Depuis quelques semaines, la majorité présidentielle mène une offensive sur le thème de l’emploi en multipliant les annonces glorifiant les résultats de la politique économique menée. Selon la majorité et ses défenseurs, toutes les mesures visant une baisse de l’imposition des entreprises (suppression de la CVAE, baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, etc.) ont permis de faire baisser le chômage, de créer des emplois, ou encore de réindustrialiser…
À l’opposé de ces incantations pourtant, quand on y regarde de plus près, la baisse du chômage aurait plus à voir avec la casse continue de la protection sociale que les macronistes organisent, réformes après réformes. La « bonne » dynamique de l’emploi, elle, cache des perfusions massives d’argent public, stimulant artificiellement les créations d’emplois. Quant à la réindustrialisation, non seulement les promesses suivant le Covid ne sont pas au rendez-vous, mais les signes de faiblesse se multiplient.
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Casser la protection sociale pour forcer à travailler
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En l’espace d’à peine 3 ans, Macron et sa garde rapprochée auront réussi l’exploit de conduire non pas une mais deux réformes assassines contre l’assurance chômage. La première, amorcée en 2019 et appliquée en 2021 a pour conséquence une baisse de 16 % des indemnités chômage en moyenne. Dit autrement, ce n’est pas moins de 1/6 des indemnités que les chômeurs ne touchent plus. La seconde réforme conduite fin 2022 vient remettre un coup de canif supplémentaire, et pas des moindres, en s’attaquant cette fois à la durée d’indemnisation, réduite de 25%.
Les conséquences de ce duo de réformes sont évidentes : un chômeur qui est plus précaire et indemnisé moins longtemps est plus vite de retour en emploi, et tant pis si ce retour à l’emploi se fait de manière plus heurtée, moins durable, et sur des postes sans aucun lien avec les qualifications !
C’est ainsi que le Ministre du travail O. Dussopt se gargarise d’un taux de chômage historiquement bas, à 7,2% selon les derniers chiffres de l’Insee. Lorsqu’on force le retour à l’emploi, le chômage baisse. Jusque-là, rien d’étonnant, mais la réalité pour les travailleurs s’en trouve d’autant plus dégradée.
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Une bonne tenue de l’emploi… en trompe l’œil !
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Restons encore un instant sur le chômage, cette fois avec les chiffres des demandeurs d’emploi par catégories. Au troisième trimestre 2022, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A[1], la plus regardée, était en baisse de 3,8%. Mais les demandeurs d’emploi en activité réduite sont en augmentation, de 5,2% pour l’activité réduite courte et de 2,3% pour l’activité réduite plus longue. Plus dramatique encore, les radiations sont en hausse de 10,4% sur le dernier trimestre, et l’année 2022 aura été celle de tous les records en termes de radiations. À l’inverse, les sorties du chômage pour reprise d’emploi sont en chute libre : -30 % sur un an ! Bref, il y a vraiment de quoi se réjouir… ou pas.
Si l’on regarde du côté de l’emploi maintenant, l’augmentation de l’apprentissage compte pour près de la moitié des créations d’emplois. Or, ce développement de l’apprentissage est loin d’être spontané, dans le sens où il s’explique très largement par les aides à l’embauche d’un apprenti, entre 5 000 et 8 000€ ! Concrètement, pour un apprenti, c’est 45% de la facture qui est prise en charge par l’État, donc pas nos impôts, pour le plus grand bonheur des employeurs !
C’est donc à grand coût d’argent public que le gouvernement affiche un dynamisme de l’emploi. Cette aide à l’embauche s’inscrit dans la logique de multiplication des aides aux entreprises, qui atteignent en 2021 plus de 200 milliards d’euros, soit le premier poste de dépenses de l’État !
S’il y a une réalité que la majorité présidentielle laisse volontairement sous le tapis, c’est la question de la qualité des emplois, qui explique pourtant une part très importante des difficultés de recrutement, qui elles, ne sont pas en baisse. Temps partiels subis, mauvaises conditions de travail, horaires hachés ou décalés dans la journée, faibles rémunérations : voilà les principales caractéristiques des emplois qu’occupent une partie des français, et que d’autres ne veulent plus prendre.
[1] Pour des détails sur les différentes catégories de demandeurs d’emploi, se rapporter au mémo éco n°98.
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La désindustrialisation se poursuit
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Venons-en au dernier motif de réjouissance de la macronie : la « réindustrialisation ». Or, non seulement l’heure n’est pas au redéploiement de l’industrie en France, mais en plus, elle poursuit son déclin ! Au niveau macroéconomique, le constat est le suivant : la part de l’industrie dans la valeur ajoutée brute totale poursuit son inexorable baisse (et ce sont les économistes proches du gouvernement qui le disent). De la même manière, la balance commerciale continue de se dégrader, et cela s’explique en partie par l’effondrement de l’industrie manufacturière, qui ne représente plus que 9% du PIB, soit deux fois moins qu’en 2000.
Ces éléments globaux sont à rapprocher de réalités très concrètes, et de dynamiques sectorielles peu encourageantes. Même les secteurs les plus concernés par les annonces de relocalisation prioritaires suivant le Covid, du fait de leur dimension stratégique, sont bien loin d’avoir le vent en poupe. C’est notamment le cas de la production de médicament, qui selon la formule des Échos fait un pas en avant, pour trois en arrière.
Si la réalité des secteurs stratégiques est celle-ci, on imagine bien ce qu’il en est des secteurs considérés comme moins stratégiques. D’autant que la hausse importante des coûts de l’énergie vient encore fragiliser l’équilibre, avec des factures énergétiques déjà multipliées par quatre en 2022.
Alors soyons clairs ; si nous voulons réindustrialiser, il faudra impérativement sortir de cette course à la compétitivité, et commencer à mettre en œuvre les bases d’une politique énergétique durable, grâce à la planification.
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A retenir :
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- La majorité présidentielle continue de multiplier les cadeaux aux entreprises, et s’en défend en mettant en avant des « conséquences positives pour l’emploi »
- Non seulement ces aides aux entreprises se font au détriment de la protection sociale, qui est chaque jour un peu plus attaquée, mais en plus, ces conséquences positives pour l’emploi sont plus que discutables
- La relative faiblesse du chômage telle qu’affichée par le gouvernement s’explique par un nombre record de radiations et une hausse du chômage avec activité réduite
- Le bon maintien de l’emploi se fait en trompe l’œil, avec un subventionnement massif
- La réindustrialisation n’est toujours pas réellement à l’ordre du jour
- Pour rappel, les propositions CGT sont à l’opposé des mesures gouvernementales : la seule bonne manière de créer de l’emploi reste la réduction du temps de travail, tandis que la sécurité sociale professionnelle, appuyée notamment sur une assurance chômage digne de ce nom, est un impératif.