Les acteurs de la prise en charge de la perte d'autonomie

Publié le 30 aoû. 2022
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Les aidant·e·s sont aujourd’hui souvent défini·e·s comme des adultes – pouvant être des enfants et/ou des parents – qui accompagnent un·e proche au quotidien. Ce concept d’aidant·e est récent dans le monde de la santé et de l’action sociale. Il est né de l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques, souffrant de handicap ou en situation de perte d’autonomie, par des personnes de leur entourage, le plus souvent des membres de la famille.
La CGT, elle, parle de professionnel·le·s et d’accompagnant ·e·s. 

Qui sont les aidant.e.s?


Avant les années 1960, le soutien aux personnes âgées ou en situation de handicap se réalisait essentiellement dans le cadre d’une cohabitation intergénérationnelle pour des raisons très souvent économiques. Rappelons qu’avant la création de la Sécurité sociale en 1945, vieillir, être en situation d’incapacité et de handicap, c’était avant tout risquer de ne plus pouvoir travailler et, de ce fait, ne plus être en mesure de subvenir à ses besoins et devenir dépendant de sa famille. La création de la Sécurité sociale et l’évolution de la protection sociale de façon globale ont permis une amélioration spectaculaire de la santé,
avec un allongement de la durée de vie et de la prise en charge des personnes en perte d’autonomie.


Elles ont permis également l’accès à une indépendance financière, en particulier pour les
retraité·e·s. La structure familiale a, dans ce contexte, évidemment évolué, et la  cohabitation intergénérationnelle a décliné. Trop souvent, cette évolution a été montrée comme un délitement des relations familiales alors qu’il n’en est rien. En réalité, ces relations familiales sont toujours présentes aujourd’hui mais moins visibles, car elles s’exercent dans un cadre relationnel différent, moins influencé par des dépendances financières, d’aides humaines… L’augmentation actuelle du nombre de personnes âgées – voire très âgées – assortie d’une accélération du désengagement de l’État dans la prise en charge de la perte d’autonomie (financière, structurelle…) et d’une dégradation de notre protection sociale, réintroduit la question de l’aide des proches de personnes en situation de perte d’autonomie. C’est dans ce contexte que la notion d’aidant·e a vu le jour, afin
de rendre visible cette aide qui s’exerce le plus souvent dans un cadre familial.
Du fait de la démographie et de l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de personnes dépendantes va exploser dans les vingt à trente années à venir.
Ce mouvement est accompagné par la volonté politique de favoriser le maintien à domicile
(moins coûteux) et le désir d’une majorité de retraité·e·s de rester le plus longtemps chez eux.


C’est ici qu’il s’agit d’être vigilant·e, afin qu’un glissement ne s’opère pas d’une prise en charge de la perte d’autonomie par des professionnel·le·s à celle effectuée par les aidant·e·s à des fins économiques.


Car comme nous allons le voir plus loin, un·e proche ne peut accompagner une personne
en perte d’autonomie qu’à la condition d’être entouré·e de professionnel·le·s.
En France, les aidant·e·s seraient désormais plus de 8 millions. Leur situation particulière, l’évolution du monde du travail, l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail et les difficultés d’obtenir ou de financer un accompagnement ont fait émerger des questions de santé publique nouvelles, notamment autour de la reconnaissance de leur existence, de l’impact de leur statut sur leur vie personnelle et professionnelle, de leur état de santé physique et psychique. De fait, ils et elles sont exposé·e·s aux risques d’épuisement, d’isolement et de solitude.

Quelques chiffres

Il existe des statistiques nombreuses pour une multitude de situations individuelles. En effet, l’accompagnement se matérialise sous des formes très diverses, chaque situation pouvant constituer un cas particulier (soins, préparation des repas, etc.). Cet accompagnement ne concerne pas seulement les personnes âgées en perte d’autonomie, mais également les enfants et adultes en situation de handicap. L’unique chiffre officiel : 8,3 millions d’aidant·e·s, dont 4,3 millions aident régulièrement un proche de 60 ans et plus, à domicile.
Mais en réalité, 11 millions d’aidant·e·s familiaux·les, soit un·e Français·e sur six, accompagneraient au quotidien un·e proche en situation de perte d’autonomie en raison de son âge, d’une maladie ou d’un handicap.
En 2030, un·e actif·ve sur quatre sera aidant·e. Aujourd’hui, la contribution des aidant·e·s représenterait une économie de 164 milliards d’euros par an pour l’État.

Portrait de l'aidant.e
  • 58 % sont des femmes ;
  • 76 % ont moins de 65 ans ;
  • 43 %, moins de 50 ans ;
  • 52 % travaillent ;
  • 86 % aident un membre de leur famille, dont 41 % un de leurs parents ;
  • 34 % viennent en aide à plusieurs personnes, contre 28 % en 2017 (multi-aidant·e·s) ;
  • 57 % aident un·e proche en situation de dépendance due à la vieillesse (48 % en 2017) ;
  • 82 % consacrent au moins vingt heures par semaine en moyenne à leur(s) proche(s) ;
  • 37 % des aidant·e·s interrogé·e·s avouent ne bénéficier d’aucune aide extérieure, alors qu’ils et elles sont eux et elles-mêmes souvent âgé·e·s ;
  • 67 % des personnes aidées vivent à leur domicile, 21 % en institution ; 14 % des aidant·e·s vivent sous le même toit que les personnes aidées.

Source : baromètre BVA, avril 2018, publié le 27 septembre 2018.
La prise en compte des aidant·e·s, début de leur reconnaissance par la société, s’est peu à peu imposée par leur nombre croissant et important.

Les difficultés rencontrées par les aidant.e.s

Plusieurs enquêtes font état des difficultés des aidant·e·s dans leur vie professionnelle, personnelle ou sociale. Ils et elles se retrouvent souvent seul·e·s pour faire face à la situation et ne savent pas à qui s’adresser.

La relation entre l’aidant·e et l’aidé·e est modifiée. Ainsi l’aidant·e peut devenir l’infirmier·ère, le ou la kinésithérapeute, le ou la psychologue du ou de la proche, ce qui peut lui donner le sentiment de sacrifier sa vie personnelle et sociale. Les savoir-faire et savoir-être que développe l’aidant·e ne signifient pas pour autant qu’ils et elles soient professionnel·le·s. Il serait dangereux de faire endosser à l’aidant·e des rôles qui ne sont pas les siens. En effet, du fait de son lien relationnel, émotionnel avec la personne aidée,
un·e aidant·e n’est pas un·e professionnel·le et, à ce titre, il ou elle doit pouvoir souffler sans que cela remette en question l’accompagnement de l’aidé·e. Afin justement de pouvoir jouer son rôle de soutien en tant que proche de la personne aidée, il faut que l’aidant·e puisse s’appuyer sur des professionnel·le·s qui assureront un accompagnement régulier.

Les aidant·e·s sont les acteur·rice·s de « première ligne » dans l’accompagnement réalisé auprès de leurs proches. Ils et elles doivent souvent articuler vie professionnelle, personnelle et temps d’accompagnement auprès du ou de la proche aidé·e. À ce titre, ils et elles doivent être soutenu·e·s à travers la mise en place de mesures concrètes, qui peuvent se traduire par des aides améliorant la qualité de vie des personnes en perte d’autonomie ou des possibilités d’aménagement du temps de travail.

44 % des aidant·e·s sont dans l’obligation de poser régulièrement des jours de RTT et de
congés pour aider leurs proches dépendant·e·s en l’absence d’autres solutions. En effet, le
nombre de professionnel·le·s d’aide et de maintien à domicile est insuffisant, ainsi que le
nombre de structures pouvant accueillir des personnes en perte d’autonomie. De plus, les
aides financières pour faire appel à ces professionnel ·le·s ou ces structures sont insuffisantes, voire inexistantes. Des propositions concrètes ont émergé, telles que la création de structures de répit, des droits spécifiques, etc.

La parole des aidé·e·s est aussi importante. En effet, ils et elles ont aussi besoin d’intimité, de temps à soi et, pour certain·e·s, d’une relation davantage distanciée, donc d’un possible recours à des personnes extérieures pour retrouver un sentiment d’autonomie.

Ce qui existe aujourd’hui pour les aidant·e·s : le 1er janvier 2016, la loi de l’adaptation de la société au vieillissement a mis en avant une reconnaissance et un soutien à travers le droit au répit et à la mise en place d’un congé de proche aidant·e.

Différents dispositifs légaux existent

Congé de présence parentale
Concerne une personne salariée dont l’enfant à charge est atteint d’une maladie ou d’un handicap rendant indispensable une présence soutenue ainsi que des soins contraignants.
310 jours ouvrés fractionnables, utilisables selon les besoins dans une limite maximale de
trois ans.

Allocation journalière de présence parentale (AJPP).
Montant de 43 euros ou 52 euros par jour selon la composition familiale, dans la limite de 22 jours par an, soit 66 jours au maximum sur trois ans.

Congé de solidarité familiale
Permet à une personne salariée de s’occuper d’un membre de sa famille, avec un lien de parenté direct, souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital.
310 jours ouvrés fractionnables, utilisables selon les besoins dans une limite maximale de
trois ans.
Allocation journalière de présence parentale (AJPP).
Montant de 43 euros ou 52 euros par jour selon la composition familiale, dans la limite de
22 jours par an, soit 66 jours au maximum sur trois ans.

Congé de proche aidant·e
Permet à une personne salariée de s’occuper d’un membre de sa famille, avec un lien de parenté direct, souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital.
Mise en oeuvre par le PLFSS 2020 à effet prévu d’octobre 2020.
Niveau équivalent à celui de l’AJPP (entre 43 et 52 euros par jour selon la composition du
foyer).

Congé de proche aidant·e fonction publique
Permet à une personne salariée de s’occuper d’un membre de sa famille, avec un lien de parenté direct, souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital.

Congé de trois mois maximum renouvelables dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière, pris de manière continue ou fractionnée, en périodes d’au moins une journée ou sous forme d’un temps partiel non rémunéré.
Le gouvernement pense ainsi répondre aux besoins, principalement par des mesures d’aides financières individualisées, comme le congé du proche aidant·e.
La multiplicité des dispositifs d’aides financières à l’emploi à domicile revêt une complexité
certaine, fait qu’elles soient versées par différents vecteurs, à des dates et selon des modalités disparates et elle représente un frein à l’accès aux droits lorsque des avances de trésorerie demeurent nécessaires.
Le gouvernement souhaite donc simplifier et faciliter les démarches en les rendant contemporaines des charges qu’elles visent à couvrir.
Il s’agit d’un enjeu majeur pour le maintien à domicile des personnes âgées ou en perte
d’autonomie, priorité du gouvernement dans le cadre des travaux engagés sur le grand âge et l’autonomie (rapport Libault et rapport El Khomri).
Le gouvernement propose ainsi une contemporanéisation du bénéfice des aides financières ouvertes aux particuliers utilisateurs du dispositif « CESU » pour 2022 dans un premier temps et les particuliers ayant recours à un service d’aide à domicile prestataire.
Il ne s’agit là que de mesures individuelles, qui ne répondent pas à un projet global de prise en charge de la perte d’autonomie par un système solidaire permettant à chacun·e de faire face à la situation quels que soient ses moyens.
Il convient d’élaborer ensemble le projet de vie qui va permettre à chacun·e, dans sa place et dans son rôle, de contribuer à l’accompagnement de la personne aidée ou dépendante.
Les aidant·e·s se sentent démuni·e·s devant la réalité de la perte d’autonomie de leur proche. Ils devraient pouvoir avoir accès à toutes les interventions professionnelles requises par l’état de santé du ou de la proche, avoir la possibilité de recourir et de coordonner ces aides grâce à des démarches simplifiées.
Les besoins des aidant·e·s sont bien différents de ceux des personnes en situation de perte d’autonomie. Les soins prodigués à ces personnes aidées nécessitent l’intervention de professionnel·le·s, diplômé·e·s et formé·e·s.

L’aidant·e ne doit pas exercer la fonction ni le métier d’un·e professionnel·le, au risque que
ces soins et ces actes soient prodigués sans les compétences requises. D’autant que l’idée de professionnaliser l’aidant·e familial·e fait son chemin, au détriment des salarié·e·s du secteur.

La CGT a des propositions

D’une part, une véritable reconnaissance des aidant·e·s professionnel·le·s à travers la création d’un service public de l’autonomie doté d’un financement pérenne.
Un financement pérenne pour une prise en charge dans son intégralité de la perte d’autonomie dans l’assurance et un tarif socle national de l’intervention de l’aide et du maintien à domicile.
Une vraie politique financière pour valoriser et reconnaître les métiers de l’aide, l’accompagnement et les soins à domicile. Pour cela, un état des lieux doit être fait sur :

  • le besoin en salarié·e·s ;
  • les temps de travail ;
  • les salaires ;
  • la formation ;
  • la revalorisation du métier en incluant la prévention ;
  • la reconnaissance des diplômes ;
  • les conditions de travail (taux de sinistralité trois fois supérieur à la moyenne nationale).

La responsabilité sociale des entreprises et des services publics, quelle que soit leur taille, doit être engagée à l’égard de leurs salarié·e·s qui aident des proches en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Il faut agir sur les lieux de travail contre les discriminations dont ils et elles peuvent être victimes. Les salarié·e·s aidant·e·s, qui vivent souvent des situations très difficiles, doivent pouvoir bénéficier de droits portant sur le choix et l’organisation du temps de travail, les congés, la formation professionnelle, le déroulement de carrière, afin de ne pas être discriminé·e·s.

Les aidant·e·s doivent tou·te·s pouvoir bénéficier d’un accompagnement social pour être informé·e·s et soutenu·e·s dans leurs démarches.

Ils ne doivent pas être la variable d’ajustement des politiques publiques.
C’est un enjeu majeur des prochaines années pour permettre de conquérir un vrai droit à l’autonomie dans une démarche de reconquête de la Sécurité sociale.

 

Repère revendicatif