Fiscalité écologique, attention à la fausse solution

Publié le 18 sep. 2020
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Image Javier-miranda via UNsplash
NB: Il s'agit d'un article publié dans la Lettre Eco de novembre 2019 La taxation écologique est vue par certains gouvernants comme un instrument magique permettant d’œuvrer efficacement pour la transition écologique. Face à cela, il est utile de comprendre les motivations et les effets de telles taxes. Lorsque l’on parle de taxation écologique, on pense de suite à la taxe carbone...

NB: Il s'agit d'un article publié dans la Lettre Eco de novembre 2019

La taxation écologique est vue par certains gouvernants comme un instrument magique permettant d’œuvrer efficacement pour la transition écologique. Face à cela, il est utile de comprendre les motivations et les effets de telles taxes.

Lorsque l’on parle de taxation écologique, on pense de suite à la taxe carbone. L’intérêt d’une telle taxe est de faire payer directement le pollueur pour respecter le principe « pollueur-payeur ». D’un point de vue libéral, la taxation écologique permet de mettre un prix sur une externalité (effet négatif ou positif involontaire qui découle d’une activité, ici l’émission de CO2 est une externalité négative de l’usage de la voiture).

La taxe sur des produits de consommation courante, un outil injuste

Derrière ces principes, en apparence, de justice, la réalité est plus problématique. En effet, étant données les inégalités de richesse, une taxe proportionnelle[1] comme la taxe carbone n’a pas le même impact pour tous les ménages. Pour ce qui est de la taxe carbone, selon les études, elle pèserait entre 3 et 5 fois plus dans le budget des 10% les plus pauvres par rapport aux 10% les plus riches. Au-delà des inégalités que cela génère, c’est également totalement inefficace du point de vue écologique puisque les plus riches polluent davantage que les ménages modestes. Selon l’économiste Jean Gadrey, les 1% les plus riches émettraient environ 40 fois plus que les 10% les plus pauvres. On est donc loin du principe de pollueur-payeur initialement recherché.

La taxe carbone est donc punitive pour les ménages modestes, qui comptent chaque euro et voient leur budget amputé par cette taxe pour leurs simples déplacements domicile/travail. Au contraire, c’est permissif pour les plus riches à qui la fortune permet de polluer sans limite. Rappelons au passage que le kérosène n’est pas soumis à la taxe carbone. 


[1] Le niveau de la taxe n’est pas progressif selon le revenu comme l’impôt sur le revenu par exemple. A l’image de la TVA, c’est donc un impôt injuste car il pénalise davantage les ménages modestes.

L’idée d’un droit à polluer, la discrimination par l’argent face à l’écologie

Au niveau des entreprises européennes, un marché des « droits à polluer » existe. Selon ce mécanisme les entreprises s’échangent ces droits. Résultats ? Ces droits font l’objet de spéculations massives, des fonds d’investissement pariant sur la hausse ou la baisse du prix du droit à polluer. Autre effet, les entreprises les plus riches peuvent polluer autant qu’elles le veulent tant qu’elles s’acquittent de ces droits.

Une fois de plus, les inégalités sociales sont accentuées par ces mécanismes de taxation écologique inefficaces. Sous prétexte que chacun paie à proportion de ce qu’il pollue, nous ne remettons aucunement en cause le système financier capitaliste, insoutenable. L’argent ne peut pas donner des « droits » à polluer. Pour être efficace, la taxation écologique doit se porter sur les vrais pollueurs, en l’occurrence les ménages plus riches et dans une proportion réellement incitative. Tous les ménages français doivent prendre leur part dans la lutte contre le dérèglement climatique mais il est nécessaire d’avoir en tête que le niveau de pollution est fortement corrélé au niveau de revenu.

Pour mêler la bataille climatique et la lutte sociale, il est donc urgent d’utiliser de nouveaux outils pour la politique écologiques comme des normes par exemple, qui ont le mérite d’être socialement plus justes.

 

Repère revendicatif