Mémo Sécu n°23 : CSG : un impôt pour étatiser la Sécurité sociale ?

Publié le 1 juil. 2024
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Instaurée sous le gouvernement Rocard (2) le 18 décembre 1990, la Contribution Sociale Généralisée (CSG) a été mise en place pour participer au financement de la Sécurité sociale. Depuis 2018, elle contribue aussi au financement de l’assurance chômage.

En 2022, le rendement de la CSG brute, c’est-à-dire l’ensemble des ressources collectées au titre de la CSG, s’est élevé à 141,6 Md€ pour l’ensemble de ses attributaires (Branches famille, maladie et « autonomie », Fond de Solidarité Vieillesse (FSV), Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) et UNEDIC) en hausse de 7,9% par rapport à 2021. Selon la Commission des Comptes de la Sécurité sociale (CCSS), son rendement devrait augmenter de 4,7% en 2023 et de 4,2% en 2024.

La nature de ce prélèvement obligatoire fait débat pour bon nombre de spécialistes. Du point du vue du droit français au travers d’une jurisprudence du conseil constitutionnel, la CSG est considérée comme une « imposition de toute nature » et non pas comme une cotisation sociale. Néanmoins, pour la Cour de justice de l’UE, la CSG est intimement liée au financement de la Sécurité sociale et se doit donc d’être considérée comme une cotisation sociale. Les travailleurs de l’UE qui ont un travail en France mais qui sont affiliés à leur régime d’origine ne sont donc pas dans l’obligation de payer la CSG.

La définition de ce qui est cotisation sociale ou impôt   est une bataille politique et idéologique. Au-delà du financement de la Sécurité sociale, la cotisation sociale est aussi et avant tout un outil de partage de la valeur entre capital et travail, sur lequel nous reviendrons, quelles que soient les considérations juridiques à son égard.

Les points importants à retenir

  • En droit, la CSG est un impôt que les travailleurs européens ne peuvent payer s’ils ont déjà une Sécurité sociale dans leur pays d’origine, cette contribution participant au financement de la protection sociale française.
  • La CSG n’est pas une cotisation sociale au regard de la conception qu’en a la CGT : elle ne participe pas à la répartition primaire entre capital et travail de la valeur produite par les travailleurs.
  • L’assiette de la CSG est plus large que celle des cotisations sociales. Mais, une grande part des recettes de la CSG (67%) sont prélevées sur la part de la valeur récupérée par les travailleurs, le salaire.
Taux, Assiettes, et recettes de la CSG

L’ensemble des données disponibles sur la CSG, et l’ensemble des informations sur l’évolution des taux et de l’assiette de la CSG sont disponibles chaque année dans les rapports de la Commission de Comptes de la Sécurité sociale ainsi que dans l’annexe 3 du PLFSS de chaque année.

Tableau n°1 : Part des 3 principales recettes brutes dans le financement des régimes de bases du FSV entre 2002 et 2022

Sources : PLFSS 2024, Annexe 3

L’assiette de la CSG est plus large que celle des cotisations sociales.  Elle ne repose pas seulement sur les revenus d’activités, dans le cadre du partage primaire de la valeur produite, mais repose aussi sur :

  • Les revenus de remplacement (allocations chômage, IJ, pensions de retraites…)
  • Les revenus du patrimoine et revenus de placement,
  • Les sommes engagées ou redistribuées par les jeux
  • Autres 

 

En 2024, le produit net de la CSG net devrait représenter plus de 128 milliards d’euros de recettes pour la Sécurité sociale. La part de la CSG qui porte sur les revenus d’activités devrait constituer 67% du rendement total de la CSG. La CSG remplacement et la CSG capital représenteront respectivement 20% et 13%. Le reste de l’assiette de cette contribution concernera les jeux notamment à hauteur de 0,46%.

Aujourd’hui, la CSG n’est pas intégrée à part égale au financement de toutes les branches de la Sécurité sociale. Par ailleurs, la CSG finance aujourd’hui l’assurance chômage et cela depuis 2019, ce qui permet au gouvernement de se prévaloir d’un droit de contrôle sur celle-ci au détriment de la gouvernance par les représentants des salarié.e.s. La remise en cause du financement par la cotisation de la Sécurité sociale et de la protection sociale en générale c’est aussi un outil de remise en cause du pouvoir de gestion des travailleurs.ses sur celles-ci.

La CSG est la principale source de financement de la « branche autonomie », cette branche dont la CGT récuse la légitimité et revendique la réintégration dans la branche maladie depuis son intégration à la Sécurité sociale en 2020. La CSG contribue pour 25% aux recettes de la branche Maladie et de la branche Famille et à 7% pour la branche retraite. Elle ne contribue pas à la branche AT MP qui est très majoritairement financée par les cotisations sociales versées par l’employeur qui n’en reste pas moins une part du salaire des travailleurs.ses.

Le taux de CSG varie selon plusieurs critères. Il varie avec la nature du revenu bien qu’il soit actuellement équivalent sur les revenus d’activités salariées et sur les revenus du patrimoine et du capital et fixé à 9.2%.

Pour le taux applicable aux pensions de retraite, celui-ci varie en fonction du revenu fiscal de référence et le nombre de part du quotient familiale. Celui-ci peut être fixé à 0%, 3,8% pour le taux bas, 6,6% pour le taux médian, 8,3% pour le taux normal et 9,2% pour le taux normal préretraites.

Graphique n°1 : Structure par branche des recettes brutes des régimes de base et du Fond de Solidarité Vieillesse en 2022

 

Répartition secondaire contre répartition primaire de la valeur produite

Les notions de répartitions primaires et répartitions secondaires permettent de qualifier deux méthodes de répartition, ici de la valeur, intervenant à deux moments différents. La répartition primaire est le premier moment de découpage. Dans le capitalisme, la répartition primaire correspond au partage de valeur produite entre capital et travail. La répartition secondaire intervient dans un second temps et permet une répartition après ce premier découpage : le versement de prestations sociales est une partie de cette répartition secondaire.

En ce sens, les cotisations sociales sont un puissant outil de répartition primaire de la valeur produite puisqu’il s’agit d’une partie du salaire socialisé.

Par ailleurs, cette méthode de répartition de la valeur produite révèle précisément la tension centrale au cœur du mode de production capitaliste, la lutte entre le travail et le capital, la revendication des travailleurs d’être seul producteur de valeur, tout autant que celle du capital d’accaparer une part toujours plus grande de la valeur produite.

Enfin, ce moment de la répartition primaire est aussi celui qui permet aux travailleurs de revendiquer le droit à diriger la Sécurité sociale puisque celle-ci est financée par une socialisation des revenus du travail.

La répartition secondaire s’effectue après cette première répartition entre capital et travail. La CSG intervient dans ce second moment et repose en majorité sur les revenus du travail et en partie sur les revenus du capital, ces derniers étant donc déjà théoriquement répartis.

Aujourd’hui, le financement de la Sécurité sociale repose de plus en plus sur un financement par l’impôt, qu’il s’agit de la CSG ou de la TVA. Cette mutation largement entamée depuis les années 1990 remet en cause les fondements même de la Sécurité sociale. Pour certains, l’assiette de la CSG, plus large que celle des cotisations, aurait un caractère plus égalitaire que les cotisations. Mais c’est seulement le cas si l’on refuse de voir que l’enjeu s’opère avant, lorsqu’il s’agit de se battre pour améliorer la part de la valeur produite qui revient au travail. Tout le reste n’est qu’une fable du capital sur sa propre nature dont il nie le caractère parasitaire, et sans doute un moyen de conserver le pouvoir et de nier au travail son caractère central dans la production de valeur.

 

Repère revendicatif