Après 70 milliards d’euros versés aux actionnaires en 2021 par les entreprises du CAC 40, la barre des 80 milliards est dépassée cette année comme le rappelle la Lettre Vernimmen. En pleine crise inflationniste, l’outrance n’a aucune limite.
- 1. Le CAC 40 déconnecté de la réalité
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Les entreprises du CAC 40 ont versé plus de 80 milliards d’euros à leurs actionnaires, 56,5 milliards d’euros de dividendes et 23,7 milliards sous forme de rachats d’actions[1].
Ce nouveau bond des versements aux actionnaires s’explique notamment par les résultats de ces entreprises en 2021 puisqu’elles ont fait 145 milliards d’euros de profits en 2021. On parle ici des résultats de 2021 car théoriquement les dividendes sont la distribution des résultats de l’année précédente, en l’occurrence 2021 pour les versements aux actionnaires de 2022.
Ces résultats records semblent se poursuivre en 2022 puisqu’au premier semestre on comptabilisait déjà 73 milliards d’euros de profits en tenant compte de seulement 38 entreprises sur 40.
Ces résultats sont en totale déconnexion avec ce que les travailleur-se-s vivent au quotidien. En même temps que les 73 milliards de profits en un semestre étaient annoncés, le Parlement débattait d’une loi à 20 milliards d’euros pour tous les français-es, soit moins de 2 mois de profits du CAC 40.
[1] Voir l’explication des rachats d’action dans le mémo éco - le capital, grand gagnant de la crise
- 2. La fête des profiteurs de crise
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En haut du classement des verseurs de dividendes, on retrouve le superprofiteur de crise TotalEnergies qui a versé 13,3 milliards à ses actionnaires. La deuxième place est pour l’entreprise de luxe LVMH avec plus de 7 milliards pour ses actionnaires. Rappelons que son premier actionnaire, Bernard Arnault est devenu l’homme le plus riche du monde ces dernières semaines. Quand le monde du travail accuse le coup, Bernard Arnault survole la mêlée. Son groupe de luxe prospère sur les inégalités, et puisque les plus riches continuent de s’enrichir, il se porte à merveille.
Les sociétés financières (banques et assurances) reviennent également en force cette année. Ainsi, BNP Paribas et Axa sont le top 5 de ceux qui versent le plus à leurs actionnaires. Crédit Agricole est 7ème et Société Générale 12ème. Ces entreprises avaient été contraintes par les autorités de régulation sur leurs dividendes pendant la crise sanitaire. Désormais, la bride est lâchée et ces groupes rattrapent leur « retard » en gavant leurs actionnaires encore plus qu’à la « normale ». D’autant plus que les banques profitent fortement de la remontée des taux d’intérêts qui gonflent leurs revenus !
- 3. Gaver les actionnaires fragilise les entreprises
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La période est pleine d’incertitude ; guerre en Urkaine, reprise épidémique en Chine, inflation, guerre commerciale font peser une menace forte sur l’économie.
Face à un tel constat le bon sens amènerait à la prudence. En se servant autant dans les réserves des entreprises, les actionnaires du CAC 40 insultent l’avenir. Car tout ce qui est versé aux actionnaires sort de l’entreprise et réduit donc ses réserves et son matelas de sécurité en cas de problème.
Si les actionnaires se permettent d’être aussi peu prudents, c’est surement car ils savent qu’en cas de problème, l’Etat sera là pour courir à leur secours.
« Privatisation des profits, socialisation des pertes », cela se confirme une nouvelle fois. Rappelons à nouveau que les actionnaires « n’investissent pas » ; ils se servent.
- 4. Refuser d’augmenter les salaires est insoutenable
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Avec de tels chiffres, continuer de refuser les augmentations de salaires est une position insoutenable. Depuis 2017, les effectifs du CAC 40 ont augmenté de 13% quand les versements aux actionnaires ont eux explosé de 75%. Cela signifie que la spoliation du travail de chaque travailleur-se est encore plus forte aujourd’hui qu’il y a 5 ans.
Le pouvoir des entreprises du CAC 40 sur l’ensemble de l’économie est un véritable poison, qui nuit aux salarié-e-s mais également sur les plus petites entreprises qui subissent l’étau des plus grandes.
Pour rappel, 1% des multinationales en France emploient 46% des salarié-e-s en France et représentent 56% de la valeur ajoutée totale. Leur poids dans l’économie française est immense, mais leur responsabilité… quasi nulle !
- Conclusion
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Les profits et les versements aux actionnaires mirobolants sont une insulte à tous les travailleur-se-s qui subissent un peu plus chaque jour les conséquences de l’inflation et de la faiblesse des salaires. Plusieurs solutions doivent être mises en place d’urgence face à cette indécence.
Pour les profits déjà réalisés, il faut les taxer, d’autant plus pour les profiteurs de crise.
Ensuite, l’Etat doit intervenir en bloquant certains prix comme celui des carburants : ce sont les actionnaires de Total qui doivent payer, pas le contribuable, ni les travailleur-se-s.
Mais l’enjeu fondamental se situe en amont : gagner des hausses de salaires, en commençant par le SMIC à 2000€ bruts, répercuter automatiquement cette hausse dans les branches en renouant avec l’échelle mobile des salaires.[1] Voilà le seul véritable « partage de la valeur » dont nous souhaitons discuter.