Dans le même temps, le taux du livret d’épargne populaire (LEP), qui est réservé aux ménages les plus modestes, passera de 1% à 2,2%.
- Le livret A, le produit d’épargne populaire par excellence
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Le livret A est le produit d’épargne le plus largement diffusé au sein de la population. Il y a 55 millions de livrets A, soit un taux de détention de 81,5% de la population fin 2020[1].
Depuis une loi de 2011, les livrets A peuvent être ouverts auprès de tous les réseaux bancaires, alors qu’auparavant ils étaient réservés aux Caisses d’épargne et à La Poste.
Notons que la Banque postale joue un rôle particulier en matière d’accessibilité bancaire, concernant les populations les plus fragiles. Cela correspond à l’idée de « service universel bancaire».
Cette mission qui lui a été confiée par la Loi lui impose d’ouvrir un livret A à toute personne qui lui en fait la demande, à partir d’un dépôt initial de 1,50€ et garantit la gratuité des virements sur ce livret provenant des autres réseaux bancaires.
L’encours moyen détenu par les particuliers sur leur livret A est de 5.500 €.
Il convient de noter qu’une partie importante des encours est détenue sur des livrets ayant atteint le plafond réglementaire de 22.950€, et sur lesquels il n’est pas possible de faire de nouveaux dépôts. 7% des livrets sont dans ce cas, et cela représente 30% de l’encours.
[1] Source : Banque de France rapport annuel sur l’épargne réglementée 2020
- Le « Livret Développement Durable et Solidaire » ; même taux mais moins répandu
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En comparaison, la part de ménages détenant un livret de développement durable et solidaire (LDDS) est nettement moins importante. Fin 2020, il y avait 2,3 millions de livrets soit 46% de la population.
A l’origine, ce livret, dénommé Codevi était dédié au financement de l’industrie. Aujourd’hui, mis à part un plafond plus faible (10.000€), il est très similaire au livret A.
On peut penser que son taux sera relevé comme celui du livret A.
- Le livret d’épargne populaire ; trop peu connu
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Le livret d’épargne populaire (LEP) présente des caractéristiques différentes. Créé au début des années 1980 à destination des ménages les plus modestes, sa détention est réservée aux ménages dont le revenu fiscal de référence figurant sur l’avis d’imposition est inférieur à 20.296€ pour une personne seule ou 31.135€ pour un couple marié.
Le mode de calcul de son taux d’intérêt est différent du livret A. Alors que le taux du livret A dépend à la fois de l’inflation et des taux d’intérêt à court terme (lesquels sont également négatifs -0,55% actuellement), le taux d’intérêt du LEP garantit une rémunération au moins également à l’inflation observée au cours des 6 derniers mois.
Malgré cet avantage, son taux de détention est relativement faible. Il est de 13% des ménages, alors que la proportion de ménages éligibles, compte tenu du plafond de ressources, est estimée par la Banque de France à 50%.
Ce faible taux de détention, alors que les conditions de rémunération sont relativement avantageuses dans le contexte actuel de faibles taux d’intérêt, tient à ce que la plupart des réseaux bancaires ne sont pas intéressés par sa diffusion.
- Une augmentation plus importante que ce qui résulte de l’application stricte des textes, mais qui ne permet pas de préserver les ménages contre la perte de pouvoir d’achat de leur épargne.
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L’augmentation annoncée par Bruno Le Maire est supérieure à ce qui aurait résulté d’une stricte application des textes, ce qui ne veut pas dire qu’elle est satisfaisante. Comme l’indique le communiqué de la Banque de France publié le 14 janvier[1], une stricte application de la formule de calcul aurait conduit à fixer le taux du livret A à 0,8%.
Ce taux de 1%, s’appuie, selon la Banque de France sur ses prévisions d’ici août 2022 et tient compte en particulier de la reprise de l’inflation anticipée par la Banque centrale.
Comme on le voit, et malgré cette « dérogation limitée » comme l’écrit la Banque de France, à la formule de calcul, cette hausse ne permet pas, loin s’en faut, de garantir l’épargne des salarié-es et retraité-es contre la perte de pouvoir d’achat de leur épargne (en décembre, le taux d’inflation s’est établi à 2,8%. La perte de pouvoir d’achat de l’épargne s’établit donc à 1,8%, soit 99€ pour un livret de 5.500€).
Pour la CGT, le livret A, s’il ne vise pas à réaliser des gains spéculatifs, doit néanmoins garantir aux salariés et retraités le pouvoir d’achat de leur épargne. C’est pourquoi nous revendiquons que son rendement soit au moins égal à l’inflation.
Quant au LEP, la revalorisation de son taux, qui était jusqu’à présent de 1%, respecte bien la lettre des textes, puisque le taux est égal à l’inflation moyenne des 6 derniers mois. On constate néanmoins que ce taux est inférieur à l’inflation de décembre.
Pour autant, et dans le contexte de faibles taux d’intérêt observé depuis plusieurs années, un taux de 2,2% reste plus intéressant que celui du Livret A.
Cela met le LEP au même niveau que les rendements actuels que les produits d’assurance-vie dits en Euros (comportant un rendement garanti par l’assureur), et que les SICAV comportant une faible part d’actions garantissent aux épargnants.
[1] Au vu de l’inflation au deuxième trimestre 2021, le Gouverneur de la Banque de France propose une hausse du taux du livret A à 1% et du LEP à 2,2%. Communiqué de presse de la Banque de France - Des ressources qui doivent être au service de l’intérêt général
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Outre la nécessité de garantir le pouvoir d’achat de l’épargne populaire, ce qui justifie la défiscalisation des intérêts du livret A, c’est son affectation à l’intérêt général qui est fondamentale.
Jusqu’à 2011, les dépôts du livret A étaient intégralement affectés à la Caisse des dépôts qui les affectait, comme aujourd’hui principalement au logement social et subsidiairement à la politique de la Ville. Une partie gérée par les banques commerciales doit également servir aux prêts aux PME, au développement durable et à l’ESS.
Il est toutefois difficile de savoir si cet objectif est respecté. En outre, ces réseaux ne sont assujettis à aucune obligation quant au niveau des taux d’intérêt auquel ils prêtent aux entreprises, ni à la nature des investissements qu’elles financent.
Les banques se plaignent déjà que ce relèvement du taux du livret A va impacter le coût de leurs ressources. L’agence de notation Fitch rating affirme que ce relèvement du taux pourrait leur coûter jusqu’à 920 M€ soit 0,6% du produit net bancaire[1] du secteur.
S’agissant de la part centralisée à la CDC, la mesure risque d’impacter les conditions de financement du secteur des HLM, à un moment où les besoins sont criants, et la situation de certains organismes difficile.
Cela doit cependant être relativisé. D’une part, la CDC ne reprête pas, loin s’en faut l’intégralité des dépôts qu’elle centralise : fin 2020, la part des actifs financiers inscrits au bilan du fonds d’épargne atteignait 40% des dépôts centralisés, dont le rendement est très supérieur au coût de la ressource, même avec un taux d’intérêt de 1%. La CDC peut donc largement amortir cette hausse ; c’est même ce qui justifie le dispositif de centralisation à la CDC.
En particulier les dépôts du livret A sont très stables (57% des livrets A correspondant à 62% de l’encours ont plus de 10 ans d’ancienneté). C’est ce qui permet à la CDC d’octroyer des prêts à très long terme aux organismes d'HLM.
Selon le rapport sur l’épargne réglementée[2], en 2020, les prêts accordés par la CDC ont une maturité allant jusqu’à 82 ans, plus de 50% des prêts ont une durée entre 40 et 50 ans et près de 15% ont une durée supérieure à 60 ans !
Cette augmentation du taux du livret A, dans un contexte de remontée de l’inflation, doit inciter à une réflexion sur l’évolution de la place du livret A, du LDDS et du LEP dans le financement de l’économie, et ce que devrait être sa place dans le pôle financier public que revendique la CGT.
Cela passe entre autre par une réforme des dispositifs mis en place en 2011 lors de la banalisation de la distribution du livret A, avec a minima un réel contrôle social sur l’usage que les réseaux bancaires font de ces dépôts, et la mise en place de dispositifs garantissant l’usage de cette épargne au service de l’intérêt général, incluant la reconquête de l’industrie et le financement de la transition écologique, sans oublier bien sûr le développement des services publics à commencer par l’hôpital.