Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a pour objectif de permettre à la France de respecter ses engagements sur le réchauffement climatique (+1,5°C). Pour y parvenir, elle devait s’inspirer largement des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC).
La CCC a été mise en place en octobre 2019 suite à la mobilisation des Gilets jaunes s’organisant contre le caractère inique de la taxe carbone. 150 citoyens ont été tirés au sort avec pour objectif de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990 ».
La CGT a été auditionnée deux fois et a transmis un document de propositions détaillées à la CCC.
A l’issue de 9 mois de travail, la CCC a rendu 149 propositions organisées autour de 5 grands thèmes recouvrant les grands aspects de nos modes de vie : Se nourrir (alimentation et agriculture) ; Se loger (habitat et logement) ; Travailler et produire (emploi et industrie) ; Se déplacer (aménagement et transports) ; Consommer (modes de vies et de consommation).
S’agissant du rapport remis par la CCC :
- La CCC ne s’est pas contentée de fournir des réponses techniques à un problème technique.
L’exigence de repenser le mode de fonctionnement global de notre société a guidé la rédaction de chaque proposition avec toujours le souci de davantage de « justice sociale ». Et effectivement, prendre à bras le corps la question environnementale, fut-ce par un biais technique et restreint (baisser de 40% les EGES), c’est nécessairement redéfinir nos modes de production, de travail et de vie ; s’atteler sérieusement à la question de l’environnement c’est au sens strict redéfinir la société comme ce qui fait que je suis lié à l’autre : à un outil de production, à des ressources naturelles etc, et les modalités selon lesquelles s’organisent ces liens pour que l’ensemble soit le plus juste possible.
Il y a donc à la base de ces 149 propositions, un discours engagé qui articule l’urgence environnementale à celle de justice sociale à la manière dont la CGT conjugue la fin du mois à la fin du monde. Si l’on suit le développement de la CCC, le trait d’union entre urgence environnementale et justice sociale c’est une intervention citoyenne renouvelée en profondeur à la fois comme extension de la parole donnée aux citoyens mais aussi quant au pouvoir donné à la société civile de mieux contrôler les politiques publiques non pas tant pour les sanctionner que pour les conforter.
- Que reste-t-il des propositions de la CCC dans le projet de loi ?
- Un référendum (analyse détaillée ici) portant sur la révision de la Constitution en lieu et place d’un débat national, de fond et populaire sur la société de demain tel que le revendiquait la CCC. Cette modification de la Constitution n’ayant pas une réelle portée juridique en raison de la Charte de l’environnement, elle n’a qu’une portée symbolique mais elle pourrait être l’opportunité de créer les conditions d’un large débat sur ce qu’implique, en termes de modèle de société, la transition écologique.
- Plus d'une soixantaine de propositions (analyse détaillée ici) très souvent moins ambitieuses que celles formulées par la CCC en termes de délai ou de portée concrète. Le gouvernement explique d’ores et déjà l’absence de certaines propositions de la CCC par le fait qu’elles relèvent d’autres textes : lois de finances pour le malus au poids par exemple, ou d’engagements internationaux ou communautaires comme la taxation de l’aérien.Surtout, la ligne politique empruntée par la CCC et articulant la question environnementale à celle de justice sociale est totalement niée. Le « joker » présidentiel portant sur la taxation à 4% des dividendes en est un des grands marqueurs. De fait, E Macron a écarté toutes les mesures portées par la CCC qui auraient pu contribuer au financement de la transition écologique tout en réduisant les injustices fiscales et sociales : non ratification et renégociation du CETA, conditionnalité des aides publiques au respect d’une trajectoire de réduction des EGES conforme à l’Accord de Paris, plus grande taxation des GAFA, fléchage de l’épargne privée réglementée, remise en cause des niches fiscales liées aux énergies fossiles etcLa pression des organisations patronales qui prônent en matière environnementale « l’efficacité avant la morale » est sans doute non négligeable.
Au final, le projet de loi aurait le grand inconvénient de se réduire à une série de mesures techniques, certes utiles, mais étouffant le débat politique sur la transition écologique du pays et la mutation du modèle de société qu’il implique. C’est – comme son nom l’indique – un projet « résilient » c’est-à-dire qui vise à adapter le système capitaliste à l’urgence climatique en faisant reposer cette transition sur la capacité individuelle de chacun à modifier ses habitudes de consommation, de production etc. Ce projet induit donc une politique de désengagement de l’Etat où prévaut la responsabilité individuelle et réduit la liberté émancipatrice de réaction à une crise en enfermant les populations dans une doctrine d’adaptation.
Il n’en reste pas moins que les débats parlementaires à venir pourront être l’occasion de créer le débat qui manque à notre société : celui de l’intervention citoyenne dans les politiques publiques et d’une nécessaire transition écologique qui soit le levier d’une société plus juste.