Mémo éco - Emplois non pourvus ; l’éternel retour d’une lubie patronale

Publié le 22 juil. 2021
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  Quelques chiffres, à relativiser Entre janvier et mai 2021, 1,2 million d’offres d’emplois ont été collectées par Pôle Emploi. Sur ce total, seulement 692 000 sont jugées « durables » par Pôle Emploi c’est-à-dire concernent des CDI ou CDD de 6 mois minimum. C’est sans compter que 62% des offres figurant sur le site de Pôle Emploi ne respectent pas la Loi comme l’a montré le CNTPEP...

 

Quelques chiffres, à relativiser

Entre janvier et mai 2021, 1,2 million d’offres d’emplois ont été collectées par Pôle Emploi. Sur ce total, seulement 692 000 sont jugées « durables » par Pôle Emploi c’est-à-dire concernent des CDI ou CDD de 6 mois minimum. C’est sans compter que 62% des offres figurant sur le site de Pôle Emploi ne respectent pas la Loi comme l’a montré le CNTPEP.

Au premier trimestre 2021, on comptait en France 215 000[1] emplois vacants dans les entreprises de 10 salariés ou plus. Cela correspond à un taux d’emplois vacants de 1,48%. Autrement dit, cela signifie que sur 100 emplois du secteur privé dans les entreprises de 10 salariés ou plus (emplois occupés et emplois non pourvus), 1,48 emplois ne sont pas pourvus. On peut aussi dire que pour 66 emplois occupés, il y a un emploi non pourvu. Dit comme cela on voit donc que cela reste un phénomène très marginal.

C’est sans compter que 22% de ces emplois sont encore occupés et sur le point de se libérer et 30% viennent tout juste d’être créés, il est donc normal que le recrutement prennent un peu de temps. Il n’y a donc en réalité que 46% de ces emplois vacants qui sont des emplois déjà existants et inoccupés, soit moins de 100 000.

 

Rappelons qu’il y avait au 1er trimestre 2021, plus de 3,5 millions d’inscrits à Pôle emploi pour la seule catégorie A et plus de 5,7 millions en comptant les catégories A, B et C (les catégories B et C incluent des travailleur-se-s qui n’ont pas pu travailler à temps complet sur le mois/trimestre écoulé alors qu’ils l’auraient souhaité). Ces chiffres ne tiennent pas compte de tous les privé-e-s d’emplois qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi pour diverses raisons (radiation, découragement, absence d’indemnités, etc.).

On voit donc que même pris dans leur plus grande largesse, les emplois vacants sont une goutte d’eau par rapport à l’ampleur du chômage que nous connaissons.

Ainsi, pour se faire une idée rapide de l’ampleur du problème, ayons en tête que pour chaque emploi vacant, il y 16,3 demandeur-se-s d’emplois. Autrement dit, si tous les emplois vacants étaient pourvus d’un seul coup (ce qui n’est évidemment pas possible), seul 6% du total du chômage serait  « réglé ». 94% des privé-e-s d’emplois seraient toujours au chômage.

Qu’en-est-il des difficultés de recrutement ?

En 2017, seules 16%[1] des difficultés de recrutement s’expliquent par une absence de candidature à l’offre proposée. Le problème ne vient donc pas des privé-e-s d’emplois qui ne candidateraient pas aux offres comme le laisse penser le gouvernement, pour se déresponsabiliser.

Parmi les principales difficultés mises en avant par les employeurs à propos de leurs difficultés de recrutements en 2020, on retrouve la technicité du poste proposé, l’image de l’entreprise, du secteur ou du métier, les horaires décalés ou trop importants ou encore la nature ou durée du contrat.

Hormis le premier facteur qui pose des questions relatives à la formation, les autres freins sont directement de la responsabilité des entreprises.


[1] https://www.sciencespo.fr/actualites/actualit%C3%A9s/la-ritournelle-des-emplois-non-pourvus/3763

Des difficultés de recrutements, mais où ?

Il convient aussi de voir quels sont les métiers dans lesquels les difficultés de recrutement sont les plus présentes.

Parmi les 10 métiers[1] qui connaissent le plus de difficultés de recrutements on peut distinguer 3 catégories de métiers. Notons qu’il s’agit d’un classement basé sur le % de difficultés de recrutement et non sur la masse d’emplois à pourvoir dans ce métier.

Tout d’abord, il y a beaucoup de métiers du bâtiment et de la construction qui requièrent des qualifications bien particulières. On retrouve ainsi les charpentiers, les couvreurs, les géomètres et les tuyauteurs aux 4 premières places des métiers qui connaissent des difficultés de recrutement. On retrouve également d’autres métier, en dehors de la construction, comme les régleurs, les carrossiers automobiles ou encore les mécaniciens et électroniciens de véhicule.

Ces métiers souffrent d’un manque de personnels formés.

D’autre part, on retrouve dans ce top 10 les médecins et les vétérinaires. Or, il s’agit de métiers aux formations très longues et soumises à numerus clausus. Les pénuries de professionnel-le-s que nous connaissons aujourd’hui sont donc le résultat de ces décisions de longue date, prises notamment par les professionnel-le-s elles/eux-mêmes pour se garantir une clientèle/patientèle importante.

L’une des conséquences est notamment le départ de beaucoup d’étudiants français qui vont se former à l’étranger pour échapper au numerus clausus. De plus, la France est obligée de recruter de nombreux médecins et vétérinaires étrangers pour satisfaire ces besoins en la matière.

Ces difficultés de recrutement ne doivent donc rien au hasard mais font suite à des choix politiques qui ont organisé cette pénurie ou qui n’ont rien fait concrètement pour la prévenir.

La levée du numerus clausus est évidemment une solution mais elle ne commencera à produire des effets quand dans une dizaine d’années compte tenue de la durée de formation de ces métiers.

Enfin, on trouve dans ce classement « aides à domicile et aides ménagères ». Les difficultés de recrutement s’expliquent notamment par des besoins en augmentation constante, tandis que dans les métiers décrits précédemment, on avait notamment des métiers touchés par la pyramide des âges et des départs en retraites massifs.

De plus, il s’agit d’un métier aux conditions d’emplois et de travail très difficiles alors même que les salaires sont généralement au niveau du Smic ou très légèrement au-dessus.

Les leviers pour remédier à ces difficultés de recrutement apparaissent donc ici relativement simples. On peut citer par exemple la lutte contre les temps partiels (notamment la multiplication de temps partiel qui impliquent des temps morts/de transports très importants et non rémunérés) ainsi que la revalorisation des salaires. Ces deux seuls leviers, dont la mise en œuvre pourrait être immédiate auraient un effet très important sur l’attractivité (bizarrement cette attractivité-ci préoccupe moins le gouvernement que l’attractivité du capital) de ces métiers.

En nombre d’emplois, ce sont ces types de métiers qui connaissent le plus de difficultés de recrutements avec notamment les agents d’entretiens de locaux, les serveur-se-s de cafés restaurant.

En conclusion, on retiendra que cette affaire d’emplois non pourvus, qui revient périodiquement dans le discours politique, n’existe que dans la tête des employeurs et des ministres. Se focaliser sur les quelques emplois qui ne trouvent pas preneurs est une stratégie de diversion politique pour faire oublier la triste réalité du chômage de masse.

On rappellera que Biden aux Etats-Unis raillait les employeurs qui ne trouvaient pas preneur en les appelant à  payer d’avantage les salariés! Les employeurs comme le gouvernement ont hissé le « marché » au rang de divinité. Qu’ils appliquent alors leur propre leçon en augmentant les salaires (ce qui en théorie améliorerait « l’offre de travail » des salariés). Mais nous savons que ce n’est pas tant le marché que les employeurs affectionnent ; ce sont les profits !

 

Repère revendicatif