Mémo Sécu n°20 : Aide à l'autonomie en France

Publié le 15 avr. 2024
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Comme la plupart des pays occidentaux, la France doit faire face au défi du vieillissement de sa population et par la même à une augmentation importante d’ici 2030 de la population dite en perte d’autonomie

Parallèlement, les 20 dernières années ont été marquées par des transformations profondes du secteur de l’aide à l’autonomie. Qu’il s’agisse de l’évolution des structures d’accueil avec l’apparition des EHPAD par exemple ou du développement de l’aide à domicile et de la réorientation des politiques publiques vers le virage domiciliaire, le secteur de l’aide à l’autonomie a largement évolué et va faire face à des besoins toujours plus importants.

Lors de l’affaire ORPEA, la CGT a largement analysé ce secteur et critiqué ces mutations qui ont à la fois entrainé une reprise en main de l’Etat sur le financement de l’aide à l’autonomie, au détriment de la Sécu et surtout le développement du secteur privé.  Nous avons alors défendu la mise en place d’un grand service public de l’aide à l’autonomie.

Ce mémo Sécu pose quelques enjeux pour l’avenir en ce qui concerne l’aide à l’autonomie des plus âgées. Il propose un constat sur la situation actuelle du secteur et liste quelques problèmes centraux. L’aide à l’autonomie ne se limite pas aux plus de 60 ans mais seule cette dimension sera abordée ici.

Les points importants à retenir

  • En 2050, il y aura plus de 24 millions de personnes de plus de 60 ans dont 4 millions en perte d’autonomie contre 2.5 millions aujourd’hui.
  • Les structures d’accueils sont de moins en moins adaptées et créent des situations de maltraitances institutionnalisées et de mal-être au travail.
  • La situation financière de l’ensemble des structures se dégrade fortement : pour les structures publiques, le déficit prévisionnel avoisinait les 3 000€ par place en 2022 et 40% de ces EHPAD ont rencontré des difficultés de trésorerie.
Vieillissement de population, structures d’accueil et aides à domicile

C’est dans un contexte de vieillissement de la population que les réflexions sur l’aide à l’autonomie doivent se construire. Si aujourd’hui la France compte près de 18 millions de personnes de plus de 60 ans, celle-ci seront 6 millions de plus d’ici 2050. Pour ce qui est des personnes de 60 ans en perte d’autonomie, elles étaient près de 2,5 millions en 2021 et devraient être au nombre de 4 millions à l’horizon 2050. En 2019, l’âge médian d’une résidente à l’entrée de l’EHPAD était de 88 ans.

Selon les dernières données disponibles de la CNSA, il existait en 2022, 614 608 places d’accueil pour les personnes âgées dépendantes tout type d’hébergement confondu :

  • 68% de ces places disponibles sont en EHPAD,
  • 14% de ces places correspondent à des possibilités de soins à domicile, 
  • 13,4% des places en résidences autonomie.

 

Ce sont 7 467 EHPADs en 2022 dont plus de 20% sont des structures privées lucratives.

Du côté des personnes aidées, le reste à charge est particulièrement élevé alors que la majorité d’entre elles sont des femmes ayant des revenus structurellement plus faibles.

Enfin, le prix médian d’une chambre seule en hébergement permanent en EHPAD en 2020 était de 2 043€ (prix de l’hébergement avec un niveau de GIR 5-6 représentant les personnes partiellement ou totalement autonome).

En ce qui concerne les EHPAD, la Fédération Hospitalière de France (FHF) indique dans une étude récente sur l’année 2022 que plus de 85% des établissements publics interrogés prévoyaient un déficit pour 2022 contre 45% en 2019. Pour ces structures, le déficit prévisionnel avoisinait les 3 000€ par place.

Concernant les aides à domicile, selon le rapport IRES-CGT sur les métiers du soin et du lien, celles-ci étaient un peu plus de 550 000 en 2019, dont 94% de femmes avec un salaire mensuel moyen de 902€. Dans ce secteur, ce même rapport indique qu’il serait nécessaire de créer, sur le volet dépendance, entre 48 000 et 223 000 emplois, sans compter les emplois de soignant-e-s, selon que l’on décide de limiter partiellement les problèmes ou de développer l’offre sur tout le territoire au niveau des territoires les mieux dotés aujourd’hui.

Pour les salarié.es de ce secteur, les conditions de travail et de rémunérations sont particulièrement mauvaises. Pour les aides à domicile, elles sont parmi les professions avec le plus de risque d’avoir un accident du travail, avec des horaires de travail atypiques, morcelées et ne sont rémunérées que sur leurs heures d’interventions directes.

Du côté des soignant-e-s en structures, ils et elles sont soumises à des conditions de travail et des horaires de plus en plus compliqués du fait du manque de personnel notamment. Dès 2020, l’Ordre national des infirmiers alertait sur le fait que 33 % des 60 000 infirmières interrogées déclaraient qu’elles étaient déjà en épuisement professionnel avant la crise. Aussi, 37 % d’entre elles auraient envie de changer de métier et 43 % ne savaient pas si elles seraient encore infirmières d’ici cinq ans.

 

Faire face au maintien à l’autonomie des plus de 60 ans

L’ambition du virage domiciliaire largement vendu par le gouvernement est aujourd’hui un mirage qui fait face à la situation du secteur de l’aide à domicile et à la désertification médicale. Sur le principe, il est évident qu’il faut maintenir les personnes à domicile si elles le souhaitent, ce maintien à domicile ne peut être garanti par le recours aux aidant-e-s. Aussi, l’insuffisance de professionnels de l’aide et du soin, la crise du recrutement liée à des les conditions de travail difficiles et un manque de moyens ou encore l’absence de médecin dans de nombreux territoires limitent les capacités de prise en charge et de suivi des personnes concernées.

Comment entamer un virage domiciliaire sans répondre aux attentes des professionnel.es de l’aide et du soin à domicile, sans leur garantir des rémunérations qui reconnaissent leurs qualifications et la pénibilité de leur travail ?

Pour la CGT, c’est 200 000 recrutements qui seraient nécessaires dans les EHPADs pour permettre d’atteindre 1 soignant par résident.es et 100 000 travailleur-se-s supplémentaires dans le secteur de l’aide à domicile. L’enjeu est de taille et les dépenses aussi puisque ce même rapport estime qu’une revalorisation des salaires à la hauteur des qualifications de ces travailleur-se-s, c’est-à-dire équivalente à celles qu’elles pourraient obtenir dans d’autres secteurs, pourrait aller jusqu’à 18 milliards d’euros. Et il ne s’agit que de l’aide directe à l’autonomie.

Si le maintien à domicile peut être une bonne chose dans certaines conditions, celui-ci va entrainer une concentration des personnes avec les niveaux de dépendance les plus importants dans les structures. Aujourd’hui, 80% des personnes à domicile en perte d’autonomie ont un GIR inférieur à 2, en établissement, ils ne sont plus que 44%. Concrètement, le virage domiciliaire pourrait entrainer un mouvement de concentration encore plus important des GIR les plus élevés dans les établissements. Si le niveau d’encadrement par des soignant.es n’évolue pas, étant entendu qu’il n’y a toujours pas de règlementation, des affaires de maltraitance institutionnalisée à l’image de l’affaire ORPEA réapparaitront.

Les problèmes sont multiples et nous n’en avons abordé qu’une partie ici.  Une politique publique ambitieuse, dans le cadre d’une Sécurité sociale intégrale permettrait de garantir la continuité de la prise en charge de la perte d’autonomie tout au long de la vie et cela quelles que soient les situations individuelles.

La CGT dénonce la marchandisation de la santé et, tout particulièrement, l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées dans les instituts à but lucratif.  L’aide à l’autonomie, qu’il s’agisse du domicile ou des établissements, ne peut être exposée à la recherche du profit et de la rentabilité, surtout lorsque celle-ci est dictée non par une volonté de maintien et de développement du service mais bien d’accumulation du capital. Les métiers du soin et du lien méritent, tout autant que les patients, mieux que les contraintes du capital.

 

Repère revendicatif