Alors que nous faisons face à un hiver historiquement sec, nous publions ce mémo sur l'état inquiétant des réserves en eau...
Photo d'illustration: Lac de Serre Ponçon, France, août 2019. Crédit : lcs_vgt / Unsplash
- Nappes phréatiques : situation toujours tendue et inquiétante
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A la suite de la sécheresse record de cet été, le BRGM (le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, l’EPIC en charge de gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol) alertait sur le fait que les nappes phréatiques avaient été tellement sollicitées qu’il faudrait probablement deux ans (sans nouvelle sécheresse) pour retrouver des niveaux corrects sur l’ensemble du territoire.
La dernière mise à jour de la situation des nappes phréatiques confirme malheureusement les prévisions à la sortie de l’été, à savoir un rechargement trop lent à date.
Plusieurs choses sont à noter sur cette carte :
- Les ¾ des nappes sont à un niveau insuffisant de recharge à cette période de l’année, par rapport à décembre dernier;
- Plusieurs nappes sont à un niveau bas voir très bas;
- Le niveau de certaines est en baisse alors que nous sommes en hiver;
- Aucune nappe n’est à un niveau au moins modérément haut.
En effet, « les pluies infiltrées durant l’automne ont été très insuffisantes pour compenser les déficits accumulés durant l’année 2022 », dû en partie à une pluviométrie trop faible et à des sols trop secs, qui ont eu besoin de se réhumidifier avant de laisser l’eau s’infiltrer.
En cas de pluies insuffisantes sur la période février-mars, la vidange des nappes pourraient commencer très tôt, ce qui fait craindre une situation critique cet été en cas de nouvelle sécheresse, d’autant que les premiers feux de forêts de l’année ont déjà fait leur apparition, dans les Bouches-du-Rhône et les Pyrénées-Orientales, là aussi à cause d’un manque de précipitation qui a rendu la végétation trop sèche.
- Méga-bassines : des projets de plus en plus décriés et hors du temps
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Ce faible niveau de rechargement des nappes phréatiques met encore plus en lumière le manque de pertinence des projets de méga-bassines, qui comme nous l’expliquions dans une note de décembre 2022, sont remplies par pompage dans les nappes durant les phases hivernales.
Ce décalage commence à faire réfléchir les pouvoirs publics, qui deviennent de plus en plus fébriles sur la question. Ainsi, dans la Vienne, alors qu’un protocole a été signé en novembre 2022 autorisant la construction de 30 de ces ouvrages, le préfet a exprimé ses inquiétudes vis-à-vis des capacités de remplissage de toutes les bassines en se basant sur les premières conclusions de l’étude HMUC (Hydrologie milieux usage climat) qui doit être rendue en mars.
La semaine dernière, c’est le conseil d’Etat qui a confirmé la décision de la cour d’Appel de Bordeaux sur l’interdiction de remplissage de 5 méga-bassines situées en Charente-Maritime, en « l’absence de données suffisantes sur l’impact des prélèvements ».
Enfin, le 30 janvier dernier, c’est l’hydrologue Anne-Morwenn Pastier qui a présenté une contre-étude remettant en cause l’étude de l’antenne Nouvelle-Aquitaine du BRGM et qui mettait en avant les effets positifs de la mise en place de ces « réserves de substitutions ». La contre-étude pointe ainsi de nombreux manquements dans les simulations réalisées par le Bureau, comme le fait que la décennie de référence soit 2001-2011, alors que la décennie 2011-2021 a été bien plus chaude et a vu plusieurs records de températures estivales tomber successivement.
En parallèle, la répression contre les militant.e.s s’opposant aux méga-bassines se poursuit, avec la découverte il y a peu d’un tracker GPS sous le véhicule du porte-parole du collectif « Bassine non-merci (BNM) » et justifié par la préfecture des Deux-Sèvres par « des antécédents de violences de BNM ». Comme souvent (et en particulier envers les syndicalistes d’ailleurs), l’Etat préfère criminaliser les lanceurs d’alertes et les militant.e.s plutôt que de s’interroger voir remettre en cause le système existant.
Pourtant, face à un capitalisme qui exploite à outrance et dégrade autant l’humanité que les ressources naturelles, il est indispensable que nous prenions la mesure de l’urgence à agir et à se préparer aux bouleversements environnementaux à venir en faisant évoluer nos moyens de production et de consommation afin qu’ils répondent aux besoins des populations en conjuguant urgence sociale et environnementale.