Plan de relance - Aides publiques aux entreprises

Publié le 13 oct. 2020
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Plan de relance
La question des aides publiques aux entreprises est centrale. C’est l’objet du présent document.

Introduction

Le mal nommé « plan de relance » repose sans surprise sur la même conception erronée des questions économiques en France. Au lieu de proposer une trajectoire de sortie de crise de long terme, associant planification et conditionnalité de la dépense publique, le gouvernement s’entête dans une voie désormais bien connue, puisqu’elle est l’unique réponse du gouvernement peu importe le problème : baisser les impôts ou les cotisations sociales. Bien sûr, sans contrepartie, en espérant que par miracle les entreprises utilisent cet argent pour investir et créer de l’emploi.

A l’opposé, nous demandons que ces sommes servent directement les salarié-es et la transition écologique. Comment accepter que les deniers publics, c’est-à-dire notre argent à tous et toutes, soient dilapidés et saupoudrés sans aucune forme de vision et sans contrainte pour les entreprises ? En plus d’être inefficace, les montants en jeu sont colossaux, c’est inacceptable. La question des aides publiques aux entreprises est centrale. C’est l’objet du présent document.

1. 200 MILLIARDS D’EUROS D’AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES ?

Pour quantifier les aides aux entreprises, il faut prendre en compte :

  • Ce que l’État dépense directement (subventions) et les recettes auxquelles il renonce (les fameuses « niches fiscales »);
  • Les recettes de cotisations sociales auxquelles l’État renonce (exonérations de cotisations ou « niches sociales »).

 

Il est pratiquement impossible de savoir précisément ce que les administrations publiques (État, collectivités) dépensent pour soutenir le capital, et pour cause. Le rapporteur du budget (pourtant LREM) rappelait en 2019 que sur 474 niches fiscales, 122 sont mal chiffrées et 64 ne le sont tout simplement pas ! Du côté des niches sociales, l’Inspection générale des Finances et l’Inspection générale des Affaires sociales rappellent qu’il est impossible d’estimer le coût d’un tiers d’entre elles ! Difficile dans ces conditions de savoir précisément de quoi on parle ou d’estimer l’efficacité des mesures !

 

Certaines « niches » durent tellement longtemps qu’elles finissent par devenir la norme et disparaissent purement et simplement des chiffres ! Cela risque d’arriver au Crédit d’impôt recherche par exemple, comme c’est déjà le cas des exonérations dites « Fillon ».

 

QUEL MONTANT ? 

 

Les données disponibles permettent de donner une estimation de ces aides. À charge désormais aux services statistiques publics de faire toute la lumière sur ces chiffres.

 

  • Niches fiscales en faveur des entreprises et ménages aisés + mesures déclassées : 100 milliards d’euros ;
  • Niches sociales (intégrant le CICE) : 91 milliards d’euros.

 

On arrive effectivement dans un ordre de grandeur proche de 200 milliards d’euros, et ce sans compter le coût de la fraude fiscale (environ plus de 100 milliards d’euros par an) et de la fraude sociale des employeurs (20 milliards d’euros par an).

2. L’ÉCHEC DU CICE… REPRODUIT AVEC LE PLAN DE RELANCE !

Le cas du CICE est exemplaire de l’inefficacité des aides publiques octroyées sans contrepartie. Le dernier rapport de France Stratégie est sans appel :

 

  • L’effet sur l’investissement des entreprises est quasi nul ;
  • L’effet sur l’emploi est extrêmement faible (100 000 emplois créés);
  • Le coût est exorbitant (90 milliards d’euros en 5 ans).

 

Le premier point à retenir, c’est qu’à la place du CICE, nous aurions pu créer 300 000 emplois publics, dans des secteurs stratégiques comme la santé, l’enseignement, les métiers du soin et la transition écologique. Que nous nous privions d’un tel outil direct de transition est totalement incompréhensible, et révèle le caractère éminemment idéologique des décisions gouvernementales.

 

Le deuxième point, c’est que le CICE, devenu baisse de cotisations sociales, est financé de fait par la collectivité, c’est-à-dire par nous ! Le fameux « trou de la sécu » ne trouve pas son origine autre part que dans les baisses successives de cotisations votées depuis les années 1990 jusqu’au CICE. Ce que les employeurs gagnent (sans créer d’emplois !), c’est la Sécurité sociale qui le perd. Dit de manière plus claire : nous le finançons indirectement, via la baisse des dépenses sociales, de santé, via une dégradation des services publics, des cadeaux aux employeurs inefficaces et sans contreparties.

 

La baisse des « impôts de production » prévue dans le plan de relance nous entraîne sur une pente identique. La base idéologique reste la même : donnez des fonds aux entreprises, et espérez par miracle qu’elles décident d’investir et d’embaucher. C’est criminel du point de vue des dépenses publiques ; c’est affligeant du point de vue de l’emploi. Nul enseignement n’est tiré des plans de restructuration et des fermetures de sites malgré les aides publiques reçues.

 

Les entreprises ont déjà commencé à amasser des réserves de trésorerie ; de nouveaux cadeaux sans contreparties ne feront qu’augmenter ces réserves. 20 milliards de plus… pour rien.

 

On pourrait multiplier les arguments montrant l’inefficacité de ces mesures. Mais il est plus utile de mettre sur la table nos propres propositions, et de tracer une voie radicalement différente, basée sur deux idées fortes : orienter et conditionner les aides publiques en faveur de l’emploi et de la transition écologique.

3. ORIENTER ET CONDITIONNER LES AIDES PUBLIQUES : NOS PROPOSITIONS CGT

Il y a en définitive deux voies :

 

  • Celle du gouvernement, qui distribue de l’argent public sans contreparties en espérant que par magie les entreprises deviennent vertueuses et s’engagent dans la transition ;
  • Celle de la CGT, qui veut évaluer et conditionner les aides publiques à des critères sociaux et environnementaux, avec plusieurs objectifs : maintenir l’emploi, améliorer la situation des salarié-es et utiliser la conditionnalité comme levier pour orienter vers la transition écologique.

 

La logique générale est simple : il est inacceptable que l’argent public inonde les entreprises sans que rien de précis ne leur soit demandé. Cela implique que nous puissions collectivement contrôler les aides et imposer des conditions, du niveau national jusqu’au niveau de l’entreprise.

 

IMPOSER DES CONDITIONS SOCIALES ET ENVIRONNEMENTALES

 

Plusieurs critères peuvent être mis en avant :

 

Emploi

  • Interdiction des licenciements pendant une période donnée. Cela veut dire pas de PSE, pas d’APC, pas de RCC… ou alors pas d’aide ! ;
  • Conditionner l’aide à une baisse du temps de travail, selon plusieurs modalités (hebdomadaire, hausse du nombre de jours de congé…). Cela peut passer par la transformation de l’APLD (Activité partielle de longue durée) en ouverture obligatoire de négociation sur le temps de travail assortie d’une obligation d’embauche ;
  • Imposer des critères de « qualité » de l’emploi, CDI, formation ;
  • Conditionner l’octroi des aides au recrutement d’apprentis dont le nombre est à définir en fonction de la taille de l’entreprise.

 

Environnement

  • Imposer le respect d’une trajectoire de décarbonations claire et chiffrée ;
  • Conditionner l’aide à des investissements supplémentaires en R & D ;
  • Privilégier les entreprises ayant un taux d’internalisation plus élevé, les structures les plus intégrées et interdire les délocalisations ;
  • Imposer que les délais de paiement et les commandes pour les sous-traitants soient respectés. Au niveau international, le respect des normes OIT et des accords-cadres internationaux doit être garanti.

 

Gouvernance

  • Imposer une augmentation des sièges au conseil d’administration pour les salarié-es ;
  • Renforcer le contrôle des IRP.

 

Égalité

  • Conditionner l’aide à un plan pour l’égalité femme-homme clair et chiffré ;
  • Imposer un quota d’embauche de travailleur-euses handicapé-es.

Décliner les conditions à plusieurs niveaux

Imposer et contrôler les conditions doit se faire à différentes échelles.

 

Au niveau national

  • Les grands critères doivent être définis au niveau national, dans les instances et les ministères ;
  • Une instance paritaire doit être mise en place pour contrôler réellement toutes les aides (niches fiscales, niches sociales et aides directes) avec un pouvoir décisionnel pour sanctionner les manquements aux critères et conditions.

 

Au niveau territorial

  • Des instances de suivi territoriales s’assurent que les critères sont respectés.

 

Au niveau des branches et professions

  • Un fonds paritaire de transition, abondé à la fois par l’État et les employeurs via une cotisation sur le capital, doit servir de « matelas » en cas de choc comme celui du Covid. Il doit également servir à assurer, au niveau de la branche, la formation et le reclassement des salarié-es au sein de la branche.

 

Au niveau de l’entreprise

Les syndicats et les CSE assurent le contrôle des aides versées. Les salarié-es doivent être consultés et valident la stratégie de l’entreprise.

Conclusion

Il y a une opportunité majeure de donner chair concrètement à la transition écologique et sociale. Les commandes publiques qui représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année, sont autant de possibilités de leviers, si des critères sont conditionnés, comme pour les aides publiques. Le gouvernement choisit sans surprise la voie du capital, sans contrepartie. Nous proposons une transition au service du travail, en utilisant la conditionnalité des aides publiques aux entreprises comme levier pour favoriser l’emploi, la situation des salarié-es et orienter l’action des entreprises vers une voie soutenable.

 

Les propositions CGT sont concrètes, immédiatement applicables pour la majorité d’entre elles (interdiction des PSE / APC / RCC). D’autres demandent l’ouverture de nouvelles instances de contrôle réel (et non pas de « suivi » consultatif comme pour le CICE). Nous revendiquons le droit de choisir à quoi sert l’argent que nous dépensons collectivement. L’argent public ne peut pas être un cadeau sans contrepartie. Il doit être un soutien conditionné à des objectifs clairs et définis par et avec les salarié-es

Repère revendicatif