NB : Cet article a été publié dans la Lettre Éco de juin 2021
A l’heure où les attaques contre notre système de solidarité se multiplient, réforme de l’assurance chômage, retraite, santé etc., que les discours sur le trop « d’assistanat » font florès, l’INSEE vient de publier le 27 mai dernier une étude(1) sur l’évolution des inégalités entre 2008 et 2018, et tente une première projection de l’effet de la pandémie sur le sujet, dont les conclusions sont plus qu’intéressantes.
Le premier constat est que loin d’être élevé, en 2018 le niveau de vie médian en France est de 1771€ par mois.
Le deuxième élément est la disparité dans l’évolution des niveaux de vie entre 2008 et 2018. Si pour les 10% les plus aisés celui-ci a augmenté de 23% en revanche pour les 10% les plus modestes il a baissé de 29%.
De ce fait au lieu de diminuer entre 2008 et 2018 les inégalités se sont creusées un peu plus. En 2008 l’écart entre les 20% les plus modestes et les 20% les plus aisés était de 4,33 il est de 4.45 en 2018, en progression de 2.71%. Pour les auteurs, l’accroissement des inégalités est lié à deux facteurs : La baisse des revenus avant redistribution des plus modestes conjugué à une hausse des revenus des plus aisés.
- « Cette hausse est en grande partie liée à la baisse des revenus avant redistribution des plus modestes. En effet, le 1er décile du niveau de vie avant redistribution a diminué de 11 % entre 2008 et 2018 et le 2e décile de 3 %, tandis que les autres déciles augmentent… Avant redistribution, le 9e décile de niveau de vie est celui qui a le plus augmenté entre 2008 et 2018 (+ 5,4 %). »
- «La part des niveaux de vie avant redistribution détenue par les 10 % les plus aisés est passée de 27,9 % à 28,8 % entre 2008 et 2018. La hausse est exclusivement portée par les 1 % les plus aisés depuis 2013 »
- L’importance cruciale de la redistribution
-
L’étude s’intéresse ensuite au rôle de la redistribution face aux inégalités.
Source INSEE
On constate que sans la redistribution les inégalités se creusent fortement entre 2008 et 2018. Cela prouve, une fois de plus que la théorie du ruissèlement ne marche pas. En revanche la redistribution limite fortement l’accroissement des inégalités. Cela démontre qu’au lieu de s’attaquer au système de solidarité il faut au contraire le consolider, et l’améliorer. Les réformes de l’assurance chômage, la volonté toujours forte de s’attaquer au système de retraite, entre autre, tournent le dos à cet impératif, il faut donc les abandonner au profit de mesures visant à renforcer l’existant. Ce schéma montre que loin de répondre aux besoins, le libéralisme et le laisser faire ne profitent qu’aux plus aisés. L’étude enfonce le clou en précisant que la redistribution fait baisser le taux de pauvreté de 7.5%, passant de 22.3% sans redistribution à 14.8% avec. En atteignant 14.8% en 2008, le taux de pauvreté en France est le plus élevé depuis 2000.
L’étude pointe d’ailleurs que les chômeurs, avec 38%, les jeunes adultes, dont les étudiants, avec 33%, les familles monoparentales avec 35% sont les catégories les plus exposés à la pauvreté. La réforme de l’assurance chômage, la baisse des APL, etc., sont autant d’éléments qui fragilisent encore plus des catégories déjà fortement défavorisées. C’est donc l’inverse qu’il conviendrait de mettre en place.
- Une pauvreté limitée par la sécu et la protection sociale, mais toujours trop élevée
-
Pour l’INSEE se sont près de 10 millions de personnes en France métropolitaine, qui sont pauvres. A ces 10 millions il faut ajouter 940 000 personnes dans les DOM. Voilà le triste bilan de la 5ème puissance mondiale.
Malgré ce niveau de pauvreté trop élevé, l’INSEE note qu’« en 2018, selon l’enquête SRC, avec une définition harmonisée pour les pays européens, le taux de pauvreté de la France s’élève à 13,6 % contre 16,8 % en moyenne en Europe », cela grâce à son modèle social.
Le document explique également qu’il y a une inégalité géographique en constatant que le taux de pauvreté varie avec la densité de la population entre 19% dans les communes où la densité de population est importante à 11% dans les communes où la population est peu dense.
L’étude tente une première approche de l’incidence de la pandémie sur le sujet. Deux éléments sont pointés.
En septembre 2020 165 000 personnes de plus qu’en septembre 2019 touchent le RSA soit +8.7%. 29% des ménages appartenant aux 20% les plus modestes déclarent une perte de revenu contre 17% pour les ménages appartenant aux 20% les plus aisés.A l’heure où les attaques se multiplient contre notre système social, l’étude vient conforter les analyses de la CGT et prouve s’il en était besoin, que bien que très attaqué, notre système de protection sociale joue un rôle primordial dans la réduction des inégalités. La solution n’est pas de détricoter encore plus ce système mais le renforcer en confortant l’existant et en ouvrant de nouveaux droits. Il nous faut faire grandir le rapport de force auprès des salariés pour mettre fins aux attaques qui vont augmenter le nombre de personnes en situation de pauvreté dans le pays, et développer notre système de solidarité pour permettre de garantir à l’ensemble de la population le droit à une vie décente.