Mémo Sécu n°36 : Exemptions d'assiettes sociales : une attaque contre les droits des travailleur·ses

Publié le 28 avr. 2025
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Aujourd’hui, l’ensemble des salaires versés sont soumis aux cotisations sociales. Néanmoins, il existe des exonérations de cotisations sociales sur ces salaires, de plus en plus importantes en volume.  96% s’appliquent à l’ensemble des salaires et 4% sont ciblés sur des critères spécifiques (secteur, géographie, âge…).

A côté, de nouvelles formes de rémunérations du travail se développent depuis plusieurs années. Pour une part, ces rémunérations ne sont pas soumises à cotisations sociales. On parle alors de revenus exemptés de cotisations sociales et plus généralement de prélèvements sociaux. On appelle donc exemptions d’assiette sociale, que nous simplifierons par exemptions dans ce mémo, un mécanisme qui consiste à ne pas soumettre à des prélèvements, dans notre cas les cotisations sociales, certains revenus alors que toutes les rémunérations d’un travail se doivent de l’être. Exonérations et exemptions sont donc deux dispositifs distincts, à ne pas confondre.

Ces exemptions ont la particularité d’être adossées à des dispositifs de rémunération facultatifs dépendants de l’employeur et de la négociation dans l'entreprise. Elles favorisent donc des dispositifs inégalitaires que l’on retrouve majoritairement dans les grandes entreprises.

L’un des dispositifs les plus connus reste la prime « Macron » ou prime de partage de la valeur dont une part importante est exemptée de cotisations sociales. Comme indiqué dans l’annexe 4 du PLFSS, l’ensemble de ces exemptions représenterait en cumulé une perte de recette nette de 15 milliards d’euros en 2025 pour la Sécurité sociale dont plus de 4 milliards pour la part relative à la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié. 

Les points importants à retenir

  • Les exemptions d’assiettes sociales limitent les droits des assurés sociaux ;

  • Les exemptions sont très partiellement compensées par le forfait social qui s’applique à la plus grande part des rémunérations exemptées ;

  • Les exemptions ne sont pas compensées par l’Etat. Il s’agit d’une perte sèche de recettes pour la Sécurité sociale de plus de 15 milliards nets pour 2025 ;

  • Les exemptions sur la participation, l’actionnariat salarié et l’intéressement s’élèveront à près de 4 milliards d’euros en 2025.

Des exemptions en constante évolution

Les mesures dites d’exemptions d’assiettes sociales sont très diverses. Elles s’appliquent à la fois à l’intéressement, aux indemnités de licenciement ou aux titres restaurants.

En 2025, ces exemptions portent sur les éléments de rémunération pour des montants de :

  • 4,1 milliards d’euros net sur la participation financière et actionnariat salarié ; 
  • 5,6 milliards d’euros net sur la protection sociale complémentaire en entreprise (prévoyance) ;
  • 4,3 milliards d’euros net sur l’aide directe consentie aux salariées (titres restaurant, avantages des CSE, etc) ;  
  • 1,1 milliard d’euros net sur les Indemnités de rupture.

Pour ce qui est des exemptions sur la participation financière et l’actionnariat salarié, celles-ci sont en constante évolution. Evaluées sur l’une de leurs composantes, la prime « Macron », à 630 millions d’euros en 2021, elles ont atteint 1,4 milliard d’euros en 2022 et devraient atteindre 1,7 milliard en 2025 selon des projections qui ne respectent pas la dynamique très haussière actuelle. Concrètement, cette hausse des exemptions sur cette tranche de rémunération indique que les employeurs ont de plus en plus recours à ce type de rémunération, souvent au détriment des hausses de salaire (la prime de partage de la valeur s’étant substituée à hauteur de 30% aux hausses de salaires).

 

Des effets délétères sur les droits des assurés sociaux

Ce type de rémunération pose un sérieux problème en termes de droits acquis pour les salariées, qu’il s’agisse de la retraite, des indemnités journalières, du chômage, des rentes en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles ou de prestations d’invalidité. En fait, seules les rémunérations soumises à cotisations sociales entrent dans le décompte des assiettes prises en compte pour évaluer ces prestations.

L’extension des rémunérations sous forme d’intéressement entraine donc à la fois une perte de recettes pour la Sécurité sociale et une baisse des droits des assurés sociaux au regard de la rémunération de leur travail. Un·e travailleur·se qui verrait sa rémunération annuelle composée de 10% d’intéressement n’aura donc de pris en compte que 90% de sa rémunération comme base pour le calcul de l’ensemble des prestations précédemment mentionnées. 

Une faible compensation par le forfait social

Si elles sont une perte en termes de droits pour les travailleur·ses, ces exemptions sont aussi un manque à gagner important pour la Sécurité sociale. Néanmoins, il faut préciser quelques points à ce stade.

Si les rémunérations exemptées ne sont pas soumises à cotisations sociales, elles sont pour une partie soumise à un autre dispositif de prélèvement, le forfait social[1]. Il existe 5 taux de forfait social applicables aux revenus d’activité non soumis aux cotisations sociales (0%, 8%,10%, 16% et 20%). Par exemple, l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariées n’est pas soumis au forfait social tandis que l’intéressement dans les entreprises de plus de 250 salariées est soumis au forfait social à 20%. Les « contributions employeur » au financement des prestations complémentaires de prévoyance dans les entreprises d'au moins 11 salariées sont soumises au taux de 8% et les sommes affectées à un Plan d’Epargne pour la Retraite Collective (PERCO) sont soumis au forfait social à 16%.

Il existe d’autres types de compensation de ces exemptions comme une « contribution patronale spécifique » de 30% sur les montants des primes en cas de ruptures conventionnelles individuelles ou la mise à la retraite d’office par l’employeur depuis le 1er septembre 2023 ou encore sur les « retraites chapeau ».

Il faut donc faire la distinction entre le coût brut des exemptions de cotisations sociales qui s’élevait en 2022 à 17,8 milliards d’euros et le coût net du forfait social et des autres prélèvements de compensation qui s’élevait la même année à 13,3 milliards d’euros. Pour 2025, le PLFSS indique que le coût brut de telles exemptions serait de 20,1 milliards et le coût net (une fois pris en compte le forfait social) pour les finances de la Sécurité sociale de 15,1 milliards d’euros.

L’évolution de la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié sont le symbole d’une mutation des formes de rémunérations des salarié·es et du refus de l’employeur de rendre au travail une grande part de la valeur produite par l’intermédiaire de la cotisation sociale. Cette mutation réduit les droits des travailleur·ses, baisse les recettes de la Sécurité sociale et participe fortement à la dégradation de l’équilibre financier du système.

La CGT revendique une remise en cause de ces exemptions et la soumission de ces rémunérations aux taux normaux de cotisations sociales. L’enjeu financier est de taille : près de 4 milliards d’euros par an. Cette mesure permettrait de renforcer les ressources de la Sécurité sociale et de relancer une dynamique de réponses aux besoins, en améliorant l’adéquation entre le niveau de rémunération des travailleur·ses et les droits qu’ils et elles acquièrent. C’est une de nos propositions pour financer l’abrogation de la réforme des retraites 2023 !

 

[1] Le détail des taux appliqués est disponible en page 36 de l’annexe 4 du PLFSS 2025.

 

Repère revendicatif