
L’examen du PLFSS pour 2025 aura été pour le moins chaotique depuis octobre dernier. Tout ceci pour finalement retrouver à quelques exceptions près les mesures envisagées dès le gouvernement Attal dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025.
Pour rappel, les lois de financement sanctuarisent une vision comptable de la Sécurité sociale dans une perspective de maîtrise d’évolution des dépenses et d’équilibre budgétaire . La CGT s’est toujours opposée à la LFSS aussi bien dans les principes que dans leur contenu. Pour la CGT, la Sécurité sociale doit être avant tout sous le contrôle des travailleurs et des travailleuses.
Le texte de la Loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2025 est disponible ici.
Les points importants à retenir |
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- Une LFSS moins mauvaise que prévu et peu ambitieuse
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La LFSS 2025 se révèle être moins mauvaise que prévu initialement grâce :
- A la censure du gouvernement qui a permis notamment la revalorisation des pensions de retraite de 2.2% au 1er janvier comme le prévoit le code de la Sécurité sociale.
- Au Conseil constitutionnel qui a censuré 14 articles de la loi notamment ceux instituant des mesures très rétrogrades comme la "taxe lapin" pour les patients qui n’honorent pas un rendez-vous médical ou plusieurs mesures visant à renforcer le contrôle des assuré⋅es au mépris de leurs droits.
Si ces mesures représentent une amélioration de quelques droits ou une meilleure utilisation de certains dispositifs, elles ne constituent que des réponses très marginales à des sujets majeurs (santé mentale, accès aux soins, etc.).Le manque d’ambition de la loi peut être illustré également par le fait que 7 articles se contentent d’introduire l’obligation pour le gouvernement et l’administration de rendre des rapports au parlement sur divers sujets.
Au-delà de tous ces sujets, cette LFSS est aussi caractérisée par nombreuses mesures concernant deux régimes autres que celui des travailleur⋅ses salarié⋅es :
Nombreuses mesures concernant le secteur agricole notamment la pérennisation de certaines exonérations de cotisations pour l’emploi de Travailleurs Occasionnels Demandeurs d’Emplois (TO-DE) ou de mesures sur les retraites des exploitants. Le gouvernement semble se soucier avant tout de chose de la situation du patronat agricole plutôt que des salarié⋅es du secteur. Concernant les indépendants (travailleur⋅ses non-salarié⋅es) quelques mesures viennent modifier à la hausse les cotisations, contributions et leur assiette pour les micro-entrepreneurs.- Renforcer l’accès aux soins gynécologiques des femmes en situation de handicap (Article 62)
- Généralisation de l’expérimentation permettant aux infirmier⋅ères de signer des certificats de décès (Article 56)
- Précision de l’âge des enfants pouvant bénéficier du parcours de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce des troubles du développement (Article 83)
- Conditionnement de la prise en charge de certains dispositifs médicaux numériques à une utilisation effective par le/la patient⋅e (Article 79)
- Expérimentation de trois ans de la prise en charge des tests de détection de la soumission chimique (Article 68) – Remboursement par l’Assurance maladie des tests permettant de détecter une soumission chimique, y compris sans dépôt de plainte, les modalités exactes de l’expérimentation seront précisées en juillet 2025 par arrêté.
La LFSS 2025 est donc une loi peu ambitieuse qui se caractérise notamment par quelques mesures venant faire évoluer les droits des assuré⋅es, notamment :
- Campagne de vaccination contre les infections à méningocoque dans les établissements scolaires (Article 65) – Face à la recrudescence des méningocoques, cette mesure permet de faire prendre en charge par l’Assurance maladie des campagnes de vaccination dans les établissements scolaires
- Suppression de la condition d’adressage médical dans le cadre du dispositif Mon soutien psy (Article 66) – Ce dispositif permet d’être remboursé de 12 séances (au lieu de 8) par an de consultation et désormais sans passer par son médecin traitant (Informations sur Ameli).
- Une mesure néfaste sur les Indemnités Journalières et une forte incertitude sur les rentes AT/MP
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Les indemnités journalières de Sécurité sociale en cas d’arrêt maladie seront calculées sur la rémunération ne dépassant pas l’équivalent de 1.4 SMIC (2 473 euros brut mensuels) au lieu de 1.8 SMIC (3 180€ bruts mensuels) comme aujourd’hui. Une telle mesure permettra de réaliser 600 millions d’euros d’économies pour la branche maladie. L’indemnisation maximum (au plafond) passera de 52 euros (pour 1.8 SMIC – 3 180€) chaque jour à 40€ (1.4 Smic 2 473 euros brut mensuels). Sur les indemnités journalières on peut également signaler ,dans le cadre de la Loi de Finances, la baisse du taux de remplacement à 90% au lieu de 100% de la rémunération des agents publics pour leurs arrêts maladies de courte durée.
Une autre mesure à l’issue incertaine est centrale dans cette LFSS 2025. C’est tout l’enjeu posé par l’article 90 (ex 24) en matière de santé au travail – Le gouvernement irait vers une traduction fidèle de l’ANI 2023. Point de vigilance sur la responsabilité des employeurs en cas de Faute Inexcusable et sur le calcul/montant des rentes. Il est absolument nécessaire d’augmenter les rentes ce qui n’est pas prévu explicitement dans la LFSS mais se fera par voie réglementaire.
Sur ce sujet la première réunion du groupe de travail de la branche AT/MP aura lieu le 8 avril et la mise en œuvre du dispositif est prévue au 1er juin 2026.
- Quelques évolutions pour les secteurs financés par la Sécurité sociale
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En matière d’organisation des secteurs financés par la Sécurité sociale on pourra relever quelques mesures dans cette LFSS 2025 :
- Famille –Suspension du versement du complément du mode de garde en cas de défaut de paiement du salaire dû à l’assistante maternelle ou à l’employé⋅e à domicile (Article 92). Pour faire face aux impayés auxquels sont confrontées de nombreuses assistantes maternelles et personnes employées à domicile, le gouvernement modifie le dispositif Pajemploi + pour limiter ces impayés.
- Santé – Facilitation du cumul emploi retraite des médecins dans les déserts médicaux. Interdiction des plateformes dédiées à la prescription des arrêts de travail et de leur prescription par des médecins n’exerçant pas en France
- Médicament – Diverses mesures sont prises pour lutter contre la pénurie de médicaments (obligation de signalement, etc.)
- Autonomie – Aide exceptionnelle pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées en difficulté financière 300 millions (Article 85). Pour rappel, 66% des EHPAD (publics et privés lucratifs) étaient en déficit en 2023 et pour les seuls EHPAD relevant de la fonction publique hospitalière le déficit était de 800 millions d’euros (source).
De telles mesures ne sont pas à la hauteur aussi bien face à la non-réponse aux besoins (déserts médicaux restes à charge en matière de santé, de famille ou d’autonomie, pénurie) que face aux différents scandales qui ont mis en lumières les difficultés de ces secteurs (scandale Orpéa, dans les crèches ou urgences).
- Sur le plan budgétaire la LFSS 2025 demeure insuffisante
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Le déficit annoncé de la sécurité sociale serait pour 2025 de 22,1 milliards d’euros mais compte-tenu de l’incertitude économique ce déficit pourrait monter à 25 milliards d’euros.
Un problème de recette :
- Là où le gouvernement Barnier envisageait de faire 4 milliards de baisse d’exonérations de cotisations patronales le gouvernement Bayrou n’en fera que 1.6 milliard.
- Un point positif en termes de recettes est à noter, c’est la suppression de l'allègement de la fiscalité sur les actions gratuites, qui d’après la Cour des comptes devrait rapporter 500 millions d’euros.
- Taxes comportementales : l'augmentation de la taxe sur les sodas de 4 à 35 centimes par litre de boisson.
Ce manque de recettes aboutit inévitablement à une maitrise des dépenses notamment en santé qui représentent 40% des dépenses de la Sécurité sociale . Alors que les dépenses de santé 2025 (ONDAM) étaient annoncées en hausse de 2.8% par le gouvernement Barnier, le gouvernement Bayrou a acté une hausse 3.3% de l’ONDAM. Pour l’hôpital, le gouvernement semble avoir entendu les demandes des fédérations hospitalières (patronat hospitalier) avec un ONDAM hospitalier qui serait de 3.8% contre 3.1% initialement. Mais cette hausse est insuffisante par rapport au besoin de financement estimé à 6%