Le travail détaché en France : quelques éléments de chiffrage

Publié le 2 oct. 2020
Image
mémo éco
Cet article a été publié dans la lettre éco de septembre 2020. La question du travail détaché revient régulièrement dans l'actualité. Il convient de regarder de plus près ce phénomène afin d’essayer d’avoir une vision plus claire de ce qu’il représente. Dans son Rapport public annuel 2019 de février 2019 la Cour des Comptes indique au sujet du travail détaché entre autres que « l’usage est en croissance mais mal connu en termes statistiques »...

Cet article a été publié dans la lettre éco de septembre 2020.

La question du travail détaché revient régulièrement dans l'actualité. Il convient de regarder de plus près ce phénomène afin d’essayer d’avoir une vision plus claire de ce qu’il représente.

Dans son Rapport public annuel 2019 de février 2019 la Cour des Comptes indique au sujet du travail détaché entre autres que « l’usage est en croissance mais mal connu en termes statistiques ».[1]

Cependant si l’on se réfère à l’étude de la commission européenne de 2016[2] on a quelques précisions :

  • Avec 203 019 travailleurs détachés reçus la France se classe au deuxième rang européen derrière l’Allemagne qui elle en reçoit plus du double 440 065.
  • Pour les travailleurs détachés envoyés c’est la Pologne avec 513 972 salariés qui arrive en tête. 50% de ces travailleurs envoyés le sont en Allemagne. Ensuite il y a l’Allemagne avec 260 068 salariés envoyés, puis vient l’Espagne avec 147.424 et la France 135 974.

Après cette vision globale, regardons plus précisément le cas de la France.

 

[1] Source : Rapport public annuel 2019- février 2019

[2] Source : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20171012STO85930/travailleurs-detaches-les-chiffres-et-la-reforme-infographie

  • Socialement : pour éviter de mettre les salariés en concurrence, il nous faut exiger que l’ensemble des conditions d’emploi soient les mêmes pour tous les salariés exerçant leur travail pour une même entreprise, quelle que soit sa nationalité ou l’entreprise titulaire du contrat de travail. Nous avons un outil pour cela la sécurité sociale professionnelle et le statut du travail salarié.
  • Economiquement : A la concurrence sociale vient s’ajouter la concurrence socialo-fiscale en l’absence d’harmonisation européenne. Il serait normal que les entreprises payent l’ensemble des cotisations sociales pour tous les salariés qui travaillent pour elles. On ne dispose pas encore d’étude permettant de chiffrer le manque à gagner pour les comptes de la sécu du recours croissant au travail détaché.

     

Les salariés détachés envoyés

L’étude de 2016 de la commission européenne indique, que les salariés français détachés dans des entreprises étrangères, le sont principalement dans 5 pays européens : La Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume Uni, l’Italie. Ces 5 pays représentent 69.4% du total. 

 

Par ailleurs le rapport de la cour des comptes pointe une pratique particulière celle des salariés Français détachés en France par des entreprises étrangères. « Le cas des salariés de nationalité française détachés par des entreprises d’autres États membres pour travailler en France mérite une attention particulière. Selon les données détaillées examinées lors de l’enquête, cette situation concerne 43 750 personnes (8,5 % des travailleurs détachés). 21 % d’entre eux sont employés par des sociétés allemandes et 55 % par des entreprises luxembourgeoises, monégasques ou suisses. » Sans doute serait-il utile d’avoir plus de précisions sur les conditions, et les raisons de ces détachements.

Les salariés détachés reçus 

Dans son rapport la Commission européenne estime que le nombre de salariés détachés en France est de 0.8% de la population active. Ils proviennent principalement de Pologne 15.3%, d’Espagne 13.9%, de Belgique 13.8%, d’Allemagne 12%, d’Italie 9.8%, du Luxembourg 8.8%.

 

En revanche le rapport de la Cours des comptes reprenant en le pondérant le chiffre de la Direction Générale du Travail avance le chiffre de 2%.

 

Géographiquement, sur les dix premiers mois de 2017 ils étaient accueillis, pour les 2/3 dans 5 régions : le Grand Est avec 75 276 salariés L’Ile de France avec 63 029, PACA avec 56 294, Auvergne-Rhône-Alpes 54 531, Hauts de France 48 204. C’est en Corse et en Bretagne qu’il y a le moins de salariés détachés reçus. Sur les 5 régions accueillant le plus de salariés détachés, 4 régions sont frontalières.

 

En termes de secteurs d’activité, il y a une modification dans la structure. Alors qu’en 2015 le BTP était le premier employeur de salariés détachés, l’intérim arrive en première place en 2017 avec 144 000 salariés détachés puis vient l’industrie (101 000), le BTP (68 500), et les prestations intra-groupes (48 000) en nette augmentation.

 

Lorsque les salariés de l’intérim sont reclassés par secteurs d’activité, on s’aperçoit que le travail détaché est concentré et occupe une place importante dans l’agriculture où les salariés détachés représentent environ 21.9% du total de l’emploi, le BTP 5.7%, l’industrie 2.2%.

 

On voit donc qu’il y a eu un glissement dans le recours aux travailleurs détachés notamment dans le BTP qui les recrute de moins en moins directement mais passe par les agences d’intérim qui fait que le nombre de salariés détachés dans le BTP ne baisse pas comme pourrait le faire croire les statistiques brutes.

 

Le recours aux travailleurs détachés prolonge celui de l’externalisation pratiquée par les entreprises. C’est un moyen de faire encore plus pression sur les salariés et instaurer une concurrence entre eux pour tirer vers le bas les conditions sociales d’emploi.  Ce phénomène prend de l’ampleur d’année en année. Si l’on reprend les données de la Direction Générale du Travail on obtient cette courbe pour la France :

 

Il est indispensable que syndicalement nous nous emparions de cette situation et cela pour deux raisons au moins ;

 

Repère revendicatif