Mémo Sécu n°3 : Le travail c’est la santé… ou peut-être pas. Quel lien entre revenu, catégorie socio-professionnel et maladies chroniques ?

Publié le 26 jan. 2023
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Existe-t-il un lien entre maladie chronique et travail ? Si établir le lien entre un travail précis et le développement d’une maladie chronique n’est pas une mince affaire, bien que cela soit possible pour certains métiers, globalement les données disponibles de la Drees nous indiquent qu’aujourd’hui, le travail est corrélé à l’apparition ou non d’une maladie chronique.

Qu’il s’agisse des possibles attaques du gouvernement sur la prise en compte de la pénibilité dans le cadre de la réforme des retraites, ou les attaques successives contre les régimes pionniers, la pénibilité du travail n’est toujours pas reconnue comme elle le devrait. Elle impacte profondément les corps des travailleurs.euses et laisse souvent des traces extrêmement profondes. Ce nouveau mémo Sécu est l’occasion de mettre en lumière l’une des conséquences possibles du travail sur les corps des travailleurs et des travailleuses.

 

Les points importants à retenir
  • Les maladies chroniques pourraient être à l’origine des écarts très important d’espérance de vie entre les 5% des plus riches et les 5% des plus modestes : 13 ans pour les hommes et 8 ans pour les femmes,
  • Le risque de développer une maladie chronique est 10% plus élevé chez les plus modestes que chez les plus aisés,
  • Les plus modestes ont un risque 2,8 fois plus élevé de vivre avec une maladie psychiatrique que les plus aisés,
  • L’incidence ou la prévalence de maladies chroniques diminue avec le revenu. Les plus modestes, lorsqu’ils sont malades, ne sont pas suffisamment identifiés comme tel.
  • Entre les 10% des plus modestes et les 10% des plus riches, les écarts d’espérance de vie avec maladie chronique sont de 6,2 ans contre 3,8 ans sans ce type de pathologie.

Dis-moi ce que tu gagnes et je te dirai si tu deviendras malade

Pour comprendre 

Attention, en ce qui concerne les maladies chroniques, il faut faire la différence entre l’incidence et la prévalence.

  • L’incidence correspond au risque de déclarer une de ces maladies durant une période donnée. Il s’agira donc de mesurer « les nouveaux malades ».
  • La prévalence correspond au nombre de malades dans une population définie : combien d’ouvriers ou de cadres sont actuellement atteints d’une maladie cardiovasculaire ou d’un diabète par exemple.

Il ne s’agit pas de dire ici que le travail ou la situation sociale est la cause du développement de maladies chroniques. On sait cependant qu’un niveau de revenu faible est corrélé à une chance beaucoup plus importante de développer ce type de pathologie.

En France, seul le risque de cancer ne semble pas corrélé au niveau de revenu. Pour les autres maladies chroniques retenues par le DREES (maladies cardiovasculaires, diabète, maladies psychiatriques, maladies neurologiques ou dégénératives, maladies respiratoire chroniques, maladies du foie ou du pancréas), le risque de développer l’une d’entre elle est 10% plus élevé chez les plus modestes que chez les plus aisés.

Ce document, issue de l’étude la DREES, résume le risque de développer une maladie chronique suivant le niveau de revenu.

Que faut-il retenir de ces graphiques ?

  • Le risque de développer une maladie chronique diminue avec l’augmentation du niveau de vie : plus je suis riche, moins j’ai de chance de développer l’une de ces pathologies ;
  • Pour les maladies cardiovasculaires et respiratoires, il n’y a pas de différence entre D1 et D2 qui correspondent au 10% des plus modestes et au 10% suivant. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de lien entre revenu et maladie chronique à ce niveau mais bien plutôt qu’il y a surement une sous déclaration et un manque de suivi du fait d’un plus faible recours aux soins : les chiffres montrent que la pauvreté limite l’accès aux soins !

Dis-moi ce que tu fais et je te dirai si tu deviendras malade

S’il existe un lien entre niveau de revenu et incidence de maladies chroniques, il existe aussi un lien important entre catégories sociaux professionnelles et maladies chroniques, ce qui tombe sous le sens.

En France, le risque de développer une maladie respiratoire chronique est 1,4 fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres. Il est clair aujourd’hui qu’être cadre ou ouvrier n’expose pas aux mêmes problématiques. Il ne s’agit de dire qu’il y a une catégorie de travailleurs privilégiés par rapport à une autre, mais bien plutôt d’être au fait des conditions de chacun pour penser nos revendications sur des bases cohérentes.

Aujourd’hui, un ouvrier a donc, par rapport à un cadre :

  • 2 fois plus de risque de développer une maladie psychiatrique,
  • 1,92 fois plus de risque de déclarer un diabète,
  • 1,52 de déclarer une maladie dégénérative ou neurologique,
  • 1,5 pour une maladie du foie ou du pancréas,
  • 1,29 pour une maladie cardiovasculaire. 

Les classes populaires tombent plus malades…et elles le restent

Après avoir mesuré l’incidence on peut aussi mesurer la prévalence des maladies chroniques. Proposer une distinction entre ces deux manières de mesurer permet notamment d’appréhender s’il y a une identification ou une prise en charge différente de ce type de pathologie selon son niveau de revenu. Là encore, les inégalités sont importantes et très liées au revenu des individus.

La deuxième série de graphique ci-dessous illustre le risque de vivre, et non plus de déclarer, une maladie chronique suivant son niveau de revenu. Encore une fois, la population est répartie en dix tranches selon le niveau de revenu.

Que faut-il retenir de ces graphiques ?

  • Aujourd’hui, les plus modestes ont un risque 2,8 fois plus élevé de vivre avec une maladie psychiatrique que les plus aisés.
  • Pour le cancer, le risque de vivre avec est plus faible chez les plus modestes. La différence avec les cadres pose encore une fois la question de la détection et de la prise en charge des cancers selon les revenus.
  • Pour l’ensemble des maladies chroniques, le risque de vivre avec décroit avec le niveau de revenu et cela de manière quasi linéaire ce qui laisse supposer un lien important entre conditions de vie et de travail et prise en charge des maladies chroniques.
  • La stabilité ou la hausse des courbes entre D1 et D2 doit être comprise comme un problème de sous déclaration : les plus modestes qui déclarent des maladies chroniques ne sont pas identifiés et donc pas soignés.

 

Repère revendicatif