Après le vent de la supposée « grande démission »[1], c’est désormais celui de la semaine de quatre jours qui souffle en Europe, vue comme une réponse à la perte de sens généralisée au travail. Le fait que l’idée fasse son chemin est une bonne nouvelle ; le fait que le patronat commence à s’en emparer doit en revanche nous conduire à la plus grande vigilance.
Ce mémo vise à tirer les enseignements des expérimentations européennes en la matière, et à rappeler que si la RTT est une nécessité, elle ne peut être laissée aux mains du patronat… sous peine de payer nous-même la RTT ! Derrière le partage du temps de travail ou de la valeur ajoutée, on retrouve toujours le conflit entre capital et travail.
[1] Voir le mémo éco sur le sujet.
-
L’entourloupe patronale
-
Angleterre, Islande, Espagne ; les expérimentations sur le sujet se multiplient. Mais là où elle est testée à l’initiative du patronat et des politiques en place, les constats sur la semaine de quatre jours sont les mêmes : puisque la charge de travail se maintient, le rythme s’intensifie.
C’est ce que montrent les résultats issus de l’expérimentation de 6 mois conduite en Angleterre sur près de 3 000 salariés, entre juin et décembre 2022. La grande majorité des salariés déclarent en effet que leur charge de travail s’est maintenue, tandis que les deux tiers d’entre eux signalent une augmentation du rythme de travail.
C’est donc bien une hausse de la productivité qui compense le maintien du salaire mensuel. Dit autrement, dans cette formule, nous nous payons nous même notre réduction du temps de travail, alors que cela ne change rien pour l’employeur !
C’est une réalité bien connue en France, notamment dans le secteur hospitalier où le passage aux 35h s’est fait à moyens constants… intensifiant considérablement le travail des personnels soignants.
Bref, si la semaine de quatre jours est instaurée autrement qu’à l’initiative du monde du travail en France, elle conduira aux mêmes résultats qu’ailleurs. L’ironie de la chose réside dans le fait que la France est déjà championne Européenne de l’intensification du travail. La semaine de quatre jours sauce patronale viendrait ainsi empirer encore davantage l’état physique et psychique des travailleur·euses, sans régler ni le problème de la pénibilité, ni celui de la perte de sens… ni celui du chômage de masse !
-
La vraie RTT est une nécessité
-
Pourtant, la réduction du temps de travail notamment via le passage aux 32 heures hebdomadaires est une revendication majeure de notre organisation. Comme nous l’expliquons plus largement dans la note dédiée, la seule vraie réduction du temps de travail intègre trois paramètres :
- L’absence de baisse du salaire mensuel donc une hausse du salaire horaire,
- L’absence d’une intensification du travail correspondant à une hausse de la productivité,
- La baisse de la charge de travail, compensée par des embauches.
La logique « gagnant / gagnant » en matière de RTT, si elle peut être séduisante, n’existe tout simplement pas. La semaine de quatre jours, si elle se fait selon les modalités patronales, n’aura qu’un seul effet : intensifier à nouveau le travail, et révéler toujours un peu plus l’impasse sociale et économique dans laquelle nous mène notre régime économique.
Dans cette configuration, ce sont bien les employeurs qui mettent la main au porte-monnaie. Ce sont bien les profits qui sont lésés. Cela rejoint un autre axe revendicatif majeur : une réorientation du partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés.
-
A retenir :
-
- La RTT est une nécessité… mais pas à la mode patronale !
- Si le maintien du salaire mensuel est compensé par une hausse de la productivité, nous nous payons nous même notre réduction du temps de travail
- La RTT pour la CGT repose sur l’organisation collective de la baisse du temps de travail, pour permettre à chacun et chacune de trouver un emploi lui permettant de vivre dignement