progressivement et de redéployer les moyens correspondants au bénéfice du développement de l’offre d’accueil dans les territoires sous-dotés ». La CGT ne peut que s’accorder avec une telle proposition. Aussi, si la CGT est critique de la PSU, il ne s’agit pas d’instrumentaliser un tel dispositif pour augmenter le reste à charge des familles qui ont recourt à l’accueil collectif et faire supporter les besoins d’accueil par des assistantes maternelles, faiblement rémunérées et peu formée. Elles ne doivent pas être la roue de secours à une désertion du secteur par la puissance publique.

Pour le président de la Cour de comptes, il est donc impératif de répondre le plus rapidement à la pénurie mais sans pour autant que cette réponse soit à la hauteur des besoins : il faut privilégier le moindre coût, l’accueil individuel est donc tout désigné !

 

Qualité et spécificité territoriale renforcé dans les critères de financement

La Cours des comptes suggère aussi d’ajuster plus précisément les capacités d’accueil à la demande. Le rapport indique ainsi que « la répartition des financements publics de la branche famille devrait davantage tenir compte de la capacité du territoire à développer l’offre d’accueil, selon la richesse de sa population, de la collectivité concernée et des entreprises. La part de financement liée à l’activité, à travers la prestation de service unique, pourrait être réduite d’autant". Le rapport suggère donc :

  • De renforcer le volet territorial des financements mais aussi de revenir directement sur la PSU ;
  • De mettre en place un financement des structures par la caisse d’allocations familiales sur une base forfaitaire à la demi-journée ;
  • De mieux intégrer la qualité dans les critères allocations des financements.
Prolonger le congé maternité  

La Cour des comptes ne se prolonge que de manière succincte sur l’allongement du congé maternité ou une amélioration de la rémunération du congé parental. Au-delà de suggérer qu’il s’agit d’un sujet qui mérite d’être étudié, elle considère que les modalités d’accueil existantes permettent aux parents, surtout les femmes, de concilier vie professionnelle et vie familiale.

La CGT rappelle que le congé parentalité s’intègre dans un schéma global de revendications pour l’égalité entre les femmes et les hommes, et plus précisément pour l’émancipation de toutes les femmes. Cet objectif est loin d’être atteint puisque 10 ans après la première réforme du congé parental, les femmes et les hommes sont toujours loin d’être égaux face à la parentalité : seulement 1 % des pères recourent au congé parental et le nombre d’allocataires a été divisé par deux. Elle suggère plusieurs modifications :

  • L’allongement du congé maternité à 6 mois et du congé de « paternité et d’accueil de l’enfant » pour l’autre parent ;
  • Un congé parental plus partagé, en portant sa durée à 6 mois par parent et mieux rémunéré

 

Il faut mettre fin à la dégradation des conditions de travail du secteur, à la maltraitance institutionnelle qui porte tant sur les enfants que sur les professionnelles. Il est nécessaire de mettre au centre de l’accueil la qualité pour limiter ces situations. La CGT revendique ainsi l’organisation et le développement d’un véritable service public de proximité, d’accueil des jeunes enfants financièrement accessible à toutes et tous, ainsi qu’un service périscolaire pour la prise en charge des enfants à l’école dès l’âge de 2 ans.

 

 

Repère revendicatif