Mémo éco - Pourquoi il faut taxer les super-profits : le cas de TotalEnergies

Publié le 13 sep. 2022
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 Malgré le refus de la majorité présidentielle d’inscrire la taxation des super-profits dans la loi pour le pouvoir d’achat, le décalage entre d’un côté la majorité qui doit se serrer la ceinture, et de l’autre côté une minorité qui roule sur l’or (noir) ne peut que sauter aux yeux. Au-delà de la question du moralement acceptable, cette taxation des profiteurs de crise est une nécessité dans un contexte de forte inflation. Pour s’y opposer, les défenseurs du capital mobilisent des arguments fallacieux, qu’il faut comprendre pour mieux contrer.

Si le groupe Total est loin d’être le seul à profiter de la situation – on pourrait citer l’armateur CMA-CGM, Engie, ou encore ArcelorMittal – il en constitue un très bon exemple.

Les grandes entreprises ne se contentent pas de conserver leurs marges, elles les augmentent !

Avec le redémarrage de l’économie à la sortie de la pandémie, la demande d’énergie a très fortement augmenté, et ce de manière soudaine. À cela est venue s’ajouter la difficulté d’approvisionnement du fait de la guerre et Ukraine. Plutôt que de palier la baisse des approvisionnements en provenance de Russie, les quelques pays producteurs d’hydrocarbures, en situation de quasi-monopole, n’ont que très faiblement augmenté leur production, gonflant artificiellement les prix. Résultat, le cours de baril de brut, comme celui du gaz, a très fortement augmenté, dès 2021, et encore plus fortement en 2022. Pourtant, les coûts de production, eux, n’ont pas fondamentalement bougé.

Mais cela n’est pas tout. Car les groupes pétroliers n’ont pas seulement répercuté la hausse du prix du baril sur le prix de vente final ; ils ont augmenté les prix plus haut encore, pour ainsi augmenter leurs marges !

C’est ce que montrent les dernières données de l’Insee sur les taux de marge des entreprises des secteurs du transport et de l’énergie. Pour l’énergie, là où le taux de marge[1] s’établit en moyenne autour de 55% sur la période 2010-2020 et frôle avant les 60% à la veille du premier confinement, il atteint 74% sur le premier trimestre 2022. Même chose du côté des transports, où le taux de marge passe de 35% à 47%. En comparaison, le taux de marge pour l’ensemble des entreprises française vaut 38% au premier trimestre 2022.


[1] Il s’agit ici du taux de marge opérationnel, qui donne à voir la profitabilité que génère l’activité de production. Il se calcule en rapportant l’excédent brut de chacun des secteurs, à la valeur ajoutée du secteur considéré.
Un investissement dans l’avenir ? Non, plus d’argent pour les actionnaires !

Les défenseurs du capital en appellent aussi régulièrement à l’idée que « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain, et l'emploi d’après demain ». Sans surprise, cette maxime est fausse, du début à la fin : non seulement Total consacre la majeure partie de ses bénéfices à rémunérer ses actionnaires, mais en plus, le groupe licencie !

En 2021, le groupe Total réalisait ainsi un bénéfice de 14 milliards d’euros. Qu’est-il advenu de ces profits, en hausse de 40% par rapport à l’année 2019 ? Tandis que le PDG du groupe P. Pouyanné a indiqué consacrer 3,3 milliards d’euros aux investissements dans les énergies renouvelables et l’électricité, les versements aux actionnaires ont représenté 8,7 milliards d’euros, soit quasiment trois fois plus !

Pourquoi en serait-il autrement en 2022, alors que Total annonçait tout dernièrement un deuxième acompte sur dividendes (sorte de versement de dividendes en avance), un plus d’un premier annoncé au premier semestre, et d'un plan massif de rachat d'actions ? D'après le monde de la finance lui-même, les versements aux actionnaires devraient atteindre 15 milliards en 2022.

S’enrichir sur le dos des plus modestes

Les plus modestes sont par définition ceux qui ont le plus besoin de leur véhicule pour aller travailler. En effet, les ouvriers sont 82% à dépendre de leur véhicule pour se rendre au travail, contre 64% pour les cadres[1]. Les plus modestes consacrent parfois jusqu’à un quart de leur revenu pour leurs dépenses en essence.

Si cette addition salée est en baisse depuis l’annonce de la ristourne accordée par Total de 20cts par litre, il faut bien comprendre que cela permet à Total d’écarter au moins temporairement la question de la taxation sur les super-profits en prétendant contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages.

Cette remise est ainsi l’arbre qui espère cacher la forêt du scandale des superprofits.


[1] C’est ce que montre l’Insee.

Taxer pour mieux redistribuer

À contrepied de cette remise, dont l’impact est évalué à seulement 600 millions d’euros pour Total, si une taxe sur les superprofits était instaurée, elle rapporterait au moins 4 milliards d’euros à l’État, rien que sur le premier semestre 2022.[1] Cette contribution aurait alors pu être justement distribuée, en ciblant d’abord et principalement les ménages qui en ont le plus besoin, d’une part du fait de leurs faibles revenus, et d’autre part en visant ceux qui ont le plus besoin de leur véhicule pour aller travailler.

Ensuite, dans la mesure où l’État a joué son rôle de stabilisateur pendant la crise, et empruntant pour soutenir les entreprises, ces recettes supplémentaires ne viendraient que rembourser une partie de ces dettes. Elles ne constituent finalement qu’un début de juste restitution des aides perçues par les entreprises pendant la crise, mais également hors période crise ; nous y reviendrons largement dans les prochaines semaines.


[1] Avec un taux à 25%, mais on peut bien sûr aller bien au-delà !

A retenir :

- Des entreprises exploitent le contexte et leur situation de quasi-monopole pour accroitre leurs marges 

- Ces marges permettent d’augmenter les versements aux actionnaires, et ne sont pas massivement réinvesties 

- Ces bénéfices record se font sur le dos des plus modestes

- Il est urgent de mettre en place la taxe sur les super-profits, pour que cette juste contribution soit redistribuée aux plus modestes et entame un remboursement des aides perçues par les entreprises durant la pandémie.

Repère revendicatif