
Très développées dans le secteur du transport, les plateformes étendent aujourd’hui leur champ d’action au secteur du médico-social, incitant ou contraignant une partie des travailleuses à passer au statut de micro-entrepreneur·se.
Plusieurs modifications récentes ouvrent la voie à un renforcement de la marchandisation du secteur médicosocial et au développement des plateformes sur ce segment de marché. C’est paradoxalement en ouvrant la possibilité aux travailleuses en micro-entreprise de ce secteur d’exercer une autre activité que ces modifications règlementaires devraient permettre aux plateformes de se développer dans ce secteur.
L’objectif est assez simple : ouvrir la porte aux plateformes en permettant à des micro-entrepreneur·ses du médico-social d’exercer des activités plus diverses en leur donnant accès au crédit d’impôt sur le revenu égal à 50% des dépenses engagées pour des prestations de services à la personne. Plutôt que de recruter des travailleuses diplômées, la puissance publique préfère laisser le champ ouvert aux plateformes, au salariat déguisé et à la précarité.
Les points importants à retenir |
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- Plusieurs modifications réglementaires
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C’est tout l’ambition d’un décret paru au journal officiel le 25 juillet 2024 et entré en vigueur le 1 janvier 2025. Avec ce décret, un micro-entrepreneur qui exerçait dans le secteur du médico-social peut aujourd’hui exercer d’autres activités si celles-ci n’excèdent pas 30% de son chiffre d’affaires de l’année précédente. Aussi, la clause d’exclusivité qui imposait aux entreprises de ne faire que du service à la personne pour disposer d’un crédit d’impôt sur le revenu a été assouplie.
Ce décret vient compléter une précédente modification de 2023 dans le cadre de la loi « société du bien vieillir » qui permet aux structures d’aide à la personne de ne plus disposer nécessairement de locaux dans les départements où elles exercent.
- Déréguler pour créer un marché et remettre en cause le salariat
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Aujourd’hui, plusieurs plateformes se sont déjà positionnées sur le secteur du médico-social et se réclament d’un vivier de plusieurs dizaines de milliers de micro-entrepreneuses. Si pour beaucoup, il s’agit de service à la personne à domicile, certaines proposent déjà des missions dans les structures médico-sociales. Une travailleuse peut ainsi préparer les repas le matin et exercer le métier d’aide-soignante l’après-midi au sein d’une même structure tout en restant indépendante et donc sans profiter des conquis du salariat. Certains établissements s’y retrouverait puisqu’ils n’ont plus à gérer les congés, pas de responsabilité en cas d’AT-MP et pas de gestion des ressources humaines.
La dérégulation de ce secteur au travers de la possibilité d’exercer plusieurs métiers, sans garantie sur les qualifications nécessaires, est l’outil principal d’une marchandisation du secteur. Il s’agit bien d’une politique néolibérale en ce qu’elle met la puissance publique au service du développement du marché, l’assouplissement des critères d’accès au crédit d’impôt en étant l’exemple parfait.
Concrètement, le développement des plateformes dans un tel secteur expose à de nombreux problèmes :
- Du côté des travailleur.ses, c’est en premier lieu la précarité puisque les plateformes prennent en général une commission de 20% minimum sur les missions quand la fréquence de celles-ci et les rémunérations associées ne garantissent pas nécessairement un revenu décent aux travailleur.ses qui ont recours à ces plateformes. Aussi, comme dans d’autres secteurs comme la livraison à vélo, les travailleur.ses des plateformes font face aux diktats de ces plateformes qui peuvent couper ou restreindre leur accès et donc imposer des missions. Enfin, l’exercice en micro-entreprise exclut d’emblée ces travailleur.ses de la plus grande part des protections afférentes au statut de salarié et au contrat de travail : pas de couverture contre le chômage ou contre les accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP).
- Du côté des usagers, c’est la porte ouverte à une dégradation de la prise en charge, ou encore à de la maltraitance institutionnalisée. Du fait de l’exercice très contraint par les plateformes, que ce soit financièrement ou temporellement, les usagers se retrouveront face à des travailleur.ses qui auront encore moins le temps d’effectuer un travail de qualité
Pour la CGT, la condition salariale, si elle est un objectif à dépasser, reste aujourd’hui l’un des meilleurs outils pour garantir des droits et protéger les salarié·es. Remettre en cause le salariat sous couvert d’une liberté d’exercice, de besoins de recrutement ou de contraintes trop fortes est l’aboutissement de la dérèglementation dans tous les domaines afin d’augmenter les profits et limiter les coûts pour les finances publiques.
Le modèle social des plateformes va à l’encontre des revendications de la CGT. Dans le secteur du médico-social, leur développement ne peut que reposer sur des financements publics et une remise en cause du droit du travail. Un tel modèle, fondé sur la précarisation des travailleur·ses et la déréglementation, n’est ni souhaitable ni viable.
Ce modèle, basé sur la marchandisation des services à la personne, remet en cause le principe même du financement solidaire et public du médico-social. Il ne garantit ni la qualité des services ni la stabilité de l’emploi, et détourne des fonds qui devraient servir à renforcer un secteur déjà en tension. La CGT s’oppose à l’extension de ces plateformes et revendique un financement direct des structures publiques et associatives, assurant un service avec des professionnel.les qualifié.es et rémunéré.es en conséquence.