Le mot "Ubérisation" est prononcé a tout bout de champ mais sans forcément savoir ce que recouvre la réalité des travailleurs des plateformes. Voici un éclairage sur cette question et les propositions de la CGT pour que ces travailleurs aient davantage de droits.
Pour les travailleurs qui souhaitent prendre contact avec nos syndicats de travailleurs des plateformes : livreurs@cgt.fr
Les plateformes, comment ça marche ?
- Les travailleurs des plateformes en chiffres
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- En France, on compte 3 millions d’indépendants, dont 1,3 millions de micro-entrepreneurs.
- 0.5% des actifs européens et états-uniens travaillent pour les plateformes.
- Selon les dernières estimations moins de 1% de la population active travaille via les plateformes.
- 2/3 des micro-entrepreneurs font moins de 9 000€ de chiffre d’affaires.
- Le "modèle" économique
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Les plateformes sont dites de mise en relation mais pour beaucoup d’entre elles (Uber, Deliveroo, etc…) il s’agit de «marchés bifaces transactionnels ». C’est-à-dire que ces plateformes ne se contentent pas de mettre les acteurs en relation de façon "neutre", elles créent et organisent un marché. Ainsi, ce sont les plateformes qui fixent les prix pour les livreurs et pour les restaurateurs. Les « acteurs » du marchés que sont les restaurateur et les livreurs ne se rencontrent jamais et ne conviennent pas des tarifs, de même c’est la plateforme qui fixe le niveau d’exigence du service et les critères d'attribution des missions.
La Cour de justice de l’Union Européenne a d’ailleurs reconnu qu’il s’agissait d’entreprise de transport ou de livraison et non du numérique, cela signifie que c’est la législation nationale qui leur est applicable.
Tous ces éléments justifient pleinement l’idée selon laquelle il s’agit bien des employeurs des livreurs et non de simples intermédiaires entre entreprises ou micro-entrepreneur.
Il est bon de faire un point sur la stratégie d'implantation de ces sociétés. Au départ, elles pratiquent des tarifs très attractifs pour les consommateurs et payent "correctement" les livreurs afin de créer un marché et d'affaiblir le marché directement concurrent (exemple les taxis pour les chauffeurs Uber). En réalité, demande et offre sont subventionnées, il s'agit donc d'un artifice économique largement rendu possible par le fait que ces entreprises contournent la législation nationale en matière de réglementation de leur secteur (ex: le transport de personne) mais aussi sociale et fiscale. Puis une fois le nombre de consommateurs et de travailleurs suffisants, les tarifs pratiqués sont revus à la hausse et les rémunérations à la baisse. Cela peut s'assimiler à une concurrence déloyale.
A l'heure actuelle, les pertes accumulées par les plateformes sont abyssales et de nombreux pays octroient des droits à ces travailleurs. Le modèle est donc interrogé, y compris sur le plan économique.
- L'organisation du travail
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Les livreurs s’inscrivent sur des plages horaires et les plateformes peuvent limiter le nombre de livreurs par plage. Les notations, l'assiduité et la mobilisation de ces critères (et probablement beaucoup d’autres) par les algorithmes, influent sur l'attribution des livraisons et peuvent être à l'origine de déconnexion ou de restriction d'accès aux plateformes. De plus en plus de plateformes pratiquent désormais le "freeshift", renforçant ainsi la concurrence entre les livreurs qui n'ont plus de plage de connexion attribuée. Il y a donc plus de livreurs pour un nombre constant de commandes, ce qui va augmenter le temps d'attente des livreurs pour avoir une commande, et nécessairement réduire leur rémunération.
Le fonctionnement des algorithmes est totalement opaque pour les livreurs.
La loi LOM prévoit d’interdire la suspension de comptes pour inactivité et de faire la transparence sur la nature de prestation proposée aux livreurs (distance, etc…) mais cela ne devrait rien changer car les plateformes ne sont toujours pas tenues de justifier les déconnexions et que certaines d’entre elles annonçaient déjà la nature de la course proposée. C’est un moyen de contourner la question des algorithmes.
Le travail est rémunéré à la tâche, selon les plateformes le système de rétribution diffère, en voici deux exemples :
- un fixe pour la course (qui peut varier selon la distance)
- ou un fixe pour récupérer la commande, puis un tarif au kilomètre, et enfin un fixe pour la livraison
En général, les temps d’attente de la course ne sont pas rémunérés. Les plateformes se rémunèrent sur la rétribution du chauffeur pour la livraison ou la course effectuée (25% en moyenne).
- Quel statut juridique pour les travailleurs des plateformes ?
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En pratique, les plateformes demandent aux livreurs de se constituer en indépendants, sous forme de micro-entreprises.
Plusieurs juridictions, dont la Cour de cassation, ont requalifié les relations entre plateformes et livreurs en contrat de travail, en retenant l'existence d'un lien de subordination.
Face à ces requalifications, le gouvernement a lancé plusieurs missions ayant pour objet de réfléchir au statut des travailleurs des plateformes. L'objectif à peine dissimulé est créer un sous-statut, avec de sous droits, ce qui la CGT combat fermement (voir à ce sujet nos revendications et les contributions faites dans le cadre de ces missions).
- Quels droits actuellement pour ces travailleurs ?
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Les conséquences du "statut" de ces travailleurs sont multiples en termes de protection, notamment en matière de protection sociale. Puisqu'ils ne sont pas salariés, ils ne bénéficient ni du Code du travail (durée du travail, repos et congés, justification de la rupture du contrat, droit à une représentation du personnel et à la négociation collective ...) ni du Code de la sécurité sociale (accident du travail, mutuelle ...).
La loi Travail a toutefois instauré certains droits (article 60), qui restent très insuffisants :
- Au-delà d’un certains chiffre d’affaires réalisé sur la plateforme, celle-ci prend en charge les souscriptions individuelles des livreurs aux assurances contre les accidents du travail ;
- De même, au-delà de ce seuil, les plateformes doivent verser leur contribution à la formation professionnelle et prennent en charge les frais d'accompagnement en cas de VAE et lui verse à cette occasion l'indemnité réglementaire ;
- Un droit à la mobilisation collective : en cas de refus de travailler pour défendre des revendications professionnelles ne peuvent pas générer de sanctions (engagement de la responsabilité contractuelle, de rupture des relations avec les plateformes, de pénalisation dans l'exercice de leur activité),
- Le droit de constituer une organisation syndicale.
Revendications de la CGT
Le phénomène des travailleurs des plateformes est finalement peu important d'un point de vue numérique. Mais il repose des questions qui traversent le droit du travail depuis sa création. A quels travailleurs doit-on attachés des sécurités ? Le critère de la subordination a été retenu pour définir ce qu'est un salarié, ce critère a aussitôt été remis en cause. Ainsi, "le livre 7" du Code du travail intègre des travailleurs non subordonnés mais économiquement dépendants.
La situation des livreurs repose ce débat en en actualisant les termes. En effet, une grande majorité d'entre eux souhaitent s'extraire de la subordination "classique", la liberté étant une des "valeurs" phare de ces travailleurs.
La CGT organise ces travailleurs en tenant compte de leurs aspirations. C'est ainsi que nous avons pu mener des batailles judiciaires pour obtenir la requalification en contrat de travail des livreurs souhaitant devenir salarié, tout en luttant pour obtenir plus de protection et de droits pour ceux souhaitant conserver le statut indépendant, et, dans le même temps, accompagner d’autres livreurs, qui ne veulent pas être subordonnés aux plateformes, dans la création de leur coopérative.
Toutes ces actions s’inscrivent dans une visée revendicative plus large. En effet, l’émergence de nouvelles formes de travail (microentreprenariat, ubérisation,...) met à mal la définition actuelle du salariat trop restrictive puisque limitée à la subordination au sens fordiste du terme. Les évolutions du monde du travail ont pour conséquence et pour but, de permettre aux entreprises de ne plus être employeur et donc d’échapper à leurs responsabilités alors même que la dépendance des travailleurs reste intacte.
Selon la CGT, les travailleurs à qui il faut garantir des droits juridiquement reconnus doivent être définis comme ceux n’ayant pas la pleine maîtrise de leur activité, sachant que quelqu'un d'autre tire profit de leur travail.