
Le président américain Donald Trump a annoncé le 2 avril dernier, lors de ce qu’il a appelé le « jour de la libération », la mise en place de tarifs douaniers à l’encontre de tous les partenaires commerciaux des États-Unis pour un montant allant de 10 à 49 %. Un tel niveau de droits de douane n’a plus été connu aux États-Unis depuis le début du xxe siècle et marque de ce fait une rupture importante avec la mondialisation et la libéralisation des échanges commerciaux depuis les années quatre-vingt.
À la suite des remous provoqués par ces annonces, une pause de quatre-vingt-dix jours a été décrétée pour tous les pays qui n’ont pas répliqué par des droits de douane réciproques. La réplique de la Chine a entraîné une surenchère qui a abouti à des droits de douane à hauteur de 145 % sur ses exportations vers les États-Unis, et en représailles de 125 % sur les importations américaines. Trump a de nouveau fait (en partie) marche arrière le 13 avril en exemptant de droits de douane les téléphones portables, les ordinateurs portables et autres matériels électroniques en provenance de Chine.
Malgré la pause de quatre-vingt-dix jours, un tarif douanier de base de 10 % reste en vigueur pour tous les pays – à l’exception de la Chine, visée par un taux exceptionnel de 145 % – et des droits de douane de 25 % sur l’acier, l’aluminium et l’automobile qui touchent tous les pays.
Ce tournant protectionniste majeur, engagé par l’administration Trump, ne se limite pas à une simple hausse tarifaire: il révèle une crise systémique d’un modèle de mondialisation dominé par la logique du libre-échange, la fragmentation extrême des chaînes de valeur, et la suprématie du dollar comme monnaie d’échange et de réserve. Pour la France, cette rupture agit comme un révélateur brutal de la fragilité de son modèle industriel: dépendance aux exportations dans quelques filières stratégiques, sous-capitalisation de son tissu de PME, exposition accrue aux turbulences géopolitiques, vulnérabilité face à un éventuel repli américain ou à une offensive commerciale chinoise.
Car derrière les incertitudes et l’attentisme remontés du terrain, ce sont déjà des reculs concrets qui s’annoncent: ralentissement de la croissance, hausse du chômage, désorganisation des chaînes logistiques, pression sur l’investissement, projets industriels gelés ou reconfigurés dans l’urgence. Pour l’industrie française, les effets du choc commercial ne relèvent plus de l’hypothèse: ils sont en train de s’installer.