Mémo Sécu n°8 : Conditions de travail dans le secteur hospitalier : la surcharge comme réalité

Publié le 21 avr. 2023
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Les annonces du président Macron en janvier 2023 s’inscrivent dans une période de grandes difficultés pour l’hôpital public. Si des alertes sont faites depuis bien trop longtemps, les transformations défendues par les gouvernements Macron successifs ne sont absolument pas à la hauteur.

Le secteur hospitalier doit aujourd’hui faire face à de trop nombreux maux : manque criant de personnel, sous financement chronique, concurrence avec les structures privées et logique de privatisation tous azimuts.

Ce nouveau Mémo Sécu est l’occasion de faire un état des lieux synthétique des conditions de travail à l’hôpital public et de leurs évolutions. Pas de surprises à l’horizon, la surcharge de travail est de plus en plus la réalité de la majorité des personnels hospitaliers.

En cette période de bataille pour défendre nos retraites, il est important de rappeler un nouvelle fois les dégâts que peuvent faire la pénibilité. Aujourd’hui bon nombre de personnels hospitaliers ne se sentent pas capables de faire le même travail jusqu’à leur retraite… Un report de l’âge aurait des effets dramatiques.

Les points importants à retenir
  • Seulement 52% des personnels interrogés se sentent capables de faire le même travail jusqu’à la retraite ;
  • Le travail dans le secteur hospitalier est en moyenne plus pénible parce que les travailleurs et travailleuses sont soumis à :
    • Un niveau très important de contrainte temporelle
    • A une pénibilité physique plus importante que la moyenne ;
  • 160 000 minimum, c’est le nombre de lits d’hospitalisation supprimés entre 1990 et 2017, 7600 lits, c’est le nombre de suppression entre 2018 et 2019 ;
Quels conditions de travail des soignant∙es ?

Tous les 3 ans, l’enquête conditions de travail/risque psychosociaux de la DARES permet d’identifier sur un panel important de travailleur∙ses l’évolution des conditions de travail de ceux-ci. Les données sont disponibles pour l’ensemble des salarié∙es mais aussi plus spécifiquement pour la fonction publique hospitalière.

Quelle tendance se dégage de ces données ?

  • Les conditions de travail dans le secteur public hospitalier sont plus pénibles que pour la moyenne des travailleur∙ses français∙es ;
  • Des niveaux très importants de contraintes temporelles (délais très courts notamment, exigence des réponses immédiates dans le travail) s’ajoutent à une pénibilité physique importante ;
  • Ces niveaux importants de contraintes liées à l’accroissement de la production et de la productivité depuis les années 2000.
  • Développement important du stress au travail et du sentiment de « qualité empêchée »[1].

Aujourd’hui, travailler à l’hôpital public devient donc de plus en plus pénible d’autant plus que la croissance exigée de la production s’est faite sans croissance conjointe des ressources en personnels et en lits. C’est même l’inverse !

En effet, la compilation des données de la DREES permet d’évaluer à 160 000 a minima le nombre de lits d’hospitalisation supprimés entre 1990 et 2017, soit le tiers de ce qu’on nomme « le parc hospitalier » français. Et entre 2018 et 2019, ce sont encore 7 600 lits qui ont été supprimés.

Fin 2020, on pouvait dénombrer 387 000 lits d’hospitalisation complète dans les établissements de santé de France soit une diminution de 82 000 lits d’hospitalisation depuis 2003.

Attention, les données de cette enquête n’épuisent pas l’analyse des conditions de travail à l’hôpital. La réalité est bien plus complexe et il existe des disparités importantes entre les structures de soin.

 

[1] Le terme de qualité empêché décrit l’incapacité pour les travailleur∙euses du fait des exigences de l’organisation du travail de réaliser ce qu’ils et elles considèrent comme étant le bon travail.

Quels effets de la crise COVID sur leurs conditions de travail des personnels hospitaliers ?

Par suite de la crise COVID, les travaux de la DREES[1] ont permis de donner un aperçu très partiel des effets de celle-ci sur le travail des personnels hospitaliers en général, et le résultat est sans appel.

Parmi les personnes ayant travaillé en services Covid et malgré les marges de manœuvre organisationnelles plus importantes permises par le déclenchement des « plans blancs » :

  • 2/3 ont connu des périodes inhabituelles de surcharge de travail ;
  • 1/4 déclare avoir été incitée par son employeur à venir travailler malgré le fait d’être cas contact ou d’avoir des symptômes du Covid-19.

 

Même si les marges de manœuvre ont été plus importantes, la situation de crise a entrainé l’augmentation de conflits de valeur et de tensions avec les collègues et une hiérarchie toujours plus présente avec le renforcement du New Public Management et le développement d’une industrialisation du soin.

Pour comprendre

Pour rappel, on entend par New Public Management, une nouvelle méthode de gestion de la force de travail qui cherche à appliquer les logiques du privés (efficacité et rentabilité économique) au secteur public.

Le New Public Management s’impose dans le secteur public en France depuis les années 1990 et entraine une dégradation des conditions de travail des personnels hospitaliers au travers d’une industrialisation des soins, même d’une taylorisation de ceux-ci.

Le travail des personnels administratifs n’est pas épargné puisque celui-ci est toujours plus complexe et est mis au service du contrôle du travail des soignants et de la rigueur budgétaire.

Ce nouveau mode d’organisation s’est développé parallèlement au lean management, bien connu des travailleurs du secteur privé : réduction des coûts, adaptabilité aux exigences du marché et rentabilité sont les maîtres mots.


Conditions de travail et retraites : quand les personnels hospitaliers disent qu’ils ne sont plus capables !

Aujourd’hui, l’enquête de la DREES révèle que seule 52% des personnels interrogés se sentent capables de faire le même travail jusqu’à la retraite.

Les personnels ayant travaillés dans des services COVID sont plus nombreux à être dans ce cas, puisque 60% d’entre eux ne se sentent pas capables faire le même travail jusqu’à la retraite contre 45% des autres.

Si ces données ne permettent pas d’affirmer le lien entre pénibilité et sentiment d’incapacité liée au vieillissement, les multiples expériences et remontées de terrains des camarades dans les secteurs à forte pénibilité ne doivent pas nous laisser dupe : une forte pénibilité use et parfois détruit les corps. Elle empêche trop souvent de continuer son travail jusqu’à la retraite.

Le secteur hospitalier n’y échappe pas, et aujourd’hui, une trop grande pénibilité telle que celle que subissent les travailleurs et travailleuses de ce secteur les exposes à une dégradation de leur santé et par la même occasion une dégradation de la santé de toute la population.

 

Repère revendicatif