
PPL Duplomb : Lorsque les Droites signent le retour des néonicotinoïdes et la concentration du secteur agricole
Ce lundi 26 mai sera présenté à l’Assemblée Nationale une proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Initiée par le sénateur LR Laurent Duplomb, cette proposition de loi validée par le Sénat, à majorité de droite, vise à remettre en cause l’interdiction sous conditions de certains produits phytosanitaires et pourrait entrainer l’accélération de concentration de la production agricole sur le territoire français.
L’article 2 vise notamment à lever partiellement l’interdiction des néonicotinoïdes en réautorisant de manière dérogatoire l’Acétamipride pour la culture des betteraves et des noisettes notamment. Interdit depuis 2018, on connait aujourd’hui les effets potentiellement délétères de ces produits sur les insectes pollinisateurs. Un rapport de l’ONG « Générations futures » publié ce mois de mai 2025 et s’appuyant sur de nouvelles données scientifiques vient préciser les effets délétères d’une telle substance sur les populations d’oiseaux, les polinisateurs et sur l’être humain notamment. L’Acétamipride aurait des effets très importants sur le comportement des abeilles bien que les études soient trop lacunaires encore, et serait persistante dans l’eau. Treize nouvelles études viennent aussi préciser que cette substance aurait « des effets sur la santé [humaine] variée, notamment cancérigène et perturbateur endocrinien » ainsi que des effets des neurotoxiques qui commencent à être identifiés par les travaux scientifiques récents.
Au-delà de la réintroduction de ce produit, cette proposition de loi comporte deux articles qui soulèvent des oppositions majeures, l’article 3 et l’article 5. Le premier vise à modifier les seuils des élevages relevant des « installations classées pour protection de l’environnement » et d’assouplir les procédures et les modalités de consultation du public. Cet article relèverait fortement les seuils des élevages de volailles et de porcs concernés par le régime de l’autorisation le plus strict et ouvrirait la voie à une exemption pour les élevages bovins. Cette modification règlementaire ne profiterait qu’à 3% des élevages au détriment de beaucoup d’autres et de l’environnement, la concentration des élevages entrainant de fait une concentration des pollutions.
L’article 5 vise quant à lui à modifier fortement le statut protégé des zones humides et créerait une présomption d’intérêt général majeur aux projets de stockage de l’eau. Cette proposition ouvrirait en grand la porte à bon nombre de projets de méga-bassines dont on connaît le caractère délétère pour l’environnement et la logique de privatisation de l’eau qui la sous-tend. Ces outils de privatisations de l’eau ne répondent qu’aux besoins d’une politique productiviste, tournée vers l’exportation et non vers le développement d’un modèle agricole centré sur la préservation de l’environnement, sur une production pour le marché national et sur l’amélioration des conditions de travail et des revenus de l’ensemble des producteur·trices français·es.
Côté procédure parlementaire, le rapporteur de ce texte en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Julien Dive (LR) a déposé une motion de rejet préalable visant non pas à se débarrasser du texte mais bien à en accélérer son adoption. En effet, cette commission a proposé plusieurs ajustements, notamment la limitation de la réintroduction de certains produits phytosanitaires et les groupes d’oppositions de gauche ont déposer plusieurs milliers d’amendements sur le texte visant à bloquer celui-ci. Une telle motion permettrait de passer outre les discussions à l’Assemblée et de faire discuter en commission mixte paritaire, majoritairement de droite (7 sénateurs et 7 députés), un texte proche de celui du Sénat, en accélérant donc son adoption. Un tel texte sorti de la CMP ne pourrait plus être amendé à l’Assemblée sans l’accord du gouvernement.
Ce projet de loi marquerait un recul important pour la protection de l’environnement, une atteinte contre la santé des populations et renforcerait la concentration de la production agricole contre les plus petit·es agriculteur·trices et paysan·nes.