Mémo éco - Quelles sont les causes de l'inflation du moment?

Publié le 24 mai. 2022
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L'inflation, mesurée par la hausse des prix à la consommation, a décollé au milieu de l'année 2021. Désormais ; elle accélère franchement : 4,8 % sur un an et même +5,4 % pour la France selon l'indice harmonisé européen IPCH.[1]

Plusieurs causes ont été invoquées qui ne suffisent pas, ou plus, pour expliquer cette évolution.

[1] www.insee.fr/fr/statistiques/6439021 

1. Un rattrapage de prix après des baisses pendant la crise Covid?

La baisse de certains prix lors de l'apparition du Covid-19 a, certes, pu se traduire par un rattrapage ultérieur. Mais cette décrue a désormais été largement compensée. L'exemple du pétrole est illustratif puisque la forte baisse du printemps 2020 a été rattrapée dès l'automne. La hausse de fin 2021-début 2022 ne peut donc pas s'expliquer ainsi.

2. La faute à l'argent distribué par les banques centrales?

L'argent distribué de diverses manières par les banques centrales est parfois incriminé comme source d'inflation.

Qu'en est-il ces temps-ci ? Le « quoi qu'il en coûte » de 2020-2021 et l'endettement public important ont pu être largement financés ainsi, ce qui a sans doute évité une profonde dépression économique (faillites, chômage massif). Mais une grande partie de cet argent a aussi été employé, pour améliorer les profits, enrichir encore les riches et engendrer de pures spéculations.

On a d'ailleurs observé ces derniers temps une explosion des achats d'actions, et donc des cours de Bourse. C'est une conséquence de l'argent facile qui a certainement, aussi, aidé à accélérer des acquisitions de logements dans les métropoles notamment. Les prix du foncier, des logements et ceux des loyers en pâtissent. S’il y a eu inflation à cause de la politique monétaire, c’est d’abord une inflation des prix des actions sur les marchés financiers.

3. Et la guerre en Ukraine ?

Elle a certainement aggravé la situation sur le front des prix mais elle ne l'a pas créée. L'inflation a accéléré, on l'a vu, bien avant. On remarque d'ailleurs que cette guerre a, en réalité, commencé en 2014 et que les prix mondiaux des matières premières ne s'en étaient pas émus : ils ont stagné et même baissé en 2014-2015.

Il est vrai, toutefois, que l'invasion de l'Ukraine de février 2022 a eu des effets directs et indirects sur les prix.

Effets directs :

Les livraisons et la production de céréales sont entravées ; l'Ukraine étant un gros exportateur de ces produits, ceci accentue la tension sur les prix mondiaux. Ceux qui avaient pu stocker les produits bruts ou transformés quand les prix étaient bas peuvent vendre désormais avec une marge confortable. En l'absence d'un contrôle des prix et des marges – libéralisme oblige – il est difficile de distinguer les augmentations qui résultent de véritables pénuries et celles qui sont manipulées par ces nouveaux « accapareurs ». Ces tensions sont exacerbées par la spéculation sur (notamment) les matières premières agricoles.[1]

Effets indirects :

Sans se prononcer ici sur leur bien-fondé, les limitations décidées ou annoncées concernant les importations de gaz russes ont certainement contribué à un accroissement des tensions, déjà perceptibles en 2021. On sait aussi que le gaz de schiste étasunien, qui s'y substitue, est plus cher ; De même, le prix du pétrole est tiré vers le haut alors qu'il n'y a pas d'explosion de la demande mondiale. Cet enchérissement est en partie imputable à la décision des pays de « l'OPEP+ » de ne pas augmenter leur production ; là aussi, ceux qui ont pu stocker à bas prix et revendre maintenant s'en mettent plein les poches ;

 

  • Ajoutons que les tensions internationales favorisent la hausse du dollar par rapport à l'euro ; ceci contribue à augmenter le prix des importations, notamment en France. Étant donné l'importance du commerce extérieur dans l'économie française, cette « inflation importée » se diffuse dans toutes les branches et pèse sur les coûts de production ;
  • Notons au passage que les hausses de prix sur les marchés mondiaux sont « bien » répercutées sur les prix intérieurs mais que les baisses le sont beaucoup moins. C'est ce qu’on appelle « l'effet cliquet » qui permet aux commerçants et à certains producteurs d'engranger des profits sans que cela ne se voie trop ; autrement dit, le patronat augmente les prix quand les coûts de production montent, mais ne les baisse pas quand ils diminuent. Cet effet est très visible sur les prix industriels.[2]

[2] Voir aussi la Lettre Eco de l’automne dernier : https://analyses-propositions.cgt.fr/lettre-eco-octobre-novembre-2021

4. Derrière l'inflation, le conflit capital/travail

Dans l'ensemble, les entreprises en ont même profité car l'évolution globale des prix à la production est supérieure à l'inflation et aux salaires. Comme pour les aides publiques, il faudra être vigilants et trier entre les entreprises qui vont bénéficier de la situation et celles qui seront véritablement en difficulté.

Ce qui apparaît déjà, c'est que l'inflation pénalise les salaires et les revenus des ménages, à commencer par les plus modestes. Les chèques préélectoraux n'ont pas suffi : la consommation reste à un niveau faible, ce qui explique la stagnation de la croissance au début de l’année

À l'inverse, les marges des entreprises (= les profits) ont prospéré sans que leurs investissements suivent vraiment.

Fondamentalement, si elle n'est pas compensée par une politique économique volontaire de contrôle des prix et de hausse des salaires, l'inflation modifie substantiellement la distribution des revenus :

Entre les salaires, qui suivent le plus souvent les prix avec retard, et les profits qui gonflent de même que certains patrimoines ; Entre « faiseurs de prix » (ceux qui peuvent imposer leurs prix d'achats et de vente, souvent les grandes entreprises) et « preneurs de prix » (ceux qui sont contraints d'accepter les prix qui leur sont proposés, souvent les PME ou TPE) ; Entre épargnants qui en pâtissent (cas du livret A) et emprunteurs qui voient progressivement leur dette s'alléger (États, entreprises, certains ménages).

 

Les revendications de la CGT sont on ne peut plus d’actualité dans la période.

  • Il est absolument inacceptable que le pouvoir d’achat des travailleur-euse.s diminue. L’urgence est à la hausse du SMIC à 2000€, sa répercussion automatique dans les branches et des revalorisations de salaires partout au-dessus de l’inflation.
  • L’indice des prix à la consommation n’est toujours pas un indicateur du coût de la vie. Il faut au moins le corriger d’un point pour s’en approcher. Mais on ne peut plus continuer à indexer salaire minimum ou pensions sur un indice dont ce n’est pas le rôle ! Le travail revendicatif pour aboutir à un véritable indice du coût de la vie continue.
  • Le blocage des prix, à commencer par ceux de l’énergie doit être appliqué pour préserver le pouvoir d’achat. Ce sont les profits qui doivent servir de variable d’ajustement, pas les revenus du travail.
  • La CGT défend de longue date une nouvelle politique industrielle. Il ne fait pas de doute que les tensions sur les prix sont également le résultat d’une dépendance vis-à-vis des importations. Il faut d’urgence développer des pôles publics, en commençant par l’énergie et le transport. C’est la condition essentielle d’une véritable politique industrielle.
A retenir :

L’inflation est liée :

  • Aux conséquences directes et indirectes de la guerre en Ukraine, principalement sur les prix des matières premières et énergie
  • A la spéculation sur plusieurs marchés
  • En aucun cas la hausse des prix n’est liée aux « hausses » de salaires (quand il y en a !) ; à travers cet argument, le patronat et le gouvernement prennent les choses à l’envers et travestissent la réalité des faits.
L’inflation augmente les marges des entreprises

L’inflation pèse sur le pouvoir d’achat et les salaires ne suivent pas

Nous avons un ensemble revendicatif pour contrer le discours patronal

Repère revendicatif