Scolarité et formation des populations en situation de handicap : un oublié pourtant si nécessaire

Publié le 13 avr. 2022
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Entre extrême-droite et macronie : le handicap

 

En août 2021, l’ONU jugeait sévèrement la politique menée par la France en matière de handicap. Ces politiques étaient alors jugées paternalistes, stigmatisantes et peu inclusives. L’ONU appelait la France à de véritables mesures d’urgences.

Un constat partagé par le Défenseur des Droits, qui invitait -à la suite des condamnations de l’ONU- à prendre au sérieux la question de la discrimination (premier motif de saisine du Défenseur des droits de ces 5 dernières années). Cette discrimination peut être plurielle : stigmatisation à l’embauche, refus des mesures d’aménagements, placardisation, non-reconnaissance des compétences, etc.

Un des moyens qui peut être mis en œuvre s’effectue à la base : l’éducation et la formation. Que ce soit autant pour les personnes en situation de handicap elles-mêmes que par l’insertion et le contact permis avec l’ensemble de la population du plus jeune âge au monde du travail afin de lutter contre les préjugés et la discrimination.

La formation et les études en général restent, aujourd’hui, un des leviers majeurs d’intégration des populations exclues et marginalisées. Sommes-nous prêts à accueillir et former comme il se doit les personnes en situation de handicap à hauteur de nos ambition inclusive ?

Pourquoi la question du handicap et de la formation se pose ?

Les personnes en recherche d’emploi et qui démarrent une formation professionnelle représentaient un peu plus d’un million d’individus en 2016 (1 014 000 pour être exact). Parmi ce million de personnes, plus de 100 000 étaient en situation de handicap (114 600). Pas moins donc d’un étudiant formé sur 10. Un chiffre en évolution constante ces dernières années :

 

Graphique Entrées en formation de personnes en recherche d'emploi
La formation professionnelle des personnes handicapées entre 2014 et 2016. DARES résultats Février 2019, n°010.

 

Cette augmentation se fait aussi ressentir dans l’enseignement secondaire. En 2012, sur 306 200 contrats d’apprentissage, 1700 d’entre eux concernaient des personnes en situation de handicap. En 2016, le nombre de contrat d’apprentissage a baissé (275 400 contrats), contrairement aux nombres de personnes en situation de handicap qui en bénéficient (3400 contrats). Sur ces 3400 contrats d’apprentissage, 35% d’entre eux avaient moins de 18 ans.

 

De plus, si l’on se réfère aux nombres d’élèves bénéficiant du dispositif ULIS (Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire), le nombre d’élèves en situation de handicap augmente là aussi de manière constante. Si dans l’enseignement secondaire, les élèves bénéficiant du dispositif représentaient 17 200 élèves en 2012, ils sont plus de 183 000 en pour l’année 2020-2021. Des futures générations d’élèves en situation de handicap qu’il faudra, à terme, pouvoir accueillir en formation supérieur dans les meilleures conditions.

Inégalité et formation

Les personnes en situation de handicap sont plus vulnérables au chômage que l’ensemble de la population (le taux de chômage est de 14% pour les personnes handicapées, contre 8% pour l’ensemble de la population). Parmi les raisons avancées pour expliquer cet écart, la discrimination est évidemment relevée. Cependant, les inégalités de formation ne sont pas à négliger.

En effet, on le sait en France, le diplôme est un facteur d’intégration à l’emploi. En 2020, 10,5 % des personnes actives ayant un diplôme de niveau bac + 2 ou plus et ayant achevé leur formation initiale depuis 1 à 4 ans sont au chômage, contre 47,7% pour celles n’ayant aucun diplôme. (Insee, enquête Emploi.)

 

Graphique répartition des demandeurs d'emploi par niveau de diplôme et qualification
Les demandeurs d'emploi en situation de handicap. Statistiques, études et évaluations #37 Novembre 2017, Pôle Emploi.

 

Permettre un meilleur accès à la formation aux personnes en situation de handicap, c’est déjà agir pour l’insertion dans l’emploi et permet d’avoir un levier contre la précarisation d’un vécu déjà pénalisant. Le tout aboutissant à œuvrer pour une société plus inclusive.

Politique de l’emploi et du handicap pendant le mandat Macron

  • Les DuoDays : tous les ans, durant une journée, une personne en situation de handicap compose un duo avec un collaborateur d’une entreprise privée ou publique, pour une immersion dans son quotidien professionnel. Pour l’édition 2021, 16 140 duos se sont créés.
  • Les CDD Tremplin : CDD d’une durée maximale de 24 mois permettant à un travailleur en situation de handicap reconnu d’accéder à une entreprise et à des formations adaptées et de faciliter, à terme, l’insertion durable sur le marché de l’emploi. 370 entreprises sur tout le territoire étaient habilitées à accueillir des CDD Tremplins en décembre 2021.
  • Aides de l’État dans le cadre du Plan de relance, avec une aide à l’embauche en CDI ou CDD de plus de 3 mois de 4 000 € maximum, prolongée jusqu’au 31 décembre 2021.

 

Si Emmanuel Macron avait déclaré que « La politique du handicap sera l’une des priorités de mon quinquennat », la situation des travailleurs handicapés ne s’est pourtant pas améliorée durant ce quinquennat, la faute au manque de vraies mesures ambitieuses et volontaristes. Depuis 35 ans l’objectif des 6% existe sans jamais avoir été atteint. Les entreprises en sont encore loin avec en 2020 un taux de 3,9 % de bénéficiaires (pour 3,5 % en emplois temps plein).

La CGT et la formation pour tous

En termes revendicatifs, la CGT porte plusieurs résolutions concernant directement le handicap et l’emploi :

 

  • Porter le quota d’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap en entreprise de 6% à 10%,
  • L’interdiction des licenciements pour inaptitudes avec obligation de reclassement,
  • La planification d’une politique ambitieuse de prévention de l’ensemble des pénibilités au travail, d’une politique de maintien dans l’emploi, d’une politique de simplification de l’ensemble des procédures pour accélérer les reconnaissances, les réparations et les compensations,
  • Revalorisation des allocations versées aux personnes en situation de handicap calculées à minima sur la base du SMIC et déconjugalisées,
  • La retraite anticipée à 55 ans selon la dégradation de l’état de santé des travailleurs handicapées,
  • Développer la formation initiale et continue ouverte, sans discrimination et accessible.

 

Cela, dans une véritable valorisation de la qualification, du diplôme et du statut bien plus que par les compétences, piège du monde du travail contemporain. Si la formation parait si déterminante aujourd’hui, elle l’est encore plus pour les travailleur.euse.s handicapé.e.s. C’est par la qualification que l’insertion dans le milieu ordinaire se fait. En témoignent les compétences supposément apprises et développées dans les ESAT qui enferment les travailleur.euse.s handicapé.e.s dans l’hypocrisie du milieu protégé.

Un manque de moyens évident se fait ressentir, entre des centres de formation ne respectant plus les normes d’accueil, le manque cruel de moyens humains pour accompagner ceux qui en ont besoin, les disparités entre régions, le manque de sensibilisation des formateurs et enseignants, etc. Le chantier est aussi long que nécessaire. Un facteur capital reste donc absent des mesures qui se sont succédé – notamment ces 5 dernières années - ; les moyens financiers et l’ambition politique.

Les grandes orientations, depuis la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (dernière grande loi sur le handicap) ont fatalement manqué d’ambition pour agir envers les populations en situation de handicap. A nous, CGT, de ne pas laisser les préoccupations et les besoins des personnes handicapées à l’abandon.

En l’absence de mobilisation de l’Etat, toutes les dispositions et opportunités doivent être saisies pour continuer à occuper le terrain et maintenir ces préoccupations dans les espaces nécessaires. La formation fait partie intégrante de ce terrain. Car la formation reste un espace inégalitaire pour les personnes en situation de handicap. Cela, que ce soit en termes d’accès à la formation, qu’en termes de préparation directe des futurs professionnels eux-mêmes qui doivent davantage être sensibilisés et outillés pour le handicap.

 

Repère revendicatif